Dépistage de la Malnutrition Aigüe Sévère : Les mères de Koukouroumé à la pointe du combat !

L’approche de dépistage communautaire à travers la mesure du Périmètre Brachial (PB) par les mères et les Groupes de Soutien aux Activités de Nutrition (GSAN) donne de l’espoir dans la lutte contre Malnutrition Aigüe Sévère.

Par Ismail Maiga
Samba Goundourou est l’Agent de Santé Communautaire (ASC) du village de Kokroumé, il s’occupe de la prise en charge des enfants malnutris dépistés par les relais et les mères GSAN. Il fait des kilomètres à moto pour la supervision sur le terrain de la malnutrition. Grace à l’approche mise en place par l’UNICEF, qui consiste au dépistage communautaire de la malnutrition par les mères relais et le suivi de la Malnutrition Aigüe Sévère par les Groupes de Soutien aux Activités de Nutrition.
UNICEF Mali/2020/Dicko
01 décembre 2020

Situé à 75 km de Nioro du Sahel, environ 3 heures de route, le village de Koukroumé, commune rurale de Simby abrite un site d’agent de santé communautaire (ASC). Les pistes escarpées de la zone sont impraticables en cette période d’hivernage. Aussi, atteindre un agent de santé relève du vrai parcours du combattant.

L’approche de dépistage communautaire à travers la mesure du Périmètre Brachial (PB) par les mères et les Groupes de Soutien aux Activités de Nutrition (GSAN) donne de l’espoir dans la lutte contre Malnutrition Aigüe Sévère. Les aliments thérapeutiques dans la lutte contre la malnutrition des enfants de 0 à 5 ans sauvent des vies et constituent une véritable panacée.

Samba Goundourou, 31 ans, est agent de santé communautaire (ASC) depuis bientôt 10 ans dans le village de Koukroumé. Venu du centre de santé de référence de Nioro, il s’est assigné comme tâche de « relever le défi de la santé au niveau du village dont les indicateurs en matière de lutte contre le paludisme, la malnutrition et autres pathologies étaient au rouge. » C’est ainsi que sur les 13 villages de l’aire de santé de Simby, priorité a été accordée au village de Koukroumé.

Koumba Diakité, désespérait de l’état de santé de sa fillette Hatouma âgée de 18 mois, toute frêle. Au cours d’une visite à domicile témoigne-t-elle, une femme du GSAN a détecté une malnutrition de sa fille. Aussitôt elle a orienté l’enfant chez l’ASC pour la prise en charge. Arborant un large sourire, elle se dit heureuse de voir son enfant totalement guéri.

L’instauration de la stratégie de dépistage communautaire et le traitement de la malnutrition aigüe dans sa forme sévère sans complication par les ASC, fait suite à un constat de forte prévalence de la malnutrition au Mali en particulier dans la région de Kayes avec un taux de 8,9% selon l’enquête SMART 2019 et la faible couverture du programme de prise en charge 24,5% selon l’enquête de couverture SLEAC 2014.

Koumba Diakité tenant sa fille convalescente de la malnutrition
UNICEF Mali/2020/Dicko

Face à ce constat, il a été mis en place des groupes de femmes et d’hommes issus de la communauté sont outillés pour mener des activités de détection et de prévention contre la malnutrition sous toutes ses formes. Ils portent le nom de GSAN dans les villages de Moromoro, Koukroumé et Guemou Malinké. Sous la supervision technique de l’ASC et le Centre de Santé Communautaire (CSCOM) les GSAN ont pour rôle l’animation mensuelle des séances d’éducation, de sensibilisation, de dialogues communautaires, de démonstrations culinaires nutritionnelles. Ces GSAN effectuent aussi des visites à domicile (VAD) et des activités de communication interpersonnelle pour encourager les communautés en particulier les mères dans leur choix d’adhésion aux bonnes pratiques ; ainsi que la promotion de l’allaitement maternel exclusif, d’alimentation de complément et celle des femmes enceintes et allaitantes, le dépistage des enfants malnutris une fois par mois.  

Juché sur sa moto, Samba Goundourou explique : « Notre travail consiste au dépistage et à la prise en charge des cas modérés de malnutrition et des cas sévères sans complications. En tant qu’agent de santé communautaire, je travaille étroitement avec les relais communautaires et les GSAN. Ils font le dépistage dans le village et me réfèrent les cas de malnutrition pour la prise en charge. »

Mr Samba Goundourou,, Agent de Santé Communautaire entrain de dépister les enfants identifiés par le GSAN
UNICEF Mali/2020/Dicko

L'approche PB mère pour le dépistage et suivi de la malnutrition par les GSAN est une démarche de surveillance nutritionnelle et de diagnostic de la malnutrition aigüe par les mères et/ou gardiens d’enfant de 6-59 mois. Elle consiste à former un groupe de mères au diagnostic de la malnutrition aigüe par la mesure et l’interprétation du périmètre brachial et la recherche des œdèmes nutritionnels. Grâce à l’adhésion des populations Beaucoup de choses ont changé confie l’ASC.

