L’accès à l’eau change la vie
Il y a quelques mois, cinq communautés de la région de Tahoua ont obtenu l’accès à l’eau dans leurs villages. L’UNICEF est allé discuter avec les villageois pour en apprendre davantage sur changements qu’ils constatent.

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Les quelques maisons qui forment le village de Tacha Adoua, à environ 60 kilomètres de la ville de Tahoua, se dressent au milieu d’un paysage aride fait de sable, d’arbustes épineux et d’arbres ternes. Un soleil qui semble ne jamais décliner cogne dès les premières heures du jour, et fait grimper les températures au-delà des 40 degrés. Les humains comme les animaux cherchent de l’ombre.
Ces dernières années, l’eau — ou plutôt la laborieuse recherche d’eau — a dominé la vie des communautés habitant cet environnement hostile. La situation a changé en fin d’année dernière, lorsque cinq villages comptant 7 600 habitants ont eu accès à l’eau dans le cadre d’un projet conjoint UNICEF-PAM visant à accroître la résilience des communautés de Tahoua et financé par le Ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement.
« Les femmes et les enfants sont ceux qui profitent le plus des fontaines. »

« Les fontaines profitent essentiellement aux femmes et aux enfants », explique Yassin Mahamadou, 45 ans. « Avant, c’était eux qui devaient aller puiser de l’eau. Tous les matins, nous quittions le village en compagnie de nos ânes pour aller jusqu’au lac et remplir nos bidons. Le trajet aller et retour nous prenait entre trois et quatre heures. »
« Chaque âne portait deux ou trois bidons en plastique de 20 litres chacun, poursuit M. Mahamadou. Si nous avions besoin de plus d’eau, il fallait repartir en chercher. Ces jours-là, la quasi-totalité de la journée était consacrée à la collecte de l’eau. »
« Faire la lessive était un luxe que nous ne pouvions pas nous permettre. Nos enfants allaient à l’école avec des vêtements sales. Aujourd’hui, je suis fière de les voir partir à l’école en portant des vêtements propres », ajoute madame Mahamadou.

« La vie est devenue beaucoup plus simple pour nous », déclare Ramatou Amadou, une autre femme du village, en versant de l’eau d’un bidon jaune dans une bassine en plastique gris pour faire la vaisselle chez elle. Au lieu de marcher pendant sept kilomètres aux côtés d’un âne pour porter l’eau, elle peut désormais puiser l’eau depuis la fontaine située à 100 mètres de sa maison, au centre du village.
« Avant que je puisse me marier, mon père a dû acheter un âne qui servirait à aller chercher de l’eau pour l’ajouter à la dot », explique la femme de 25 ans. « Aucune femme ne pouvait se marier sans avoir d’âne. Aujourd’hui, ce n’est plus une condition. »
« Avant, il n’y avait jamais assez d’eau », explique M. Hakimi, le chef du village, que l’on appelle seulement par son nom. Il se souvient qu’ils n’avaient pas assez d’eau pour faire leurs ablutions correctement ou pour recevoir des invités. « Nous avions honte pour nos enfants, qui allaient à l’école dans des vêtements sales », ajoute-t-il.

« Nos enfants se comportent mieux et font plus attention à l'école. J'ai le sentiment que maintenant nos enfants deviendront des adultes bien préparés, prêts pour leur avenir ! ».
Du moins, lorsque les enfants s’y rendaient : « En général, les enfants manquaient la moitié des cours parce qu’ils devaient aller chercher de l’eau », précise-t-il. « Nos enfants se comportent mieux et sont plus attentifs en classe. Je pense qu’à présent, nos enfants deviendront des adultes bien préparés, prêts pour leur avenir ! ».
Le directeur de l’école primaire environnante, qui rassemble 181 élèves, se souvient qu’avant, en règle générale, près de la moitié des élèves seulement étaient présents lorsqu’il entamait le cours. Il vit en dehors du village, dans la ville de Tabalak, construite le long du lac où les villageois allaient puiser l’eau.
« Tous les matins sur mon chemin vers l’école, je voyais des élèves aller chercher de l’eau. Je savais qu’ils n’arriveraient pas en cours avant au moins deux heures. Dorénavant, il n’y a plus d’absence, et les résultats des contrôles sont meilleurs. »
« Aller chercher de l’eau était très fatigant, et je ratais beaucoup de leçons à cause de cela. »

