A la prison civile de Niamey, des jeunes détenus en attente d’un avenir.
925 mineurs détenus, dont 39 filles, ont suivi une formation professionnelle et des cours d'alphabétisation pendant leur période de détention. Ils ont également bénéficié d’une prise en charge psycho-sociale et juridique.

A la prison civile de Niamey, Boubacar Badjé est comme chez lui. Il connaît chaque recoin du quartier des mineurs, gère la réparation de la télévision, blague avec les gardiens, surveille la bonne tenue du potager.
Depuis 2018, il est éducateur et animateur pour l’ONG Grandir Dignement et fait des visites quotidiennes afin de soutenir la centaine d’enfants qui y sont détenus. Il est épaulé par des animateurs bénévoles, qui viennent proposer des activités sportives, artistiques, culturelles. Grandir Dignement propose un suivi juridique et psychosocial, ainsi que des formations en aviculture et en maraîchage dans 8 maisons d'arrêt départementales. A Niamey et Dosso, la FENIJEC (fédération nigérienne des jeux d'échecs) vient 2 fois par semaine pour initier les enfants aux échecs.

"Les jeux qu’on exerce nous permettent d’oublier la situation qu’on vit, d’arrêter d’être tristes, d’éviter les réflexions sombres qui nous rendent malades parfois."
Sani*, 17 ans, explique : « les jeux qu’on exerce nous permettent d’oublier la situation qu’on vit, d’arrêter d’être tristes, d’éviter les réflexions sombres qui nous rendent malades parfois. Pour éviter de trop réfléchir au point de devenir fou, de tomber malade. » Il suit une formation en pâtisserie : « J’espère oublier ce passé sombre, un jour. Le métier que j’apprends ici, j’espère qu’il me servira de passerelle pour ma nouvelle vie. Sortir avec mon diplôme, et avoir un métier. »
Ce matin de décembre, un groupe de garçons s’affaire dans le petit potager partagé où poussent tomates, moringa, courges. Le terrain de jeu est, ce matin-là, réservé aux femmes qui tapent la balle et écoutent de la musique.

Un peu plus loin, un groupe de garçons, assis sous un arbre, assiste concentré à une formation en plomberie, dispensée par l’ONG Swisscontact. La formation, professionnalisante, doit leur permettre à leur sortie de s’installer à leur compte, avec une formation en plomberie mais également des notions en gestion d’entreprise. Parmi les jeunes stagiaires figure Moussa*, 16 ans. Moussa s’est passionné pour la formation, à tel point que lors de sa libération la semaine précédente, il a obtenu du surveillant général de revenir à la maison d’arrêt le temps de la terminer : « j’ai appris à bricoler, le montage des robinets, je peux changer des pièces… Je veux apprendre. »
Le jeune homme raconte : « j’étais parti à Cotonou où je vendais des petites choses. Mon papa est décédé, je suis donc revenu à Niamey, pour aider ma mère. Je travaillais dans un garage, où je gagnais environ 2500 francs CFA par jour. J’ai commis un vol de portable, et j’ai terminé ici. »
Moussa se souvient de ses premiers jours : « c’était très difficile. Vraiment, je ne souhaite cela à personne. Il faut s’entourer des gentils. Ma maman est malade, elle ne pouvait donc pas venir me voir durant ma détention, mais parfois elle envoyait un peu d’argent. »
En 2022, Swisscontact est partenaire de l’UNICEF au Niger dans le cadre de la mise en œuvre du projet : "Appui à la réinsertion des enfants en conflit avec la loi par le développement de compétences de vie courante (formation professionnelle et/ou éducative, alphabétisation)" a ainsi formé 460 mineurs détenus et ex-détenus, en plomberie et en pâtisserie.

Issa*, 17 ans, est incarcéré depuis maintenant 5 mois. Bien que la plainte le concernant ait été retirée depuis 4 mois, cet ancien étudiant en génie civil est toujours en attente de sa libération. Il a suivi une formation en pâtisserie, mais pensait sortir bien plus tôt. « Ma famille amène des romans. L’éducateur m’aide pour supporter d’être là. » Au-delà du quotidien, l’attente sans objet, sans date, amène les enfants à des situations de détresse psychologique sévères. Grandir Dignement fait du plaidoyer auprès des juges pour que ces derniers viennent expliquer aux jeunes leur situation : « Certains juges se donnent la peine de venir les rencontrer et c’est un soulagement pour ces enfants, qui se sentent ainsi considérés. Ils comprennent aussi mieux des termes qui leur sont étrangers, tels qu’un mandat de dépôt. »
« Certains juges se donnent la peine de venir les rencontrer et c’est un soulagement pour ces enfants, qui se sentent ainsi considérés. Ils comprennent aussi davantage des termes qui leur sont étrangers. »
Le point délicat consiste à trouver des alternatives à la détention, mais également à appuyer pour que ces enfants soient jugés, dans des délais raisonnables. En effet, au quartier des mineurs, l’ensemble des détenus sont des prévenus, c’est-à-dire en attente de leur jugement. Les ONG partenaires de l’UNICEF accompagnent aussi les mineurs dans des alternatives à la détention, et insistent auprès des magistrats pour rendre des jugements adaptés et plus rapides.
Grâce au soutien de l’Union Européenne, 925 mineurs détenus (dont 39 filles) ont suivi une formation professionnelle et des cours d'alphabétisation pendant leur période de détention, à travers le projet « Access to Justice for children on the move and other vulnerable children in West Africa ».
L'appui d'UNICEF France a permis aux enfants en contact avec la loi dans les juridictions de Niamey, Dosso, Maradi, Zinder et Tahoua de bénéficier d’une prise en charge psycho-sociale et juridique, ainsi que d'alternatives à la détention. Sur les 359 enfants suivis, 96 sont arrivés au terme des six mois de suivi et 93 ont été considérés comme bien réinsérés par leur travailleur social et le référent de Grandir Dignement, soit un taux de réinsertion de 96% en suivi de six mois.
*Les prénoms des enfants interviewés ont été changés.