Un élan d’amour brisé par la violence
Les groupes armés réduisent à néant la vie des enfants

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Sarah, 17 ans, et Mackenly, 16 ans (noms d’emprunt) , sont deux adolescents dont la vie a basculé sous l'emprise du crime et de la violence. En dépit de parents qui s'occupaient d'eux, les deux enfants n'ont pu échapper à la spirale de la pauvreté et du crime qui frappe tant de personnes au sein de leur communauté. Ils furent happés par les gangs armés qui sévissent dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, privés de leur droit de poursuivre leur éducation en liberté.
Sarah a grandi dans une famille modeste qui a toujours accordé une grande importance à son éducation et à son bien-être. Elle avait toujours rêvé de faire de longues études et faire la différence dans sa communauté. Elle était déterminée à réussir, malgré les difficultés qu'elle rencontrait.
« J’allais à l’école. Je venais de passer l’examen de la 9eme année fondamentale. Je vivais avec ma mère, mon père, mes sœurs et frères et mon enfant. Nous n’avions pas assez de moyens pour mener une vie de rêve mais j’étais toujours heureuse avec eux ».
A l’âge de 14 ans, sa vie bascule. Sarah est victime de viol et devient une mère adolescente. Alors, les problèmes l’assaillent et qu’elle doit faire face, l’adolescente est tombée amoureuse de Mackenly, un enfant d’un an son cadet, et par amour, l’a suivi dans un style de vie plutôt risqué.
Mackenly était un gentil garçon qui aimait passer du bon temps avec sa famille et faire plaisir à sa mère.
« Mes frères et moi avions l’habitude d’économiser de l’argent. Et à l’occasion de la fête des mères par exemple, nous mettions un peu d’argent de côté pour acheter des cadeaux à notre mère et fêter avec elle. Nous achetions un gâteau, du champagne, et passions une belle journée », s’est-il rappelé, nostalgique.
Mais l’adolescent a grandi dans un quartier dangereux et a été exposé à la violence et aux activités criminelles dès son plus jeune âge.
Les gangs armés exercent une mauvaise influence sur les enfants
Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 60 pour cent de la zone métropolitaine de Port-au-Prince est contrôlé par des groupes armés. Les enfants qui grandissant dans des zones sous l’emprise des gangs sont des proies faciles au recrutement, et sont enclins à s'adonner aux mêmes pratiques.
Malgré l'amour et l'attention de sa famille, Mackenly s'est retrouvé entraîné bien malgré lui dans un gang du quartier et a participé à des activités illicites. Il s’est lié d’amitié avec des jeunes qui ont eu une très mauvaise influence sur lui. Il se souvient avoir fait usage d’une arme à feu pour la première fois lorsqu’il en transportait une pour ses amis, une expérience qui l'a profondément ébranlé.
« Quand les bandits ont pris le contrôle de la zone, ils tiraient beaucoup. La majorité de mes amis ont quitté la zone. Seuls ceux qui étaient déjà dans le gang sont restés. Comme jeune, je suis resté aussi, et je leur rendais service, » a-t-il expliqué, sans chercher à justifier son geste.
Aujourd’hui, Sarah est enceinte de six mois alors qu’elle et le père, Mackenly, voient leurs chances de subvenir aux besoins d’un enfant s’amenuiser. La nouvelle vie plutôt impitoyable que mènent les deux adolescents, les a conduits vers la prison. Ils ont été arrêtés lors d’une escapade, et attendent d’être déférés au parquet, tel des adultes. A l’instar de centaines d’autres enfants en Haiti, ils risquent d’attendre longtemps derrière les barreaux avant de comparaître devant un juge.

La détention préventive prolongée est encore un problème grave dans le système judiciaire haïtien. Plus de 90 % des personnes en prison attendent d’être jugés. L’Institut de bien-être social et de Recherches (IBESR), le Parquet près le Tribunal Civil de Port-au-Prince et la Brigade de protection des mineurs (BPM) et l’UNICEF travaillent sur un « protocole de transfert » afin que les enfants, victimes, puissent bénéficier de soins alternatifs tels que le placement dans des familles d’accueil spécialisées, le placement dans un centre de transit spécialisé ou la réunification dans une famille élargie.
« Je réalise que mon avenir est ruiné. Je peux même dire que je n'ai plus d'avenir. Il n'y a plus de vie pour moi », a déclaré Sarah. Les conséquences d’une détention seraient désastreuses pour les deux enfants. A une période cruciale de leur développement, leurs chances de sortir un jour du cycle de la pauvreté, de la violence et de la criminalité ont été gravement compromises.
Une seconde chance - de l'amour et de l'espoir pour l'avenir !
« Si je suis libéré, je ferai tout ce que je peux pour m'occuper de mon enfant. L'envoyer à l'école, et l'élever, pour qu'il ne tombe pas dans le même piège que moi », a déclaré Mackenly. Les groupes armés hypothèquent l’adolescence des enfants et brisent leur rêve d’avenir. En se détournant des études pour fréquenter les gangs, les enfants voient leur projet d’avenir fondre comme neige au soleil.
Alors que de loin, leur histoire ressemble à celle de « Bonnie et Clyde » des temps modernes, de jeunes gamins intrépides qui mènent une vie de dandy, tout n’est pas rose pour Sarah et Mackenly. « Ce n’est pas ici que je voudrais être. Je ne suis pas heureuse. Je disais toujours qu’après mes études, je ferais la médecine. Je voulais devenir un grand médecin à l’avenir », a regretté Sarah.
Malgré les circonstances, Sarah et Mackenly espèrent un avenir meilleur. Ils rêvent qu'un jour, ils seront réunis en famille afin de garantir une meilleure vie à leurs enfants. Leur amour depuis le commencement est ce qui leur donne la force de traverser cette malheureuse et triste épreuve.