Cinq occasions à saisir de toute urgence en faveur des enfants
Lettre ouverte expliquant ce qui me pousse à croire que nous pouvons réinventer un monde meilleur pour chaque enfant après la COVID.

La COVID-19 est la première crise véritablement mondiale que nous rencontrons de notre vivant. La pandémie touche tous les habitants de la planète, et par-dessus tout les enfants. Ils sont des millions à ne pas avoir accès aux services de santé essentiels, à l’éducation et à la protection, simplement parce qu’ils sont nés dans la pauvreté ou parce qu’ils sont défavorisés en raison de leur origine ethnique, de leur religion ou de leur race. La pandémie de COVID-19 a creusé les inégalités, et il faudra des années pour surmonter ses effets sur le plan social, économique et sanitaire, ce qui met en danger les droits de l’enfant.
Ce n’est toutefois pas le moment de se laisser intimider ou paralyser devant de tels défis. Le 75e anniversaire de l’UNICEF, dont nous entamons les célébrations, nous rappelle que cette organisation a vu le jour en plein cœur d’une autre crise historique après la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, les problèmes auxquels les enfants faisaient face dans un monde dévasté par la guerre étaient d’une telle ampleur qu’il aurait été facile de reculer devant la tâche. Mais nous avons réinventé ce qui pouvait l’être. Nous avons construit de nouveaux systèmes de santé et de protection sociale dans le monde entier. Nous avons éradiqué la variole. Nous avons fondé les Nations Unies.
L’histoire a une nouvelle fois besoin de nous. Lors des précédentes crises mondiales d’envergure, de guerre en pandémie, les dirigeants ont uni leurs efforts pour négocier des accords et des traités, convenant de trouver de nouveaux moyens pour rétablir la paix, rebondir et reconstruire, et pour coopérer.
Nous devons rassembler le monde autour d’un plan concret pour protéger nos enfants, telle une promesse que notre génération fait à la suivante d’investir en faveur de la santé et de l’éducation, de renforcer la résilience des systèmes et services et d’en garantir l’accessibilité à tous les enfants, et de veiller à ce que les coupes budgétaires et les renversements de la conjoncture économique ne leur portent pas préjudice.
Tout en restant lucides quant à l’ampleur des défis auxquels font face les enfants du monde, nous pouvons mettre à profit notre passé pour avancer ensemble, en faisant preuve de solidarité, d’ambition et de confiance dans l’avenir.
Les choses ne reviendront pas à la normale. Pour des centaines de millions d’enfants sur la planète, la « normalité » n’était de toute façon pas acceptable.
Voici cinq possibilités en faveur des enfants du monde entier mises au jour par la pandémie de COVID-19, et cinq leçons formulées par les jeunes sur la façon dont nous pouvons réinventer un monde meilleur pour les enfants.

« L’essor de la rhétorique anti-vaccination fait planer la menace de maladies mortelles qui auraient dû être éradiquées à ce jour. Personne ne devrait contracter une maladie que les vaccins peuvent prévenir sans risque. Personne. »
Nous devons instaurer un climat de confiance pour garantir une vaccination efficace
L’histoire et la science nous prouvent que les vaccins sont notre meilleur espoir pour éliminer ce virus et nous reconstruire.
Pourtant, comme nous le rappelle Ridhi, le risque que les vaccins contre la COVID-19 ne soient pas accessibles à toutes les personnes qui en ont besoin est bien réel.
La méfiance à l’égard des vaccins aura un profond impact sur notre capacité à surmonter la crise de la COVID-19. Dans le cadre d’une étude menée auprès de quelque 20 000 adultes dans 27 pays, 1 personne sur 4 a répondu qu’elle refuserait de se faire vacciner contre la COVID-19. Selon une étude similaire auprès des Américains, le manque de clarté et de cohérence des messages véhiculés par les responsables de la santé publique et le personnel politique pourrait réduire le recours au vaccin.