« Aller chercher de l’eau était très fatigant, et je ratais beaucoup de leçons à cause de cela », explique Fatou, une élève de l’école également présidente de l’assemblée des élèves. « Je manquais les cours et je n’avais pas le temps d’étudier. Ma matière préférée est l’histoire, et j’ai désormais le temps de rattraper mon retard ! ».
Son camarade de classe Aghali, qui boit dans une tasse rouge à la fontaine devant l’école composée de deux salles de classe, a lui aussi manqué beaucoup de cours à cause de ces pénibles corvées d’eau. « Maintenant, je passe plus de temps à l’école, et après, j’ai même le temps de jouer au foot avec les autres garçons. »

L’école dispose de sa propre fontaine, également reliée au puits qui alimente en eau les cinq villages et quatre autres écoles. Un poste de lavage de mains installé devant l’école est rempli par des garçons de sixième, tandis que de petits seaux d’eau et des morceaux de savon sont disposés sur le sol des latrines non mixtes, derrière l’établissement.
« Avant, tout le monde évitait d’utiliser les toilettes », explique Fatou. « Maintenant, les élèves et les enseignants les utilisent. » L’hygiène à l’école s’est améliorée, et un comité d’élèves nettoie les latrines et sensibilise les autres élèves aux bonnes techniques pour se laver les mains.
Le projet n’a pas uniquement apporté l’eau aux villages : il a également introduit de nouveaux comportements en matière d’assainissement et d’hygiène. « À présent, chaque famille dispose de latrines dans sa cour », explique M. Hakimi, le chef du village. « Certains ont bâti des murs autour, d’autres ont installé des claies pour avoir un peu d’intimité, mais le principal est que nous utilisons désormais tous des latrines ».
Pendant la dernière saison des pluies, plusieurs latrines ont été inondées et détruites. « Toutes les familles les ont reconstruites », raconte Hakimi. « Nous considérons maintenant qu’elles font partie de nos maisons. »
Dans un pays où la majorité de la population pratique la défécation à l’air libre, il s’agit d’une étape importante vers en environnement plus sain et plus propre. « Nous ne voulions pas être vus en train de faire cela, donc nous marchions jusqu’à l’autre versant de cette colline », explique Mohamed Ibrahim, 10 ans, devant les latrines familiales, en pointant du doigt une colline à un kilomètre de là.
En plus des 14 kilomètres parcourus quotidiennement pour puiser de l’eau, il devait ajouter deux kilomètres pour aller à la selle. « Il n’y a que la nuit que nous allions plus près, parce que dans le noir, personne ne pouvait nous voir. »

« Le nombre d’enfants de moins de cinq ans que l’on nous emmène pour des cas de diarrhée et de maladies hydriques a énormément baissé. Nous observons aussi des effets extrêmement positifs sur l’état nutritionnel des enfants. »
L’accès à l’eau combiné à la fin de la défécation à l’air libre dans ces cinq villages a eu des effets considérables sur la santé des filles et des garçons en seulement quelques mois. Au centre de santé, Hama Soumana, 40 ans, l’infirmier responsable du centre qui dessert plus de 7 800 habitants, constate ces améliorations tous les jours.
« Le nombre d’enfants de moins de cinq ans que l’on nous emmène pour des cas de diarrhée et de maladies hydriques a énormément baissé. Nous observons aussi des effets extrêmement positifs sur l’état nutritionnel des enfants. »
Il souligne que trois éléments étaient nécessaires pour parvenir à ce résultat : l’accès à l’eau, la volonté de mettre fin à la défécation à l’air libre et l’adoption de bonnes pratiques d’hygiène.
Le centre de santé dispose désormais lui aussi d’une fontaine dans sa cour, ce qui facilite la vie de M. Soumana et de ses trois collègues, mais aussi celle des patients et des femmes qui viennent y accoucher.
« Avant qu’il y ait de l’eau ici, la famille de chaque femme enceinte devait apporter deux bidons d’eau. Il arrivait que la famille oublie, et nous devions nous dépêcher de trouver de l’eau, ou utiliser l’eau qu’une autre femme avait apportée. »

L’élément le plus visible contribuant à ces changements radicaux est un château d’eau de 10 mètres de haut et d’une capacité de 100 000 litres. Une clôture à mailles de chaîne entoure le château d’eau, les deux petits bâtiments abritant la pompe et le système électrique ainsi qu’un ensemble de panneaux solaires fournissant l’énergie nécessaire pour pomper l’eau à plus de 500 mètres de profondeur dans le réservoir.
Un système de canalisations achemine l’eau jusqu’aux seize fontaines, aux quatre abreuvoirs pour animaux, aux cinq écoles et au centre de santé qui dessert les villages. Un comité de gestion de l’eau mis en place par des représentants communautaires prend les décisions sur l’usage de l’eau, collecte des redevances et veille à la maintenance et à l’entretien.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du financement du Ministère fédéral allemand de la coopération économique qui vise à améliorer la résilience dans le Sahel.