A Diffa, les habitants d’un village recouvert par les eaux reprennent espoir
Avec ses partenaires, l’UNICEF a pu établir un nouveau site de relocalisation, après qu’un village ait été entièrement détruit par la montée des eaux.

C’est une note d’espoir après des mois d’angoisse, pour les habitants de Lada, qui ont dû quitter précipitamment leur village à la fin du mois d’octobre. Plus de 1000 ménages ont été relogés sur un nouveau site, à quelques kilomètres du village complètement inondé, dans la région de Diffa. Le village de Lada, situé sur une île frontalière avec le Nigeria, et inaccessible pour cause d’insécurité, est presque complétement détruit et ses habitants ont renoncé à y retourner, après la crue sans précédent de la Komadougou, et la récurrence des inondations dans ce village ces dernières années. L’événement de trop, pour ceux qui doivent encore se remettre du traumatisme provoqué par l’attaque, en mars dernier, de leur village. Dix morts, tués à bout portant. Sur le nouveau site d’accueil, on espère pouvoir démarrer une nouvelle vie, ou du moins, une vie sans l’angoisse de voir surgir des groupes armés non étatiques, ou de voir des mois de travail champêtre ravagé par les eaux.

Malgré toutes les digues, malgré tout ce qu’on avait mis en place, le village a été inondé, et nous n’aurons rien à récolter cette année.
« Nous avions tout préparé, car chaque année les eaux montent autour de notre village. Nous savons nous prémunir contre cela. Mais cette année, malgré toutes les digues, malgré tout ce qu’on avait mis en place, le village a été inondé, et nous n’aurons rien à récolter cette année. », explique le chef du village Mamadou Kiari Adji, entouré d’autres anciens, qui depuis des générations, n’avaient jamais quitté Lada et doivent apprendre à vivre dans ce nouveau lieu.
Tchollou Goni a perdu deux de ses enfants. Le premier a rejoint les groupes armés non étatiques (GANE), et a été tué. La seconde a épousé l’un d’eux, et n’a plus jamais fait signe depuis. A la suite de ces drames, Tchoullou avait quitté Bosso pour retrouver la paix de Lada, son village d’origine. La femme patiente devant la tente où elle sera reçue par une psychologue : « je ne pense qu’au bruit des balles, je ne peux plus dormir, et mon corps me fait mal. »
« Je ne pense qu’au bruit des balles, je ne peux plus dormir, et mon corps me fait mal. »
Les tentes ont été récemment déployées, pour recevoir les services du Centre de Santé Intégré (CSI). L’ensemble est fonctionnel, bien qu’encore rudimentaire, le matériel ayant été réacheminé depuis le village inondé sur des radeaux. Les patients se pressent pour être reçus. Beaucoup ont été orientés par des relais communautaires : « au nombre de 200 sur les 4 districts, ces volontaires, issus des communautés, sont de véritables ponts grâce auxquels on peut assurer la continuité des soins », se félicite Dr Rouafi, spécialiste Santé au sein du bureau de l'UNICEF de Diffa. « Ils assurent par ailleurs un important travail de sensibilisation. »

Lada faisait partie des villages dont les écoles ont été fermées pour cause d’insécurité. Le nouveau site accueille donc des élèves, dont certains ne sont pas allés à l’école depuis 2017 : 27 établissements sont fermés pour insécurité dans la zone. D’autres n’y ont jamais mis les pieds : ces derniers sont accueillis dans des classes passerelle, où les enfants de 9 à 12 ans qui ont dépassé l’âge d’entrer en petite classe, rattrapent les années perdues.
Leur maîtresse, Bintou Abba, est émerveillée : « cela ne fait pas un mois et on a déjà commencé à lire et écrire les voyelles, ce sont des enfants très motivés, qui aiment tellement l’école ! Leurs parents avaient trop peur, avec les groupes armés alentour, ils préféraient ne pas les envoyer, puis les écoles ont fermé. »
« Cela ne fait pas un mois et on a déjà commencé à lire et écrire les voyelles, ce sont des enfants très motivés, qui aiment tellement l’école ! »
Lawan Brème, 50 ans, est enseignant depuis 18 ans. Cette nouvelle place au cœur du site de déplacés, comme enseignant auprès des petits élèves qui entrent en première année de primaire (CI), le réjouit : « au départ ils étaient stressés, très timides. Cent enfants d’un si jeune âge ce n’est pas toujours facile à gérer, mais j’aime mon métier, j’aime enseigner pour qu’ils deviennent des adultes, capables de participer au développement de leur pays. »
Avec 5 classes créées et 4 enseignants mobilisés, 285 élèves sur le site devraient ainsi bénéficier d’un enseignement durable.
Le site devrait pouvoir accueillir, à terme, l’ensemble des 1000 ménages. Pour l’heure, les aménagements sont encore en cours, notamment concernant l’aspect Eau, Hygiène et Assainissement, mais les ménages ont déjà accès à des pompes à eau, qui devraient ensuite être aménagées en mini Adductions d'Eau Potable (MAEP) multi villages, à terme. Des latrines ont été prévues pour chaque ménage.
Les familles ont reçu des savons, des aquatab pour purifier l’eau ; elles sont également sensibilisées, notamment sous la forme de petits sketchs humoristiques qui provoquent des fous-rires dans l’assistance, à travers des agents de la Croix Rouge nigérienne appuyés par UNICEF.

Depuis leur installation, les familles ont pu, pour certaines, reprendre leurs activités. Certaines préparent les champs alentour, d’autres ont repris la pêche et la transformation de produits alimentaires. D’autres se sont endettés pour semer du riz et regardent l’avenir avec angoisse. « On ne sait pas si on va réussir à nourrir nos enfants », soupire M. Adji.
Pour les enfants non scolarisés, des espaces de loisirs ont été aménagés, en présence d’animateurs. « Il est important pour ces enfants, pour leur développement cognitif et aussi pour identifier et prévenir d’éventuels traumatismes, de les maintenir occupés et de leur proposer des jeux adaptés selon les tranches d’âge. », souligne Thierno Abdoul Bah, chef du bureau de Diffa. « Au-delà du fait de devoir quitter leur village dans la précipitation, ces enfants vivent depuis des années avec la peur de l’insécurité, des risques d’enlèvements ou d’attaques nocturnes. »