En parallèle, la diffusion de fausses informations sur la vaccination prend de l’ampleur et devient un filon de plus en plus exploité. Les entrepreneurs anti-vaccination ont gagné au moins 20 % d’audience en ligne pendant la pandémie. D’après Avaaz, les dix principaux sites Web que les chercheurs jugent responsables de la diffusion de fausses informations en matière de santé ont recensé près de quatre fois plus de vues sur Facebook que le contenu émanant de sites Web reconnus dans le domaine.
En résumé, nous perdons actuellement beaucoup de terrain sur le plan de la confiance. Or, sans confiance, aucune campagne de vaccination contre la COVID-19 n’aura d’utilité. Le déploiement mondial des vaccins contre la COVID-19 nous permet aujourd’hui de faire vraiment en sorte que chaque enfant bénéficie de vaccins capables de lui sauver la vie. La lumière au bout du tunnel a besoin de briller pour tous.
Ce que nous devons faire :
Plusieurs vaccins contre la COVID-19 ont été mis au point. Nous pouvons donc maintenant nous consacrer au combat long et difficile visant à éliminer ce virus à l’échelle planétaire de manière équitable et juste, en mettant ces vaccins à la disposition de tous, y compris des personnes les plus pauvres et les plus exclues.
Les préparatifs sont en bonne voie. L’UNICEF est un membre actif du Groupe des partenaires de la garantie de marché AMC (Advance Market Commitment Engagement Group) du Mécanisme COVAX, un dispositif mondial de collaboration ayant pour but de garantir un accès universel, juste et équitable aux vaccins contre la COVID-19. Il s’agit de faire en sorte qu’aucun pays ni aucune famille ne soit mis sur la touche lorsque des vaccins seront disponibles. Pour y parvenir, nous organiserons l’achat et l’approvisionnement en vaccins contre la COVID-19 et nous exploiterons nos infrastructures existantes pour faciliter leur distribution jusque dans les régions les plus isolées, malgré les défis logistiques que cela représente. Les gouvernements doivent travailler ensemble pour que les vaccins contre la COVID-19 soient abordables et accessibles dans tous les pays.
Mais la confiance étant l’ingrédient le plus important de tout vaccin, l’UNICEF prend une autre mesure tout aussi capitale en lançant une campagne en ligne mondiale destinée à renforcer l’adhésion du public et à sensibiliser localement à la valeur et à l’efficacité de la vaccination.
Les sociétés technologiques ont un immense rôle à jouer et ont fait de premiers pas importants pour lutter contre la diffusion de fausses informations dangereuses sur leurs plateformes. En octobre, Facebook a annoncé l’interdiction mondiale des publicités décourageant les internautes de se faire vacciner. Peu après, YouTube s’est attaqué au contenu anti-vaccination et a supprimé des vidéos incluant de fausses informations sur les vaccins contre la COVID-19. Il ne faut pas en rester là. Les réseaux sociaux doivent prendre des mesures pour identifier et supprimer les publications qui déforment la vérité.
La méfiance à l’égard des vaccins est loin de concerner uniquement la COVID-19. En 2019, l’OMS a jugé qu’il s’agissait de l’une des dix principales menaces sur le plan de la santé mondiale. Or, sans confiance, les vaccins sont de simples fioles payées à prix d’or qui prennent la poussière dans les cabinets médicaux.

« Je pense que c’est le moment idéal pour que les établissements scolaires écoutent l’avis de leurs élèves et cherchent des moyens d’améliorer leurs outils d’apprentissage en ligne. Même lorsque cette pandémie sera derrière nous, l’enseignement à distance peut s’avérer précieux pour rendre l’éducation accessible et plus souple. »
Combler la fracture numérique peut favoriser l’accès de tous à une éducation de qualité
Kamogelo a raison. Lorsque les fermetures d’établissements scolaires ont atteint leur paroxysme début 2020, environ 30 % des enfants scolarisés dans le monde n’ont pas pu accéder à l’apprentissage à distance. De fait, à peine plus de la moitié des foyers dans une majorité de pays ont accès à Internet.
