Continuer à apprendre au-delà de l’école
« Avant, j’avais moins de dix livres de lecture pour 40 élèves, c’était compliqué de faire les cours. Aujourd’hui, chaque enfant a son livret. »

Ekirkiwi est un village nomade situé à 7 kilomètres de la ville d’Agadez. Depuis avril 2021, l’UNICEF et la Direction Régionale de l’Enseignement National d’Agadez mettent en œuvre un projet d’appui à la continuité pédagogique dans l’école primaire du village. Ce projet est initialement mis en œuvre pour soutenir l’apprentissage à la suite de la fermeture des écoles pendant la pandémie de COVID-19.
Chaque élève de l’école primaire a alors reçu un livret de mathématiques et un autre de français qui leur serviront à la fois à l’école et à la maison. Ce projet a aussi permis de former des répétiteurs communautaires qui appuieront les élèves dans leur apprentissage. Trois fois par semaine, les élèves se retrouvent au club de répétition du village. Sous un arbre, autour de la répétitrice communautaire, les élèves bénéficient de son aide à faire leurs exercices et à mieux comprendre les cours.

Zeynabou Moussa a quitté l’école au Lycée. Aujourd’hui, elle consacre une partie de son temps libre aux enfants de son village. Elle est l’un des trois répétiteurs que compte Ekirkiwi.

« Nous nous retrouvons ici, en dehors des heures de cours. Nous traitons avec les enfants les exercices que leurs enseignants cochent dans les livrets. Je fais ce travail bénévolement pour aider les enfants de ma communauté. Le niveau d’études des enfants a beaucoup évolué. »

Si l’initiative des répétiteurs communautaire était fonctionnelle depuis quelques années, l’arrivée des livrets a permis de mieux organiser cet appui de la communauté comme le témoigne Aboubacar Gonda, Directeur de l’école primaire Ekirkiwi, venu pour superviser les répétitions « En début de chaque année académique, nous recensons les élèves qui ont un faible niveau et nous demandons au répétiteur de les aider pour s’améliorer. Grâce aux livrets, nous avons pu créer ce club de répétition. Maintenant, élèves et répétiteurs ont un document sur la base duquel ils peuvent travailler. »

Assis sur une natte avec son sac au dos, Adam, 9 ans, en classe de CE1, est concentré à suivre les explications de Zeinabou. « Avant d’intégrer ce club, je ne savais pas lire, maintenant je peux lire, faire la conjugaison et le langage. Je suis même parvenu à être le premier de ma classe. » nous dit-il avec fierté.

Les parents de Issa 8 ans, en classe de CP, l’avaient retiré de l’école pour aller passer quelques mois d’exode en Algérie. « C’est grâce aux livrets et à la répétitrice que je suis en mesure de faire la lecture et j’ai pu obtenir la moyenne dans ma classe. », a-t-il déclaré.

En parlant des résultats, Mari était parmi les élèves qui n’avaient justement pas de moyenne requise en classe, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle a intégré le club. En trois mois, elle a appris à lire et à calculer « je suis la troisième de ma classe » dit-elle à haute voix pour être sûre que tout le monde l’entende.
Adamou Magagi, est Chef Secteur Pédagogique. Il a en charge le suivi de la continuité pédagogique dans les villages et s’assure de l’évolution du niveau des élèves en classe. « Ces répétiteurs et ces livrets nous aident beaucoup dans l’amélioration des indicateurs de performance. Sur les 181 élèves que compte Ekirkiwi, seuls 12 n’ont pas eu la moyenne aux secondes compositions, ils étaient 18 aux premières compositions. »

Si aujourd’hui, cette initiative de continuité pédagogique connaît un succès, c’est aussi grâce au soutien de la communauté qui s’engage de plus en plus en faveur de l’amélioration de la qualité de l’enseignement à travers des structures comme le Comité de Gestion Scolaire (COGES) ou encore le Club des mères éducatrices qui tiennent aujourd’hui une réunion de ses membres.

Fati Akawa est mère de trois enfants ; les deux vont à l’école. « On ne peut pas comparer un élève qui a des livres à celui qui n’en a pas. Je n’ai pas été à l’école, mais je constate leur évolution. Même les jours où ils ne vont pas à l’école je fais le suivi afin qu’ils puissent réviser. C’est aussi cela notre contribution. Je regrette beaucoup de n’avoir pas été à l’école, aujourd’hui toute la communauté constate l’importance d’aller à l’école. Auparavant quand l’enfant prenait son cahier pour étudier, on lui demandait de le déposer pour amener le bétail au pâturage. Mais aujourd’hui, grâce aux sensibilisations, nous sommes conscients de l’importance de la scolarisation des enfants. »

