L’école inaccessible à 43 pour cent de filles et 36 pour cent de garçons des ménages plus pauvres
Barrières persistantes à l’accès des enfants aux services éducatifs

Aujourd’hui encore, l’éducation au Bénin est un droit inaccessible pour près de 1.600.000 enfants en âge d’être scolarisés. Parmi les facteurs qui expliquent cette situation on trouve l’éloignement géographique de l’école, les frais financiers sollicités des parents et les considérations socio culturelles qui touchent au genre.
Accès géographique
Les résultats de l’enquête MICS montrent qu’en 2014 seulement 52 pour cent des enfants en âge d’entrer à l’école primaire (à l’âge officiel de 6 ans), avaient effectivement accès au cours d’initiation (CI). Cette proportion d’enfants variait peu selon le sexe de l’enfant mais semblait plus corrélée à d’autres déterminants comme le milieu de résidence de l’enfant. La proportion des enfants inscrits au CI qui atteint 56 pour cent en milieu urbain chute à 49 pour cent en milieu rural.
Au niveau de l’enseignement primaire, les données officielles montrent que les taux d’accès sont systématiquement plus bas en milieu rural et toujours inférieurs à la moyenne nationale, notamment en raison des distances que doivent quotidiennement parcourir les enfants. L’accès est encore plus difficile pour les enfants durant la saison des pluies ou quand ces écoles ne disposent pas d’un minimum de commodités de base en eau potable, hygiène et assainissement ou de conditions d’apprentissage (mobiliers, infrastructures, ...).
Barrière économique
Le coût des études peut constituer encore une autre barrière pour la scolarisation des enfants (accès et maintien) notamment pour ceux qui appartiennent aux catégories les plus démunies. L’enquête MICS 2014 a montré que parmi les enfants en âge d’entrer à l’école primaire seulement 35% des enfants appartenant aux ménages les plus pauvres accédaient au CI, contre 65% de ceux qui appartenaient aux ménages plus riches.
Les calculs faits pour la note d’analyse sectorielle préparée en 2017 à partir de l’EMICOV 2015 ont montré des chiffres différents mais des tendances similaires. Au CI, le taux d’accès des enfants provenant des ménages pauvres serait de 30 pour cent inférieur à celui des enfants des ménages riches (68,1 pour cent contre 94,2 pour cent). Cette barrière financière perturbe tout le parcours scolaire de l’enfant. La différence entre enfants pauvres et riches s’élargit progressivement pour devenir deux fois plus importante en CM2 où le taux atteint 39% pour les enfants pauvres contre 79 pour cent pour les enfants riches.
Travail des enfants
Le travail des enfants et les revenus qu’il produit pour les familles constituent, également une barrière fréquente à la scolarisation des enfants. Les enfants représentent une main d’œuvre précieuse et gratuite pour les corvées domestiques mais peuvent également engendrer des ressources pour la famille s’ils sont engagés dans des activités génératrices de ressources comme le petit commerce, les travaux agricoles, la garde du bétail ou les ateliers de réparation. Le travail est aussi souvent considéré par les parents et la communauté comme une des composantes éducatives nécessaires au développement et à la socialisation de l’enfant (chapitre 5 SITAN 2017). L’application du calendrier scolaire ne laissant aucun espace pour de telles activités, certains parents accordent la priorité à cette forme d’éducation non formelle. Selon l’INSAE, plus de 664.000 enfants béninois sont économiquement occupés, plus particulièrement les enfants en milieu rural. Environ 42,3 pour cent des enfants y sont économiquement occupés contre 18,4 pour cent des enfants du milieu urbain. Les enfants les plus affectés appartiennent au groupe d’âge 14-17 ans (43,2 pour cent), suivi par ceux âgés de 12-13 ans (39,6 pour cent) et ceux de 5-11 ans (29,5 pour cent).
Barrière liée aux inégalités genre
Durant la dernière décennie, le Bénin a accompli des progrès considérables en matière de scolarisation des filles. Aujourd’hui les écoles primaires accueillent pratiquement autant de filles que de garçons. Cependant, de nombreux observateurs persistent à dire que malgré les progrès réalisés en matière de promotion du genre et de scolarisation des filles, l’école béninoise continue à être une « fabrique d’inégalités de genre ».
En premier lieu on peut citer le manque de ciblage des filles dans le mécanisme d’allocation des budgets au secteur de la santé. L’analyse effectuée dans le cadre du RESEN sur la part des ressources publiques de l’éducation dont bénéficient les différents groupes de population montre que les garçons profitent à plus de 62 pour cent de ces ressources.
En second lieu on peut observer qu’à l’intérieur des écoles, filles et garçons ont un vécu et des parcours très différents car le milieu scolaire fonctionne selon les mêmes mécanismes sociaux de genre qui encadrent la vie sociale. Les préjugés traditionnels envers les filles et les femmes qui veulent les cantonner à un statut social inférieur facilitent les pratiques comme les mariages précoces des filles et poussent les parents à moins soutenir les filles que les garçons. Ils incitent également les filles à fréquenter l’école de manière épisodique ou à l’abandonner. Le taux de scolarisation des filles dans le cycle 1 du secondaire est inférieur de 20 points à celui des garçons. Dans l’enseignement général, l’indice de parité qui atteint 0,79 au premier cycle chute à 0,48 au second cycle. D’autres facteurs exacerbent les discriminations envers les filles. Les écoles manquent d’approches propres aux filles en matière de transport, de protection contre les violences et les abus sexuels de la part des enseignants et enseignantes et de leurs pairs. Elles manquent aussi de conditions sanitaires adéquates qui permettraient aux filles de gérer leurs menstruations dans la dignité et l’intimité.
Financement conséquent mais mal réparti
La loi 2003-17 rectifiée par la loi 2005-33 qui porte orientation de l’éducation prévoit en son article 11, « le financement de l’école publique est assuré par l’Etat et les collectivités locales. [...] Les entreprises publiques et privées, les partenaires au développement, les ONG et les parents peuvent y concourir ». Actuellement le financement du secteur est assuré par trois sources différentes, à savoir le budget national, l’aide extérieure des partenaires techniques et financiers et les contributions des parents. Le financement alloué par l’Etat au secteur de l’Education est à la hauteur des engagements politiques qu’il a pris en faveur de ce secteur. Durant la période 2010–2015, ces ressources ont régulièrement constitué entre 4,5 et 4,9% du PIB et entre 22 et 29 pour cent du budget national. En termes absolus ces ressources ont augmenté de 33,8 pour cent sur la période, passant de 168,7 à 225,6 milliards entre 2010 et 2015.
Extrait de la l'Analyse de la situation des enfants au Bénin (SITAN 2017 : Pages 69 - 71)