Or, les enfants concernés sont déjà ceux qui sont moins susceptibles d’avoir accès à une éducation de qualité. Le fait que plus de 50 % des enfants de 10 ans vivant dans des pays à revenu faible et intermédiaire ne sachent ni lire ni comprendre un texte simple en fin de cycle primaire est le reflet d’une crise mondiale de l’apprentissage. Et si nous ne réduisons pas la fracture numérique, ce groupe de jeunes dont les rangs grossissent rapidement sera laissé de côté.
La COVID-19 rend la question d’autant plus urgente. Nous avons aujourd’hui une occasion unique de connecter chaque enfant et chaque école à Internet, et de mettre à disposition de nouveaux outils numériques pour les aider à acquérir les compétences nécessaires à la réalisation de leur potentiel, pendant et au-delà de la crise de la COVID-19.
Ce que nous devons faire :
En premier lieu, les gouvernements doivent faire de la réouverture des écoles une priorité et prendre l’ensemble des mesures qui s’imposent pour rouvrir ces établissements en toute sécurité.
Mais cette grande parenthèse dans l’apprentissage a aussi été l’occasion de repenser la prestation des services d’éducation.
La campagne Réinventer l’éducation de l’UNICEF révolutionne l’apprentissage et le développement des compétences pour assurer à chaque enfant une éducation de qualité en misant sur l’enseignement en ligne, la connectivité Internet, les équipements, la collecte de données abordables et la mobilisation des jeunes. Nous avons pour objectif d’atteindre 500 millions d’enfants et de jeunes d’ici à la fin de l’année 2021, et 3,5 milliards à l’horizon 2030. Menée aux côtés de dizaines de partenaires du secteur privé et de gouvernements, cette initiative va de la distribution de manuels scolaires dans les villages isolés au soutien en faveur de la diffusion radiophonique de contenus pédagogiques, en passant par la mise en place de divers moyens d’accès à l’éducation sur le lieu de vie des enfants (SMS, groupes WhatsApp, podcasts, etc.).
Les outils numériques peuvent changer la donne. La Boîte à outils mondiale de l’UNICEF pour l’apprentissage en ligne étend l’accès aux compétences fondamentales, transférables, professionnelles et numériques au profit des personnes les plus vulnérables et les plus difficiles à atteindre. À titre d’exemples, nous travaillons avec Microsoft sur le Passeport pour l’apprentissage, une plateforme qui permet d’accéder en ligne et hors ligne au programme scolaire dans de nombreuses langues, même en situation de crise ; nous collaborons avec Khan Academy en faveur du développement des compétences fondamentales, numériques et STIM ; nous proposons un programme numérique qui apprend aux réfugiés et aux migrants la langue de leur communauté d’accueil afin qu’ils puissent accéder au système d’éducation et au marché du travail ; et nous œuvrons aux côtés de The Age of Learning Foundation pour offrir gratuitement à plus de 180 000 élèves dans le monde les moyens de se préparer à l’école et d’apprendre à lire, écrire et compter.
Toutefois, la connectivité doit aller de pair avec l’utilisation de ces outils d’apprentissage. Nous participons ainsi à l’initiative GIGA aux côtés de partenaires publics et privés pour veiller à ce que tous les enfants, toutes les communautés et toutes les écoles soient connectés à Internet à l’horizon 2030.
Dans cette optique, nous avons lancé dernièrement un partenariat mondial avec Ericsson en vue de cartographier la connectivité des écoles dans 35 pays d’ici à fin 2023. C’est un premier pas en avant capital pour que chaque enfant puisse bénéficier des possibilités offertes par l’enseignement en ligne.
Comme nous le rappelle Kamogelo, nous pouvons révolutionner l’apprentissage et le développement des compétences pour toute une génération d’enfants si nous exploitons la puissance des solutions numériques en cette période cruciale.

« Pourquoi agissons-nous comme si la santé mentale n’était pas un enjeu important ? Pourquoi dit-on à une personne qui souffre “d’arrêter d’y penser” ? Pourquoi les personnes atteintes d’une maladie mentale sont-elles considérées comme “folles” ?… L’heure est venue d’abandonner ces stéréotypes et de reconnaître que la santé mentale est aussi importante que notre santé physique. »
La COVID-19 a attiré l’attention sur la santé mentale des jeunes dans le monde
Tulika a raison : la santé mentale est un enjeu important – au même titre que la santé physique. C’est particulièrement le cas durant l’enfance et l’adolescence, où sont posées les premières pierres de notre développement cognitif, de notre capacité d’apprentissage tout au long de la vie, de notre intelligence émotionnelle et de notre résistance au stress.
