Vaccination : trois questions sur la chaîne du froid.
Le docteur Abdoul Nasser ASSAN, Directeur des Immunisations au ministère de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales, revient en trois questions sur les multiples défis à la vaccination au Niger.

Pays immense, températures élevées, populations nomades ou réfractaires à la vaccination… Au Niger, les défis restent nombreux pour atteindre l’équité en matière d’immunisation. Pour pallier ces difficultés, les fonds japonais vont permettre, notamment, l’acquisition de plus de 205 réfrigérateurs solaires pour les établissements de santé, et le renforcement de capacités de 205 agents de santé sur le fonctionnement et la maintenance des équipements de la chaîne du froid.
Pouvez-vous nous décrire les défis auxquels vous êtes confrontés pour assurer l’équité en termes de vaccination, et le rôle de la chaîne du froid ?
Notre rôle est de suivre la vaccination de routine, c’est-à-dire les enfants dans leurs première année et 2eme année de vie. Chaque année nous devons vacciner plus d’un million d’enfants, sur un territoire de plus de 1,2 millions de km2, divisés en 63 départements gérés par 8 régions, et plus de 1 300 centres de vaccination. Le premier défi, c’est donc d’arriver à distribuer ces vaccins dans tous ces centres de vaccination du pays.
C’est là qu’intervient la qualité de la chaîne du froid. Nous avons un dépôt central à Niamey, d’où l’on transporte les vaccins, avec des camions réfrigérés, vers chacune des 8 régions, elles-mêmes équipées de dépôts de grande capacité de 40 m3. A partir de chaque région, un réseau est organisé pour distribuer, avec des fourgonnettes, jusqu’aux centres de vaccination : pour le moment on ne dispose que de congélateurs et réfrigérateurs « classiques ».
Avant on travaillait avec l’électricité et surtout le gaz pour alimenter ces centres, mais depuis un certain temps avec les partenaires et l’accompagnement de l’Etat on a installé des équipements solaires dans 80% des centres de santé.
Mais il y a aussi les cases de santé, qui sont destinées aux villages qui connaissent un gros poids démographique : ces dernières représentent plus de 2 000 structures, et on doit les équiper pour rapprocher la vaccination des communautés.
La chaine du froid intervient à tous ces niveaux : central, régional, départemental, centres de vaccination. On doit avoir des équipements pour transporter et stocker les vaccins dans les conditions requises (+8 degrés, sauf COVID dans l’ultra froid).
Les agents des centres de santé, pour offrir des vaccins de qualité aux populations, se déplacent avec des porte-vaccins, et on doit renforcer leurs capacités pour continuer à maintenir les équipements dans les conditions optimales : avec la chaleur dans le pays, le matériel en marche par plus de 40 degrés à l’ombre doit être bien entretenu pour supporter et produire les températures adéquates pour la conservation.
Nous arrivons, avec l’appui de l’UNICEF, à renforcer les capacités de tous nos agents pour les appareils qui tombent en panne.
Sur plus de 1 300 centres de santé que compte le pays, la chaîne du froid est maintenue quasiment toute l’année. Le défi est de maintenir et consolider les acquis, et d’étendre cette couverture à l’ensemble des centres de santé et les cases de santé.
Au niveau central, on a une dizaine de chambres froides. Eu égard à la résurgence de plusieurs maladies, la COVID-19, les vaccins de riposte et à terme le vaccin contre le paludisme, nos besoins vont augmenter. Nous travaillons donc avec GAVI, l’UNICEF et l’OMS pour renforcer nos capacités au niveau central, c’est-à-dire pour installer de nouvelles chambres froides, qui nous permettront de réceptionner tous les nouveaux vaccins avant de les distribuer dans les régions en fonction des besoins. Au niveau régional, il y a des chambres froides mais les régions qui comptent parfois entre 4 et plus de 5 millions d’habitants doivent avoir des capacités de conservation plus grandes, en fonction des maladies combattues par la vaccination.
Au niveau des départements, certains ont de grosses populations cibles et besoin de conserver des vaccins dans certains grands districts sanitaires qui desservent 50 centres de santé et cases de santé : en soi, c’est déjà une entité suffisante pour avoir besoin d’y installer des chambres froides. Cela leur permettra d’éviter les petits ravitaillements.
Comment améliorer la couverture vaccinale ?
Dans l’immédiat le plus important est d’atteindre l’équité, dans un pays avec des zones nomades, des distances importantes… Il nous faut aller au-delà des centres de santé pour toucher les cases de santé et placer les équipements là-bas.
Le défi ce n’est pas la vaccination de routine, c’est la couverture.
La vaccination de routine, de manière générale les populations ont compris et adhèrent, mais dans le pays, le taux de couverture sanitaire est de 53%. Presque la moitié de la population n’a pas de centre de santé dans un rayon de 5 kilomètres. Les mamans ont beaucoup d’occupations, ce qui fait que le calendrier vaccinal n’est pas toujours bien respecté. On a donc des « zéro doses », ou alors des enfants qui ont reçu la première dose ne finalisent pas.
Beaucoup de gens en zone désertique ou zone d’insécurité ne sont pas touchés par la vaccination. C’est pourtant leur droit. D’où la nécessité d’anticiper, de placer les kits pour approcher les communautés, et de permettre aux centres de santé de se déplacer vers ces populations à l’accès limité.

Avec UNICEF et GAVI, on réfléchit aux stratégies à élaborer en milieu urbain, où nous avons des populations au gré des saisons qui quittent leur territoire : cette population flottante qui se déplace dans la journée pour aller chercher du travail ou autre, il nous est très difficile de la capter. Idem pour zones d’insécurité pour vacciner les populations qui ne se sont pas déplacées.
Il y a enfin les zones désertiques, qui demandent de pouvoir travailler pour capter les populations nomades sur leurs couloirs de passage, ou pendant les marchés hebdomadaires ou les fêtes, pour élargir le filet et vacciner le maximum de personnes.
En quoi ce don du peuple japonais sera utile pour relever les défis que vous venez de mentionner ?
Ce financement du peuple japonais pour l’acquisition du matériel solaire de chaine de froid contribuera indirectement à une augmentation de 0,8% du budget opérationnel de la vaccination à travers l’économie annuelle de 24 600 000 francs sur la fourniture des sources d’énergie (achat des gaz, etc..). Il contribue également au renforcement des actions de communication pour accroitre la demande en vaccination contre le Covid-19.
Selon nos calculs, ce don portera de 75 à 84 % le nombre de points de prestations de la vaccination avec un équipement de chaine de froid homologué dans le pays, avec une bonne disponibilité en vaccins dans le pays, facilitera la distribution des vaccins Pfizer, et en assurera la conservation dans des conditions de sécurité optimale, et contribuera à augmenter de 1,3% le nombre d’enfant complètement vacciné.
Cet investissement permettra à 500 000 personnes d’avoir à un accès direct de qualité à la vaccination contre la COVID-19 et 50 000 enfants de moins d’un an et 60 000 femmes enceintes à la vaccination de routine.
Nous les remercions très vivement.