« Les femmes du monde entier ont leurs règles »
Ramatou Hassan anime des séances pour lever le tabou de la menstruation avec des élèves, filles et garçons, au Niger. Son objectif est d’assurer la santé et la scolarisation des filles, tout en démystifiant les règles.

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« La menstruation est un immense tabou dans notre société. Le manque de connaissance sur le sujet entraîne des effets négatifs considérables sur la santé, la scolarisation et l’avenir des filles », explique Ramatou Hassan, 61 ans, retraitée depuis quelques mois après avoir travaillé 28 ans dans la fonction publique. Cette mère de six enfants a perdu son mari il y a 20 ans et subvient depuis lors seule aux besoins de sa famille.
Comme dans de nombreux autres pays de la région, la menstruation est traditionnellement perçue comme « impure » et, d’après une étude de 2020 soutenue par l’UNICEF, seules 30 % des filles au Niger en ont entendu parler avant leurs premières règles.
« Le gros problème est que de nombreux parents n’abordent pas ce sujet », a déclaré Mme Hassan lorsque l’UNICEF l’a rencontrée chez elle à Tahoua, la capitale de la province du même nom. « C’est là que j’interviens : Je m’assieds avec les élèves et je leur dis : “ Je suis grand-mère. Vous voulez qu’on ait une discussion entre grand-mère et petits-enfants ? Est-ce que vous êtes d’accord ? ” Cela permet de créer un cadre de confiance entre nous et d’aborder des sujets sensibles. »
« La première chose que je leur dis, c’est qu’elles ne sont pas malades, que ce n’est pas sale, et que les femmes du monde entier ont leurs règles. »
« La première chose que je leur dis, c’est qu’elles ne sont pas malades, que ce n’est pas sale, et que les femmes du monde entier ont leurs règles. Je leur explique ensuite le fonctionnement du cycle féminin et, qu’une fois qu’elles ont leurs règles, elles peuvent tomber enceintes. Toutefois, même si elles peuvent être enceintes, leur corps n’est pas encore prêt à donner la vie en toute sécurité, que ce soit pour le bébé ou pour la mère. Les filles devraient éviter de tomber enceinte avant l’âge de 18 ans. »
Pour de nombreuses adolescentes au Niger, la menstruation est une source de stress, de honte, de gêne, de confusion et de peur. Dans un pays où à peine la moitié de la population a accès à de l’eau salubre et où près de sept millions d’enfants vivent dans la pauvreté, l’hygiène menstruelle peut s’avérer encore plus problématique.
« Ma génération ne connaissait rien de la menstruation, nous utilisions des morceaux de tissu jetés à la poubelle. Nous avions si honte que nous séchions ces bandes de tissus sous les tapis, dans la saleté. De nombreuses femmes contractaient des infections. »

Lors d’une séance organisée un lundi matin dans une école de Tahoua, elle donne aux filles des conseils et des astuces pour apprendre à gérer leurs règles. Elle leur présente plusieurs types de sous-vêtements et leur montre comment utiliser des bandes de tissu réutilisables. « L’hygiène est tellement importante ! Transportez vos affaires dans un sac plastique et lavez les bandes de tissu après usage. Faites-les sécher au soleil et repassez-les. À la fin de votre cycle, rangez-les dans un endroit propre jusqu’au mois suivant. Si vous suivez mes conseils, vous n’aurez aucune raison de ne pas aller à l’école pendant votre cycle menstruel ! »
Pendant sa présentation animée devant une classe de 6e, elle pointe son index pour insister sur des éléments importants, passe du français à la langue locale haoussa, et inversement, et note les mots importants au tableau avec une agilité acquise au cours de ses nombreuses années d’enseignement.
Aujourd’hui retraitée et animatrice de ces sessions à titre bénévole, Mme Hassan est contactée par les écoles pour animer ce type de séances plusieurs fois par semaine. Elle s’est même récemment diversifiée dans la sensibilisation sur les questions environnementales et les changements climatiques.


Au Niger, de nombreuses filles n’osent pas aller à l’école pendant leur cycle menstruel et, très souvent, elles finissent par prendre du retard dans leurs études, voire par complètement abandonner leur scolarité. Mme Hassan expose certaines raisons :
« Si une fille ne vient pas à l’école pendant trois jours d’affilée et que l’enseignant lui demande pourquoi, elle ne pourra pas lui répondre parce les règles sont trop taboues. Elle sera alors punie par l’enseignant et pourrait finalement ne plus venir à l’école du tout. J’organise également des séances de sensibilisation à destination des enseignants pour qu’ils prennent conscience de leurs responsabilités, eux aussi, dans la poursuite de la scolarité des filles.
Les gouvernements du Niger, du Canada et de la Norvège, avec l'UNICEF et ses partenaires, sont unis pour réaliser les droits des filles à l'éducation.