L’école envers et contre tout en Afghanistan
Près de la moitié des enfants du pays ne vont pas à l’école. Pourtant, derrière ce chiffre, certains récits permettent de garder espoir.
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JALALABAD, Afghanistan, le 5 juin 2018 – « Je suis partie de zéro. Il n’y avait rien, puis l’école est devenue célèbre », explique Saif, principale de l’école Bibi Hawa, à Jalalabad, dans l’est de l’Afghanistan. « Un jour, j’ai entendu parler d’un père qui voulait absolument envoyer sa fille dans cette école. J’en ai pleuré. »
On comprend vite pourquoi les parents souhaitent que leurs enfants étudient ici. Située à deux pas des rues principales mouvementées de Jalalabad, l’école dégage un sentiment de calme au milieu d’une ville en pleine expansion où la situation ne cesse de se dégrader sur le plan de la sécurité.
Les installations sont en bon état, et une équipe d’enseignants dévoués tels que Saif fait son possible pour instaurer un cadre propice à l’apprentissage. Aujourd’hui, plus de 6 500 filles sont scolarisées dans l’établissement qui propose trois créneaux par jour.
D’énormes avancées ont eu lieu depuis que les talibans ont quitté la ville, fin 2001. « Lorsque les écoles ont rouvert leurs portes, tout était dégradé. Les bâtiments s’étaient effondrés et les visages des habitants avaient changé », raconte Saif.
Depuis, grâce à des personnes comme Saif, de nombreux garçons et filles ont afflué vers les bancs de l’école. Cependant, on constate actuellement un ralentissement des progrès accomplis au cours des 17 années écoulées.
Déterminés à apprendre
D’après une étude de l’UNICEF sur les enfants non scolarisés en Afghanistan, près de la moitié des enfants âgés de 7 à 17 ans (soit 3,7 millions de personnes) ne vont pas à l’école. Environ 60 % d’entre eux sont des filles.
La dégradation des conditions de sécurité au cours des dernières années, ainsi que la pauvreté endémique et la discrimination sont autant de facteurs qui anéantissent les progrès réalisés en matière d’éducation depuis fin 2001.
À quelques kilomètres de l’école Bibi Hawa, Zahra, 15 ans (figurant sur la première photo), répond à des questions dans sa classe, dans un « centre d’apprentissage accéléré ». Elle a repris ses études après son retour du Pakistan, il y a deux ans. La famille de Zahra n’a pas réussi à regagner son village d’origine, théâtre de conflits réguliers. Elle a donc opté pour la sécurité relative de Jalalabad.
« Quand nous sommes revenus, un ami de notre père nous a hébergés chez lui », raconte Zahra. « Je travaillais à la maison, je donnais un coup de main, je ne faisais pas grand-chose. »
Zahra fait partie des centaines de milliers d’Afghans rentrés du Pakistan ces trois dernières années. Lorsqu’elle était réfugiée, elle a terminé sa première année de scolarisation, mais sa famille l’a retirée de l’école afin qu’elle participe aux tâches domestiques.
Mais sa vie a changé grâce à une rencontre fortuite avec Farida, 40 ans, enseignante au sein d’un centre d’éducation communautaire. Celle-ci encourageait les filles non scolarisées à assister à ses cours et à reprendre leur éducation. Zahra était déterminée à se rendre en classe. Farida l’a donc aidée à convaincre son père et ses oncles qu’elle serait en sécurité. Et ils ont accepté qu’elle poursuive ses études.
« J’étais tellement heureuse de recommencer à apprendre, et je le suis toujours. Quand je regarde l’enseignante travailler, je rêve de faire la même chose un jour », précise Zahra. Elle fait désormais partie des 87 000 filles assistant à des cours organisés au sein des communautés. Ceux-ci permettent aux familles d’avoir davantage de contrôle sur l’éducation, car les cours ont lieu dans des édifices communautaires, et parfois chez des particuliers.
Au-delà des chiffres, l’espoir
Dans la banlieue de Jalalabad, Madena, 9 ans, est assise sur le sol d’une tente avec 15 autres filles de cinquième année d’école primaire. Comme Zahra, elle a manqué plusieurs années d’école lorsque sa famille a fui les combats autour de leur village il y a deux ans.
« J’ai dit à mes parents que j’aimais l’éducation, que je voulais étudier et qu’ils devaient me laisser faire », raconte-t-elle. « J’ai dit à mon père que je pouvais devenir enseignante ou médecin pour aider les gens, et il a fini par accepter. J’étais tellement heureuse. » Elle explique aussi que de nombreux parents n’autorisent pas leurs filles à venir à l’école où les infrastructures sont rudimentaires et où les questions liées à la sécurité et au harcèlement des filles inquiètent les familles.
Malgré les nombreux défis soulevés par l’éducation des filles, l’optimisme et la détermination à améliorer la situation sont omniprésents. Saif et Farida occupent un rôle de premier plan dans ces efforts, tout comme des filles telles que Zahra et Madena, résolues à faire appliquer leur droit à l’éducation et à participer à la construction d’un Afghanistan plus stable et plus prospère.
« C’est fondamental, car les filles sont des membres à part entière de la famille et de la communauté. Si elles sont éduquées, la famille l’est également », conclut Saif, la principale.
Pour en savoir plus :
Étude de l’UNICEF sur les enfants non scolarisés en Afghanistan