Là encore, la pandémie a révélé à quel point les enfants et les jeunes sont vulnérables.
Partout dans le monde, la COVID-19 a bouleversé la vie des enfants, perturbant les activités routinières dans lesquelles ils trouvent du réconfort, comme aller à l’école et jouer dehors. Le confinement a privé les adolescents du contact avec leurs camarades et des liens sociaux si importants à ce stade de leur vie, et a contraint les enfants victimes de violence, de négligence ou de mauvais traitements au sein du foyer à rester enfermés avec leurs agresseurs, sans bénéficier du soutien qu’ils trouvent en temps normal à l’école, ainsi qu’auprès des membres de leur famille élargie et de leur communauté. La COVID-19 a perturbé, voire interrompu, la prestation des services de santé mentale essentiels dans 93 % des pays.
Ces effets viennent aggraver un bilan déjà préoccupant. Dans ma précédente lettre, je m’inquiétais de l’augmentation des troubles de la santé mentale chez les moins de 18 ans – un stade critique du développement des jeunes. La moitié de tous les troubles mentaux apparaissent avant l’âge de 15 ans, et 75 % d’ici le début de l’âge adulte. La majorité des 800 000 suicides recensés chaque année sont commis par des jeunes, et l’automutilation est la deuxième cause principale de décès chez les filles âgées de 15 à 19 ans.
Malheureusement, beaucoup trop d’enfants et de jeunes ne sollicitent aucune aide en raison de la stigmatisation et de la discrimination entourant les mauvais traitements et la détresse mentale. Les niveaux de financement des services de santé mentale sont également insuffisants presque partout dans le monde, et les gouvernements doivent aller plus loin. Dans les pays à revenu faible, moins de 1 % du budget de la santé est consacré à la santé mentale.
Mais vu l’enjeu touchant le bien-être mental des enfants et des jeunes, cette pandémie nous donne également l’occasion de parler de santé mentale entre adultes et avec les enfants, et d’en savoir plus sur la question.
Ce que nous devons faire :
Les jeunes comme Tulika demandent davantage de soutien, et nous devons écouter leurs inquiétudes.
Certains gouvernements le font. Au Bangladesh, en Géorgie et en Inde, des lignes d’assistance téléphonique gratuites offrent aux enfants une attention et un soutien vitaux. Le service Childline en Inde a reçu plus de 92 000 appels sollicitant la protection d’enfants contre les mauvais traitements et la violence au cours des 11 premiers jours du confinement décrété en raison de la COVID-19, soit une augmentation de 50 %.
Au Kazakhstan, pays qui enregistre l’un des taux de suicide chez les adolescents les plus élevés du monde, l’UNICEF a lancé en avril 2020 une plateforme de services de suivi individuel en ligne à l’attention des adolescents, tout en proposant aux spécialistes de la santé mentale des formations et des ressources pédagogiques pour gérer l’anxiété, le stress et l’incertitude découlant de la COVID-19. Plus de 5 000 psychologues scolaires et spécialistes ont été formés en trois mois seulement. D’autres programmes en place dans ce pays encouragent les activités propices à la socialisation des adolescents au moyen de groupes d’entraide et de discussions avec les parents, dans une démarche axée sur la compréhension et l’attention, tout en renforçant le suivi et le soutien, afin de mettre fin à la stigmatisation liée à la santé mentale.
De la même façon, des organisations du monde entier travaillent avec les jeunes, dans le cadre d’interventions et de campagnes qui ont fait leurs preuves, pour qu’il devienne normal de solliciter de l’aide en matière de santé mentale. Par exemple, Time to Change met fin à la discrimination dans ce domaine au Royaume-Uni en œuvrant aux côtés du personnel enseignant, des directeurs d’école et des élèves pour ouvrir le dialogue, lutter contre la stigmatisation et soutenir les jeunes.
