Au Tanganyika, des enfants sont privés de leur enfance

Un conflit interethnique opposant des groupes de miliciens pygmées et bantous touche la Province du Tanganyika depuis plusieurs années.

Mandela Longa Ntutula
Matthieu a rejoint la milice pour venger la mort de son père, tué par la milice pygmée
UNICEF DRC Longa
30 janvier 2019

Au cœur de la Province du Tanganyika, au sud-est de la République Démocratique du Congo (RDC) des enfants ont abandonné leurs armes, leurs flèches, machettes et couteaux et lancent aujourd’hui un cri d’alarme pour leur avenir.

Les enfants victimes du conflit interethnique au Tanganyika

Matthieu* (16 ans), Karl* (14 ans) et Jonathan* (11 ans) sont trois enfants de villages et d’origines différentes mais aux histoires qui se ressemblent.

Matthieu a rejoint la milice pour venger la mort de son père, tué par la milice pygmée. « Les pygmées nous ont surpris un matin et mon père a été abattu. Je l’ai vu mourir et j’avais peur de mourir aussi. C’est pourquoi je n’ai pas hésité un seul instant quand le chef de la milice bantoue est venue nous recruter, nous promettant une protection. »

Ces enfants ont vu des choses que jamais ils n’auraient dû voir. « Les pygmées nous attaquaient avec leurs flèches et nous nous armions des nôtres en réplique. J’ai vu des cadavres gisant au sol. », poursuit Matthieu.

Jonathan, 11 ans
UNICEF DRC Longa

Jonathan, qui n’est âgé que de 11 ans, se remémore des souvenirs atroces des combats. « Quand je suis allé participer à mon premier combat, j’avais trop peur. On m’a donné une flèche, j’ai tiré mais loupé. On m’a donné une autre flèche mais j’avais trop peur… »

Les droits les plus chers des enfants sont bafoués. L’école de Jonathan a été détruite, les kits récréatifs que l’UNICEF avait remis à son club d’adolescents ont été brûlés et l’équipe de football n’existe plus ! « Même au village, nous avions des ballons et des vareuses mais tout a été brûlé. Nous ne pouvons plus jouer », poursuit Jonathan, le regard triste.

Karl vit maintenant avec son oncle
UNICEF DRC Longa

Durant les violences, les trois garçons ont perdu leurs responsables. Jonathan vit maintenant avec sa tante maternelle, Matthieu avec son grand-père et Karl avec son oncle. Tous vivent dans des situations précaires et sont obligés de donner leur contribution au pain quotidien des ménages. Jonathan travaille la terre chaque jour pour gagner 1.000 francs congolais [moins de 1 USD]. « Si tu ne vas pas travailler au champ pour être rémunéré, tu ne manges pas », s’exclame le jeune garçon d’un ton crispé.

Rependre la vie normale et retourner à l’école

Pour Jonathan, Matthieu et Karl, l’espoir renait un petit peu depuis qu’ils ont été identifiés comme étant non accompagnés et pourront bénéficier d’assistance. Dans la cadre de la Journée Internationale des Enfants Soldats, les trois garçons ont assisté à une séance de sensibilisation sur les droits de l’enfant. Ils peuvent maintenant dire qu’ils connaissent leurs droits tels que contenus dans la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CDE).

Jonathan, le plus jeune, se plait à réciter les grandes lignes de l’article qui lui tient le plus à cœur : « l’enfant a le droit à l’éducation et l’Etat doit rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ». Dans le territoire de Nyunzu, les enfants ayant combattu dans les milices sont impatients de pouvoir reprendre le cours normal de leur vie et retourner à l’école.