Après l’horreur, le traumatisme

Les survivants d’une attaque brutale au Mali ont besoin d’aide pour guérir, physiquement et psychologiquement

Par Eliane Luthi
Un enfant blessé au bras montre son bandage
UNICEF/UN0296716/Keïta
15 avril 2019

MOPTI, Mali – Bouakary se souvient quand Mamadou*, 9 ans, est arrivé à l’hôpital régional de Mopti. Qui ne s’en souviendrait pas ? « Il avait les yeux rougis et il ne pouvait presque plus parler », raconte-t-il. « La seule chose qu’il parvenait à articuler, c’était : "Ils ont tué ma maman sous mes yeux". »

Mamadou a été évacué par ambulance du village d’Ogossagou, dans le centre du Mali, le 23 mars. Une balle lui a cassé le bras durant un raid sur son village au cours duquel plus de 150 personnes ont été tuées, dont 46 enfants. Des dizaines d’autres femmes et enfants ont été blessés par balles ou gravement brûlés lorsque les assaillants ont mis le feu aux cabanes, aux greniers et même aux maisons.

« Ils ont tué ma maman sous mes yeux »

Cette attaque s’inscrit dans une dynamique plus large marquée par une détérioration sans précédent du contexte sécuritaire de la région depuis la seconde moitié de 2018. Si les attaques – parmi lesquelles on dénombre des meurtres, des mutilations et des enlèvements et recrutements d’enfants – se multiplient, l’incident d’Ogossagou est également exceptionnel au regard du nombre d’enfants tués.

« C’est le pire événement auquel j’aie jamais été confrontée », déclare Aissata Dirabo, Directrice des services sociaux de l’hôpital régional de Mopti. « Ils avaient tous besoin de vêtements, car les leurs étaient déchirés et maculés de sang. »

Qui plus est, de nombreux enfants d’Ogossagou, petit village à deux heures de route de Mopti, n’ont pas d’acte de naissance et n’ont jamais été vaccinés ni scolarisés. Autrement dit, même avant l’attaque, cette communauté était déjà extrêmement vulnérable.

Une femme marche avec sa fille dans les ruines d’Ogossagou, au Mali
UNICEF/UN0296566/Keïta

Même aujourd’hui, quelques semaines après avoir été évacués de leur village, certains des enfants blessés ont encore des balles logées dans le corps.

Ahmadou*, 15 ans, est l’un des enfants visés pendant l’attaque.

« Je voulais me réfugier chez moi, mais ils m’ont attrapé », raconte-t-il. « L’un [des assaillants] a dit : "Ne le tuez pas, il doit voir sa maison brûler". D’autres ont dit qu’il fallait nous trancher la gorge. Quand j’ai entendu ça, j’ai eu tellement peur... Ils se sont mis à me tirer dessus, en visant le cou, et je suis tombé. Puis ils m’ont tiré dans le ventre. »

« C’est le pire événement auquel j’aie jamais été confrontée »

Pascal Togo, Spécialiste de la protection au bureau extérieur de l’UNICEF à Mopti, a déclaré qu’à son arrivée à l’hôpital, il n’y avait pas assez de lits pour les victimes qui arrivaient en ambulance. « On manquait de tout », explique-t-il. « Des dizaines de patients étaient assis par terre aux urgences. »

Il ajoute que l’UNICEF a collaboré avec l’ONG partenaire COOPI pour faire livrer des biens de première nécessité en urgence, notamment des matelas et des vivres. « Comme il n’y avait pas d’eau, nous avons tout de suite apporté de l’eau potable. »

montre sa blessure par balle après avoir été pris pour cible durant une attaque, au Mali
UNICEF/UN0296712/Keïta
Un garçon pris en charge sur le plan médical et psychosocial montre sa blessure par balle après avoir été pris pour cible durant l’attaque d’Ogossagou. Une balle demeure logée dans son flanc.
Une réponse pluridimensionnelle

L’assistance médicale immédiate n’est toutefois pas le seul volet de l’intervention. Lorsque les jeunes victimes de l’attaque sont arrivées, la plupart étaient manifestement traumatisées par ce dont elles avaient été témoins, raconte Pascal Togo, et l’hôpital allait avoir besoin de travailleurs sociaux et de psychologues en renfort. Avec le soutien de l’UNICEF, COOPI a fait venir un travailleur social supplémentaire, ainsi que des kits de développement composés de jouets et de jeux pour essayer de redonner aux enfants un certain sens de la normalité.

Deux enfants blessés se tiennent devant une tente de l’UNICEF à l’hôpital régional de Mopti, au Mali.
UNICEF/UN0296728/Keïta
Deux enfants blessés se tiennent devant une tente de l’UNICEF à l’hôpital régional de Mopti, au Mali.

Mamadou, dont la mère a été tuée pendant l’attaque, est arrivé à l’hôpital grièvement blessé et en état de choc. Toutefois, soutenu par Bouakary, le nouveau travailleur social, il recommence lentement à parler, mais aussi à jouer.

Ahmadou montre aussi des signes de progrès, fait remarquer son père alors qu’ils sont assis tous les deux à l’heure du conte. « Quand mon fils est arrivé, il n’arrêtait pas de dire : "Ils arrivent, ils arrivent." Il avait peur que les assaillants viennent jusqu’ici et le retrouvent », explique‑t‑il. « Je me réjouis de voir l’état de mon fils s’améliorer, en particulier grâce à l’aide de [la Directrice des services sociaux] Aissata Dirabo. »

Le père d’Ahmadou espère que, malgré l’attaque, ils pourront retourner dans leur village. « Nous avons perdu tous nos animaux », se désole-t-il. « Mais ça reste chez nous, même si notre maison a été incendiée. »

*Les prénoms ont été modifiés.


La crise au Mali reste l’une des situations les plus marquées par le manque de moyens au monde ; on estime qu’environ 400 000 enfants ont un besoin criant de services de protection. L’UNICEF au Mali lance un appel aux dons pour apporter un soutien aux familles qui en ont le plus besoin et répondre à l’explosion des besoins en matière de protection infantile.