Nous devons aller plus loin : les pays doivent accorder à ce problème les investissements qu’il mérite, élargir considérablement les services de santé mentale et renforcer le soutien offert aux jeunes dans leur communauté et à l’école, et s’appuyer sur des programmes d’éducation parentale pour veiller à ce que les enfants issus de familles vulnérables bénéficient du soutien et de la protection dont ils ont besoin à la maison.

« Nous devons arrêter de croire que nous sommes impuissants et prendre conscience que nous détenons un pouvoir infini. »
La COVID-19 ne fait pas de discrimination, contrairement à nos sociétés
La pandémie de coronavirus a touché tous les habitants de la planète, mais elle n’a pas eu les mêmes conséquences pour chacun d’entre nous. Dans de trop nombreux pays, l’origine ethnique, la couleur de peau ou les moyens financiers sont un facteur de risque aggravant. Par exemple, aux États-Unis, 13 % de la population est afro-américaine. Pourtant, cette communauté recense environ un quart des décès liés à la COVID-19 et ses représentants risquent près de quatre fois plus de décéder de la COVID-19 que les personnes blanches.
Partout dans le monde, le personnel de première ligne, les travailleurs essentiels, les membres d’une minorité ethnique et les personnes défavorisées ou en situation précaire encourent déjà un risque disproportionné : ils sont plus exposés au virus et donc plus susceptibles de contracter la maladie, tout en ayant moins de chances d’accéder aux soins et de bénéficier d’un traitement. Or, cette situation nous met tous en danger. Que vous soyez riche ou pauvre, vous risquez de tomber malade si votre voisin est infecté. Personne n’est à l’abri si nous ne réglons pas le problème pour tous.
En outre, la pauvreté augmente fortement. Selon les estimations au niveau mondial, le nombre d’enfants vivant dans des ménages en proie à la pauvreté monétaire pourrait avoir grimpé de 142 millions d’ici à fin 2020.
Mais les effets de la pauvreté vont au-delà de la santé. Les enfants les plus pauvres sont non seulement les moins aptes à se protéger eux-mêmes du virus, mais aussi les moins à même de bénéficier d’outils et de services d’apprentissage à distance et d’avoir accès à des installations pour le lavage des mains. Les enfants en situation de crise humanitaire courent des risques encore plus grands.
Non seulement les enfants sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les adultes, mais ils risquent plus d'en subir les conséquences irrévocables tout au long de leur vie. Les enfants ont rarement une seconde occasion de bénéficier de la nutrition essentielle aux premiers jours de leur vie, de l’éducation de qualité ou des soins de santé décents qui leur permettront de survivre, de grandir et de s’épanouir. Si nous ne faisons rien, ces effets peuvent durer toute une vie.
Ce que nous devons faire :
Comme l’exprime Clover avec éloquence, les enfants et les jeunes ne sont pas impuissants. Nous devons nous assurer que chaque enfant a la possibilité d’apporter une contribution sociale et qu’aucun n’est laissé de côté, indépendamment de son genre, sa race, son origine ethnique ou sa religion. Nous devons renouveler notre engagement à mettre fin aux inégalités et à la discrimination. Comme l’a déclaré cette année le Secrétaire général António Guterres, nous avons non seulement besoin de politiques de protection sociale d’un nouveau genre, mais nous devons aussi lutter contre la profonde discrimination fondée sur le genre, la race ou l’origine ethnique au moyen de programmes et de politiques ciblés.
Beaucoup trop d’enfants n’ont pas accès aux services élémentaires qui semblent aller de soi. Par exemple, l’eau propre et le savon sont fondamentaux pour prévenir la propagation de la COVID-19 et d’autres maladies. Des dispositifs innovants, comme les postes portatifs de lavage des mains actionnés à l’aide d’une pédale pour éviter le contact des mains avec d’autres surfaces, ont été installés dans des marchés, des centres de santé et des écoles en Équateur et dans d’autres pays afin de protéger les enfants des virus et des bactéries.