Habsatou Altiné est mère de deux enfants, ils sont tous inscrits à l’école du village. « Mes enfants avaient tous les problèmes pour faire la lecture. Un enfant qui ne peut faire la lecture sera incapable d’apprendre ses leçons. Dieu merci, ces livrets les ont beaucoup aidés. Ils savent construire les mots, ce qui leur était très difficile auparavant. L’un de mes enfants n’avait pas la moyennerequise, mais grâce au suivi et aux livrets, aux dernières compositions, il a eu une note de 7 sur 10. »

Rhissa Salouhou, Président du COGES « Je suis un fils d’éleveur qui a férquenté l’école, les gens ont vu qu’aller à l’école ne t’empêche pas de rester éleveur. Beaucoup de parents me prennent comme modèle et veulent que leurs enfants aillent à l’école pour être utile à leur communauté. A travers le COGES, nous nous assurons du bon fonctionnement de l’école et du suivi des élèves dans la communauté. »

« Nous sommes pour notre majorité des éleveurs. Aujourd’hui, grâce aux énormes sensibilisations, nous ne pouvons plus prendre les risques de ne pas envoyer nos enfants à l’école. Quand nous partons en brousse avec le bétail, nous laissons les enfants auprès d’un tuteur ou d’une tutrice pour qu’ils puissent continuer à étudier. Les filles sont celles qui souffrent le plus. Si elles réussissent à l’école, elles pourront mieux s’en sortir. » Illiass Akawar est le représentant du chef de village de Ekirkiwi.


Initialement mise en œuvre pour pallier la fermeture des écoles à la suite de la pandémie de COVID-19, l’initiative de continuité pédagogique ne s’arrête plus à ce contexte, les élèves des zones nomades ont pu grâce à ces livrets améliorer leur niveau et donner une raison de plus à leurs parents de les maintenir à l’école. A l’exemple de Azahrah Mohamed, 12 ans, en classe de CM2, filles de nomades. « Avant ces livrets, j’avais des difficultés à lire et à faire mes exercices de maison. Aujourd’hui, je peux m’exercer énormément en lecture et en mathématiques surtout quand j’envoie paître le bétail. Je n’y vais plus sans mes livres, je me mets à l’ombre pour m’exercer pendant que le bétail se promène. »

La jeune fille bénéficie d’un soutien de sa maman, Mariama Emoud mère de six enfants, place un espoir dans la scolarisation des filles. « Même avec tout notre engagement, si l’enfant n’a pas les documents et l’accompagnement nécessaire, c’est difficile qu’il puisse réussir. L’enseignant de l’école n’est disponible qu’à des heures précises. Grâce à tous ces efforts, je suis convaincue que ces enfants réussiront et me prendront en charge. »

L’école primaire Ekirkiwi accueille les enfants de hameaux situés tout autour du village. Après le son de la cloche, les élèves s’installent sur leurs tables bancs. C’est désormais devenu, une habitude, chaque élève fait sortir son livre selon la matière du jour, ce qui n’était pas le cas dans le passé.
« Avant, j’avais moins de dix livres de lecture pour 40 élèves, c’était compliqué de faire les cours. Aujourd’hui, chaque enfant a son livret. »


Pour Khadijatou, institutrice en classes élémentaires « C’était difficile de donner des exercices de maison aux enfants auparavant. Maintenant, tout est plus simple. De dix élèves avec la moyenne, aujourd’hui j’ai 18 qui ont la moyenne sur les 20 élèves que compte le niveau CE1. »

« Avant même que nous entamions un chapitre, les enfants ont une notion sur ça, car ils ont les livres avec eux. Ce qui n’était pas le cas dans le passé, on était obligé de leur expliquer les choses à plusieurs reprises. Ces livrets m’aident moi-même qui suis enseignante. Je n’ai plus besoin de faire beaucoup de recherches parce que j’ai l’essentiel dans les livrets. » Zeynabou tient la classe de CM2.

« Pendant longtemps, la scolarisation des enfants a été laissée entre les mains de l’enseignant. Nous avons voulu à travers ce projet impliquer les communautés mais aussi les parents pour qu’ils s’intéressent davantage à l’éducation de leurs enfants. Aujourd’hui, les résultats sont palpables : nous sommes en train de révolutionner l’enseignement à travers de nouvelles façons d’apprendre en dehors des quatre murs de l’école. » nous a déclaré Mohamed Wayou, Point Focal de l’UNICEF à la Direction Régionale de l’Éducation d’Agadez.
Déployée dans toute la région d’Agadez, l’initiative de continuité pédagogique soutenue par l’UNICEF, à travers l’appui financier de l’Irlande, NORAD et Global Partnership for Education, touche plus de 57 000 élèves. Elle permet aujourd’hui, de réduire les disparités liées à la qualité de l’enseignement et de rehausser le niveau des élèves surtout dans les zones nomades où beaucoup d’enfants ratent souvent une bonne partie de l’année scolaire.