« En 2011, les femmes enceintes avaient des œdèmes. Elles n’effectuaient aucune consultation prénatale, les enfants n’étaient pas vaccinés, la défécation se faisait à l’air libre. Les accouchements se faisaient à domicile. Il y avait une grande promiscuité entre les hommes et les animaux domestiques. Aujourd’hui tout cela n’est plus qu’un triste souvenir. Le site ASC est fréquenté. Tous les enfants du village disposent d’actes de naissance. La communauté est en meilleur état de santé » énumère fièrement Goundourou. 

« Dès que des cas de malnutrition sont référés au niveau du site, poursuit-il, je refais les mesures de vérification avant de donner le traitement adéquat. En cas de malnutrition aigüe modérée, nous administrons le plumpy Sup à raison d’un sachet par jour, pendant une semaine. Si c’est un cas de malnutrition aigüe sévère, sans complication, nous administrons le plumpy Nut en fonction du poids de l’enfant par jour pendant une semaine. Nous administrons de l’amoxicilline, de l’albendazole et du fer selon le type de malnutrtion. » Seuls les cas de malnutrition sévères avec complications sont référés au Dr Boubacar Sidibé, Directeur Technique du CSCOM de Simby, confie le médecin.

En termes d’activités de prévention et de prise en charge de la malnutrition, selon les données enregistrées dans la base de données du système d’information sanitaire, Health System (DHIS2), 98 enfants ont bénéficié de prise en charge de la malnutrition aigüe au 1er semestre 2020 dont 36 par l’Agent de Santé Communautaire de Koukroumé.

Dépistage d’un enfant par une mère GSAN à Koukouroumé
UNICEF Mali/2020/Dicko

En termes de résultats, une véritable révolution semble s’opérer au sein de cette communauté de 1511 habitants. En effet, ces GSAN ont permis de réaliser au premier semestre 2020, une cinquantaine de séances de communication pour le changement social et de comportement. Dans une communauté aussi conservatrice que celle des Soninkés, la révolution a atteint les hommes qui semblent autant assidus que les femmes. Ainsi, au 1er semestre 2020 quelques 384 participants dont 144 hommes contre 46 en 2019 ont pris part aux différentes causeries éducatives. Il en est de même des 69 visites à domicile réalisées par les GSAN au premier semestre 2020 contre 67 sur les 12 mois de l’année 2019. En ce qui concerne les démonstrations nutritionnelles, les GSAN en ont réalisé 27 au 1er trimestre 2020 avec 231 participants dont 29 Hommes contre 10 en 2019.

Bakary Cissé, Maire de Simby soutient que l’apport de la collectivité reste déterminant. C’est pourquoi, le conseil communal appuie cette initiative de l’UNICEF pour lutter contre la malnutrition des enfants de 0 à 5ans et des femmes enceintes et allaitantes. L’engouement de la collectivité se traduit aujourd’hui par la prise en charge du salaire de l’ASC à 50%par l’ASCO et 50% par la mairie.

« cette approche permet aussi de réduire le taux d’abandon grâce au suivi de proximité et surtout la possibilité de prise en charge de la MAS au sein même de la communauté. »

Dr Bakary Sidibé, Charge de nutrition UNICEF- Mali (Kayes)
Dr Bakary Sidibé, Charge de nutrition UNICEF- Mali (Kayes)
UNICEF Mali/2020/Dicko

Selon Dr Bakary Sidibé, chargé de nutrition au Bureau UNICEF de Kayes « cette approche permet aussi de réduire le taux d’abandon grâce au suivi de proximité et surtout la possibilité de prise en charge de la MAS au sein même de la communauté d’où la réduction de la barrière géographique en termes de l’offre de service. Ainsi au cours du premier semestre 2020, cette approche a permis le suivi nutritionnel dans la communauté de 490 cas de MAS contre 215 à la même période en 2019 dans le district sanitaire de Nioro. »

Sur financement de l’Agence Norvégienne pour le Développement et la Coopération (NORAD), la stratégie de l’approche de dépistage communautaire à travers la mesure du Périmètre Brachial par les mères et les Groupes de Soutien aux Activités de Nutrition vise à placer les mères de la communauté au centre de la stratégie de dépistage afin d’impacter sur le diagnostic tardif de la malnutrition tout en augmentant le taux de détection, donc de la couverture du programme.