Les programmes de protection sociale, notamment les transferts en espèces, peuvent s’avérer un outil essentiel non seulement pour aider les familles à subvenir à leurs besoins à court terme, mais aussi pour combattre les inégalités de manière plus large – en leur donnant les moyens d’envoyer les enfants à l’école et dans les centres de santé, d’acheter des aliments nutritifs et de faire reculer le travail des enfants. L’UNICEF œuvre aux côtés des gouvernements de 115 pays pour favoriser l’expansion de programmes de protection sociale dans le cadre du plan de riposte et de relèvement face à la COVID-19.
L’expérience des crises passées démontre l’immense intérêt d’investir en priorité dans les domaines d’intervention sociale, même en période de récession. Tout en s’efforçant de protéger leurs citoyens des contrecoups de la COVID-19, les gouvernements doivent prévenir la baisse des investissements consacrés à tous les services sociaux et veiller à l’utilisation efficace de leurs ressources pour maintenir la prestation de ces derniers.

« Beaucoup de choses ont changé puisque nous ne pouvons plus manifester et appeler à l’action, mais cela ne signifie pas que le mouvement pour le climat s’est tu…On ne peut pas nous faire taire. La crise climatique reste d’actualité. Elle n’a pas disparu. Rien n’a changé. »
Le changement climatique est l’autre crise planétaire que l’on ne peut mettre entre parenthèses
La COVID-19 nous a montré qu’une solution planétaire s’impose pour résoudre un problème lorsqu’il est planétaire. Les enfants souffrent plus que les autres au changement climatique. Ils sont sensibles aux changements de l’air qu’ils respirent, de l’eau qu’ils boivent et de la nourriture qu’ils ingèrent. Nous savons que les enfants sont plus vulnérables au manque d’eau et aux pénuries alimentaires menaçant la survie, ainsi qu’aux maladies d’origine hydrique, conséquences des changements climatiques. Et selon la trajectoire actuelle, dans 20 ans seulement, 1 enfant sur 4 dans le monde vivra dans une région disposant de ressources en eau extrêmement limitées. Nous, adultes, sommes responsables de l’état dans lequel nous lèguerons la planète à nos enfants.
Si nous ne prenons pas le problème à bras-le-corps, les inégalités ne cesseront de s’accentuer. D’ici à 2050, le préjudice cumulé des changements climatiques devrait s’élever à 8 000 milliards de dollars des États-Unis, diminuant de 3 % le PIB mondial et appauvrissant davantage les régions les plus pauvres. Sans action immédiate de notre part, plus d’un milliard de personnes risquent d’être déplacées au cours des 30 prochaines années suite à la hausse des migrations engendrées par la crise climatique, les catastrophes naturelles et les conflits armés, ce qui aura des répercussions majeures à la fois dans les pays en développement et dans les pays développés.
Ce que nous devons faire :
En corrélation avec nos plans de relèvement et de riposte à la COVID-19, nous devons prendre des mesures audacieuses visant à lutter d’urgence contre les changements climatiques et la dégradation de l’environnement.
Nous avons besoin de programmes de relance gouvernementaux donnant la priorité aux démarches à faible émission de carbone et d’une coordination de l’action mondiale en parallèle des interventions locales. Nous savons déjà qu’il existe des solutions : renforcer la résilience aux changements climatiques et aux catastrophes des services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène ; promouvoir un apprentissage résilient dans un environnement sûr et écologique ; assurer des services de santé intelligents face aux changements climatiques et aux catastrophes ; réduire la pollution de l’air, des sols et de l’eau ; mobiliser les jeunes en tant qu’acteurs du changement et faire d'eux nos partenaires en faveur de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques ; instaurer une protection sociale sensible aux changements climatiques pour venir en aide aux personnes touchées par des catastrophes naturelles liées au climat ; et créer des systèmes alimentaires et des modes d’alimentation intelligents face aux changements climatiques et aux catastrophes. À défaut d’investissements accrus en faveur de ce type de solutions, nous aurons d’autant plus de mal à nous relever de la crise de la COVID-19.
Bon nombre de ces solutions ont des effets d’entraînement bénéfiques à la santé et à l’économie, tout en améliorant la résilience aux futures catastrophes.
