Rien ne peut se faire sans eau
Face au changement climatique, les communautés à Tombouctou ont recours à l’énergie solaire
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Dans la fraction nomade de Kel Ouli « propriétaires de chèvres », l’eau est au cœur du développement. Avec cet adage touareg « Aman Imane » ou « L’eau, c’est la vie !», l’eau a transformé la vie des habitants de Barize, commune d’Alafia, à trois kilomètres de Tombouctou, au nord du Mali.
Au milieu des dunes de sable, des populations nomades se sont installées autour d’un point d’eau en passe de devenir un jardin d’Eden. Les sécheresses cycliques ont contraint les communautés à se sédentariser : aujourd’hui, ils exploitent un périmètre maraîcher de plus d’un hectare grâce à l’appui de l’UNICEF et au financement d’ECHO.
Les tentes et les abris temporaires ont laissé place aux maisons en dur et en banco. Le pastoralisme a été remplacé par les activités génératrices de revenus dont l’embouche ovine et caprine, le maraîchage et le petit commerce. Une nouvelle vie a pris forme, grâce à l’eau.
« La terre semble avoir tout avalé. Plus d’eau, plus de pâturage, rien que d’immenses étendues de sables à perte de vue »
L’eau est la principale ressource par laquelle le changement climatique impacte les communautés et les écosystèmes : modification des régimes de précipitations, inondations et crues dans certains endroits, abaissements et tarissements dans d’autres endroits, accélération du processus de désertification et d’ensablement.
Tombouctou, aux portes du désert, n’échappe pas au phénomène. De Juillet 2018 à Janvier 2019, beaucoup de localités de la région ont été touchées par les inondations, les crues et l’érosion. Les risques des catastrophes suscitent des déplacements de personnes, venant grossir les rangs des migrants, des réfugiés et des « déplacés climatiques. »
A Barize, Wartoum Walett Hamallah, Présidente du comité de gestion de l’eau, explique l’impact du changement climatique sur la vie de sa communauté. « Ici les Touarègues ont troqué le turban et le voile avec la daba et l’arrosoir, contraints d’épouser un nouveau mode de vie : la sédentarisation. On ne peut que s’en réjouir » avertit-elle.
« Nous n’avons pas le choix car les maux sont connus. Ils ont pour nom : ensablement, dégradation de l’écosystème, sécheresse, changement climatique, etc. Heureusement nous avons aujourd’hui, grâce à l’UNICEF, un point d’eau. »
Les femmes comme Wartoum sont « à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique à travers l’exploitation de leurs périmètres maraîchers, » dit Salia Diallo, Spécialiste en Eau, Hygiène et Assainissement au bureau de zone UNICEF de Tombouctou.
« La Conférence des Nations Unies sur le Climat (COP 23) tenue en Allemagne, à Bonn en Novembre 2017, reconnait d’ailleurs le rôle majeur des femmes dans l’action climatique dans son plan d’action sur le genre. »
Wartoum, une grande cheftaine a fière allure du haut de ses 60 ans, se souvient de son enfance où la faune et la flore étaient luxuriantes à Tombouctou.
« Les femmes et les hommes revendaient en ville lait, bétail, peaux et cuir, ou troquaient leurs produits contre des céréales. Plus tard, la terre semble avoir tout avalé. Plus d’eau, plus de pâturage, rien que d’immenses étendues de sable à perte de vue. »
Elle se réunit avec une quinzaine d’autres femmes de l’association « Tahanit » ou « Bonté » en langue vernaculaire, sous un hangar. Elles font le point de la gestion du périmètre maraîcher et des autres infrastructures d’approvisionnement en eau potable, hygiène et assainissement.
Tout semble aller à la merveille avec une grande production de pomme de terre, de chou, d’oignons, de carottes, et de moringa. Certains produits entrent dans l’amélioration de l’alimentation familiale et préviennent la malnutrition des enfants. Le reste est séché, transformé et commercialisé.
Cette intervention s’inscrit dans la mise en œuvre du projet du Cadre Commun, lien entre urgence, réhabilitation et développement pour l’Eau, l’Hygiène et l’Assainissement Reliant Urgence, Reconstruction et Développement au Nord Mali.
Le projet mis en œuvre par cinq ONG internationales et l’UNICEF sur financement d’ECHO couvrait quatre régions du pays : Tombouctou, Gao, Kidal et Mopti. Comme innovation, il a mis à profit l’énergie solaire dont regorge la région, afin d’alimenter le château d’eau qui permet de fournir de l’eau au périmètre maraicher.
« Les femmes comme Wartoum sont à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique à travers l’exploitation de leurs périmètres maraîchers »
Bien que le projet soit officiellement terminé depuis juin 2015, le leadership et le dynamisme de la communauté, avec des femmes leaders comme Wartoum à leur tête, et l’entretien des panneaux solaires et autres infrastructures ont assuré une pérennisation parfaite des acquis.
Pour preuve, l’action des femmes sous le leadership de Wartoum a fait tache d’huile avec l’aménagement du site de Tabachabatht à 15 km de Tombouctou, où les femmes ont pris leur destin en main.
Ce projet s'inscrit dans une vision plus large de l'UNICEF et de ses partenaires, celle de faire recours aux énergies propres et renouvelables pour renforcer la résilience des populations touchées par l'insécurité, la sécheresse et la désertification. Les résultats de l’approche continuent à se faire sentir à travers d'autres projets financés par la Suède et l’Italie.
Les résultats vont bien au-delà du renforcement de la résilience : ils se sentent également au niveau de la cohésion sociale.
De l’avis de Salia Diallo de l’UNCEF : « L’expérience de cohabitation a montré qu’à chaque fois que les catégories ethniques ont accès à la ressource d’eau, les conflits diminuent, et cela grâce aux activités d’intermédiation sociale qui accompagnent la réalisation de l’ouvrage. Les populations aujourd’hui composites bénéficient sans distinction ethnique, confessionnelle de l’eau potable pour la consommation domestique et l’abreuvement des animaux. »