
Les agents de santé atteignent les enfants « zéro dose » dans les bidonvilles au Nigéria
Œuvrer auprès des mères pour éliminer les barrières à la vaccination de leurs enfants
Normalement, en ce mardi matin, Jemlat aurait dû être occupée à revendre du pain dans les rues bondées de Gengere, un quartier populaire de Lagos situé à l’extrémité du Mile 12 Market.
Mais, pour une fois, à court d’argent pour acheter du stock, la jeune femme et son fils de 4 ans, Fawaz, rentraient à petits pas chez eux, déçus, quand la chance leur a souri : ils sont tombés sur une équipe d’agents de santé en train d’administrer des vaccins aux enfants pour les protéger de maladies potentiellement mortelles.
Jemlat n’a pas hésité une seconde.

UNICEF/U.S. CDC/UN0669672/Nelson Apochi Owoicho
« Mon fils n’avait jamais été vacciné, mais il faut dire qu’il n’était jamais tombé gravement malade non plus », explique-t-elle. « Il est né dans l’église de ma grand-mère. »


« Mon fils n’avait jamais été vacciné, mais il faut dire qu’il n’était jamais tombé gravement malade non plus », explique-t-elle. « Il est né dans l’église de ma grand-mère. »
UNICEF/U.S. CDC/UN0669672/Nelson Apochi Owoicho
Pour Fawaz, la vaccination a été un léger choc, et il a laissé échapper un cri. Sans attendre, les professionnels de santé l’ont réconforté avec des biscuits. Avec cette première injection, Fawaz est en bonne voie de ne plus craindre des maladies potentiellement mortelles comme la rougeole ou la poliomyélite.
« Je veux que mon enfant réussisse. C’est ma plus grande ambition désormais. »
Gengere a beau se trouver à quelques encablures de l’un des plus grands centres financiers internationaux, les services de vaccination y restent difficilement accessibles pour une population en proie à la pauvreté, faiblement éduquée, et qui n’a que peu de temps libre et des moyens limités pour se rendre dans les centres de santé environnants, aussi proches soient-ils.
Le quartier, qui servait autrefois de lieu d’hébergement temporaire pour les grossistes du marché d’à côté, a pris de l’ampleur jusqu’à devenir cet endroit bruyant et jonché de détritus. Les services de base comme l’eau, l’assainissement et l’éducation y sont rares, et le taux de criminalité élevé. Le centre de soins de santé primaires le plus proche se trouve à plus de 5 kilomètres.

Le Nigéria est le deuxième pays au monde comptant le plus grand nombre d’enfants zéro dose (2,2 millions). Dans l’État de Lagos, la zone d’administration locale d’Alimosho répertoriait plus de 35 000 enfants non vaccinés en 2021, un record national. Quant à Kosofe, la zone où vivent Jemlat et son fils, elle en comptait près de 17 000 en 2021, ainsi que 17 162 enfants partiellement vaccinés. Seule une autre zone d’administration locale affichait un chiffre plus élevé au sein de cet État.
Les responsables nigérians de la santé et leurs partenaires œuvrent depuis longtemps auprès des mères pour éliminer les barrières à la vaccination de leurs enfants. Mais comme le rappelle Elizabeth Unoroh, responsable de la vaccination pour l’État de Lagos, ce travail nécessite de déployer de multiples outils. Le programme d’intensification de la vaccination de routine, mené avec le soutien de l’UNICEF et le Gouvernement américain, est l’un d’entre eux. Des opérations de vaccination intégrée sont réalisées chaque semaine dans l’optique de réduire le nombre d’enfants non vaccinés au sein de l’État.
UNICEF/U.S. CDC/UN0677786/Nelson Apochi Owoicho
Toutefois, à Gengere, où la plupart des gens sont toujours en transit, il faut, pour atteindre les enfants en déplacement, mener des actions de proximité au quotidien, accroître les financements et développer l’accès aux soins de santé primaires dans le quartier même, détaille la vaccinatrice.

Toutefois, à Gengere, où la plupart des gens sont toujours en transit, il faut, pour atteindre les enfants en déplacement, mener des actions de proximité au quotidien, accroître les financements et développer l’accès aux soins de santé primaires dans le quartier même, détaille la vaccinatrice.
UNICEF/U.S. CDC/UN0677786/Nelson Apochi Owoicho
Le jour où Fawaz a reçu ses premières doses, l’équipe mobile était déployée, comme chaque jour, pour vacciner les enfants zéro dose contre des maladies évitables comme la rougeole ou la poliomyélite, ainsi que les adultes qui les accompagnaient contre la COVID-19. Elle en profitait également pour distribuer des compléments de vitamine A.
Une autre habitante du quartier, Esther Sunday, faisait partie des premières mères à faire la queue pour profiter de l’occasion.
Esther a donné naissance à son fils Samuel en 2021 dans un hôpital de Lagos, où une dose de vaccin BCG (bacille de Calmette-Guérin) contre la tuberculose lui a été administrée. Mais depuis, le petit garçon n’avait pas reçu d’autre vaccin. Au poste sanitaire de Gengere, Samuel a donc été vacciné contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche (DTC) – recevant ainsi tous les vaccins qui lui manquaient.

UNICEF/U.S. CDC/UN0671172/Nelson Apochi Owoicho
Mère célibataire de trois enfants, Esther gagne sa vie en faisant des lessives pour les habitants d’un quartier résidentiel voisin. Elle a commencé à travailler vers l’âge de 10 ans, quand ses parents l’ont envoyée comme apprentie vendeuse sur le marché dans la région rurale où ils vivaient.


Mère célibataire de trois enfants, Esther gagne sa vie en faisant des lessives pour les habitants d’un quartier résidentiel voisin. Elle a commencé à travailler vers l’âge de 10 ans, quand ses parents l’ont envoyée comme apprentie vendeuse sur le marché dans la région rurale où ils vivaient.
UNICEF/U.S. CDC/UN0671172/Nelson Apochi Owoicho
Comme Samuel, la majeure partie des enfants non vaccinés sont nés dans des familles pauvres et en difficulté. Pour s’en sortir, les adultes multiplient les petits emplois dans des quartiers où les structures de santé sont inexistantes. Pour ces familles, accéder à des services de vaccination de routine signifie se déplacer – un coût de plus qui vient grever leurs maigres ressources.
À Gengere, Esther paie environ 1,50 dollar des États-Unis par jour pour son logement et environ 0,50 dollar É.-U. pour l’eau et les toilettes. La présence de l’équipe mobile lui a permis de faire vacciner Samuel sans devoir l’emmener au centre de santé le plus proche, ce qui lui aurait coûté la moitié de son revenu quotidien.
« Si je m’arrêtais de travailler une seule journée, je serais à la rue »