Dans un monde où 17 pays prélèvent chaque année plus de 80 % de leurs ressources en eau disponibles, nous devons réinventer un approvisionnement en eau sûr pour les enfants. La gestion mieux coordonnée des ressources en eau partagées et une collaboration renforcée peuvent contribuer à promouvoir la paix et à bâtir des villes plus durables, à pérenniser les moyens de subsistance et à permettre que chaque enfant vive dans un environnement propre et sûr.
Dans le même temps, le fait de fournir une eau salubre aux 40 % de la population mondiale n’ayant pas accès à des installations d’approvisionnement en eau propre et d’assainissement peut prévenir la propagation de maladies infectieuses comme la COVID-19, tout en offrant un bénéfice de 4 dollars des É-.U. par dollar investi. Au XXIe siècle, aucune raison valable ne justifie que nous ne puissions approvisionner chaque foyer, chaque école, chaque hôpital et chaque centre de santé en eau propre et en savon.
Dans toutes les facettes de notre action, nous pouvons suivre la voie montrée par les jeunes comme Vanessa, qui appellent non seulement au changement, mais font également bouger les choses. À titre d’exemple, l’un des lauréats du Défi COVID-19 de l’UNICEF pour l’innovation au Nigéria a mis au point une solution solaire permettant de créer des systèmes durables d’approvisionnement en eau pour les communautés qui ne disposent pas d’un accès sûr et adapté à cette ressource.
Les solutions de ce genre sont à la fois utiles à court terme, car elles pallient les conséquences économiques et sociales de la COVID-19, et propices à une meilleure résilience ainsi qu’à la réduction des émissions à plus long terme.
Un dernier mot…
Dans une lettre ouverte que j’ai écrite en 2019, j’évoquais les raisons pour lesquelles je m’inquiète pour l’avenir des enfants et des jeunes, et les raisons pour lesquelles il y a de l’espoir. J’étais loin de me douter qu’un an après, une pandémie démontrerait de façon aussi spectaculaire à quel point ces inquiétudes étaient fondées.
J’ai une mauvaise nouvelle : alors que cette crise se prolonge et que ses retombées économiques s’aggravent, notre chemin reste semé d’embûches. La tempête économique met à mal le budget des gouvernements et compromet des décennies de progrès. Si nous ne prenons pas rapidement des mesures énergiques, les effets risquent de se faire sentir sur plusieurs générations.
Mais voici la bonne nouvelle : nous pouvons inverser la tendance en saisissant l’occasion inédite qui nous est offerte actuellement de reconstruire et de réinventer les systèmes qui sous-tendent la vie des enfants et des jeunes.
J’adresse donc un appel à l’action aux enfants, aux jeunes et aux dirigeants dans tous les secteurs de nos sociétés – personnalités sur la scène politique mondiale, responsables religieux, législateurs, sportifs de haut niveau, patrons de presse, défenseurs – ainsi qu’à chacun d’entre nous.
La communauté internationale doit faciliter un relèvement n’excluant personne, qui accorde la priorité aux investissements en faveur des enfants et des droits de l’enfant. Dans un grand nombre de domaines allant de la sécurité et du respect de la vie privée sur Internet à l’apprentissage en ligne, en passant par l’approvisionnement en eau propre, le secteur privé doit aller plus loin pour mettre l’innovation au service des enfants et les protéger. Et les citoyens doivent continuer de mettre les détenteurs du pouvoir face à leur responsabilité dans la lutte contre la discrimination et les inégalités.
Cette année, cela fait 75 ans que l’UNICEF réinvente l’avenir de chaque enfant. À cette occasion, rallions-nous à la cause des enfants et des jeunes avec un nouveau sentiment d’urgence, afin de créer pour eux des possibilités, d’aviver leurs rêves et de les épauler à chaque étape de leur vie.
La crise de la COVID-19 ne sera pas la dernière à mettre l’humanité à l’épreuve. Travaillons en partenariat et faisons preuve de solidarité pour ressortir plus forts que jamais de cette pandémie.

Henrietta Fore
Directrice générale de l’UNICEF