Une enfance interrompue
Ismail suivait son troupeau au Mali quand il a été pris dans l'engrenage d'une crise

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« Nous sommes des nomades », explique Ismail*. « Nous nous déplaçons avec nos animaux, nous suivons les pâturages, nous suivons la disponibilité de l'eau. »
Ismail est originaire du Niger et c'est depuis des générations que ses ancêtres font paître leurs troupeaux dans le Sahel. À pareil moment l'année dernière, il savait très peu de choses au sujet de la crise sécuritaire complexe qui prévalait du côté malien de la frontière. Depuis 2012, des groupes armés se battent pour le contrôle du nord du Mali avec en toile de fond un conflit violent qui a entraîné le déplacement de milliers de personnes, et l'insécurité s'est désormais propagée vers le centre du pays.
Ismail et son frère étaient en transhumance avec leur troupeau à travers la vaste étendue désertique. Ils avaient franchi la frontière pour se rendre du côté malien, comme ils l'avaient fait plusieurs fois par le passé, mais cette fois, la situation est très vite devenue dangereuse.
« Je me suis évanoui. Je ne me souviens pas de ce qui s'en est suivi. Tout ce dont je me souviens, c'était qu'ils tiraient sur nous et notre troupeau. »

« Je me suis évanoui », raconte Ismail. « Je ne me souviens pas de ce qui s' en est suivi. Tout ce dont je me souviens, c'était qu'ils tiraient sur nous et notre troupeau. »
Son frère a été grièvement blessé, mais Ismail a été encore plus touché. Leur bétail, c'est-à-dire leur bien familial le plus précieux, a été perdu au cours de l'attaque. Ils ont été évacués à l'hôpital et les médecins ont amputé Ismail d'une jambe. Le souvenir effroyable du diagnostic des médecins lui annonçant qu'il allait être amputé d'une jambe, décision qu’il avait acceptée en tant que seule alternative, fait remonter des larmes aux yeux d'Ismail. À sa sortie de l'hôpital, il a constaté que son calvaire était loin d'être terminé. Il a été détenu aux fins d'être interrogé sur la nature de ses activités. Pour Ismail, parti de chez lui pour s'occuper de son troupeau, le voyage devenait de plus en plus terrifiant.
Le Mali et le Niger partagent une longue frontière qui est aujourd'hui marquée par l'insécurité. Quand bien même l'instinct nomade d'Ismail le pousserait à repartir à travers le désert pour rentrer chez lui, la réalité est beaucoup plus dangereuse et complexe, surtout maintenant qu'il n'a qu'une jambe et marche avec des béquilles.
Il se trouve à des milliers de kilomètres de sa famille dans un pays étranger sans aucune perspective immédiate de retour. Grâce au soutien de l'UNICEF il a été libéré et et se trouve actuellement dans un centre appuyé par l’UNICEF qui accueille des garçons. Il y reçoit un suivi et lui et son frère sont en lieu sûr. Mais ils sont tous les deux anxieux quant à l'avenir. Retourner au Niger est déjà assez difficile, et retrouver leur famille nomade dans l'immense désert pourrait prendre des années.
Quand bien même ils parviendraient à rentrer chez eux, Ismail serait confronté à des défis. L'élevage des animaux nécessite de l'agilité sur un terrain rocheux et sableux. Chose difficile à faire lorsque l'on n'a qu'une jambe. Ismail n'a jamais fait l'école. Par conséquent, trouver un autre moyen de subsistance que l'élevage sera difficile.
« Nous avons connu une forte recrudescence de violence en 2019, ce qui très alarmant »
Malgré cette situation, l'UNICEF et ses partenaires sont prêts à l'aider dans l'acquisition des compétences. D'autres garçons dans des situations similaires ont acquis des compétences pour exercer un métier et ont même obtenu de petites subventions pour commencer une activité génératrice de revenu. Certains ont ouvert des boutiques et des salons de coiffure. Autant d'opportunités possibles pour Ismail, mais pour l'instant, il est plutôt en train de se remettre de son épreuve.
L'histoire d'Ismail en est une parmi tant d'autres. « Nous avons connu une forte recrudescence de violations graves commises à l’encontre des enfants », déclare Daniela Luciani, responsable de la protection de l’enfant à l’UNICEF Mali.
« Les données brossent un tableau très inquiétant d'un nombre croissant d'enfants blessés lors d'attaques. Les conséquences en sont dévastatrices pour eux et leurs familles. »

En effet, une forte recrudescence des actes de violations commis à l'encontre des enfants a été enregistrée au cours de la première moitié de l'année 2019 au Mali, notamment en ce qui concerne les meurtres et les mutilations. L'UNICEF Mali, avec l'appui de donateurs tels que la Suède, la Belgique et l'UNICEF France, travaille en étroite collaboration avec le système des Nations Unies, les autorités locales et les ONG en vue de venir en aide aux enfants les plus touchés.
Travailler avec les forces de sécurité afin de veiller à ce qu'aucun enfant ne soit détenu ou blessé lors de raids est un autre point capital pour lequel l'UNICEF continue de plaider. Le soutien direct pour aider au rétablissement des enfants nécessite du temps, des ressources, des compétences et de la patience.
La grande majorité des enfants, comme lui, ont un seul souhait : rentrer chez eux et retrouver leur famille.
« Nous essayons de rentrer en contact avec notre famille au Niger, mais ce n'est pas facile », explique Ismail. « La famille se déplace sans cesse avec le troupeau et je crains qu'il ne se passe des années avant que nous ne puissions rentrer chez nous. »

*Le nom a été changé