Une vie brisée se reconstitue peu à peu au Mali
L’escalade de la violence dans la région de Mopti a déplacé des dizaines de milliers de personnes. Les enfants en sont maintenant les premières victimes.

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BAMAKO (Mali) – « On a commencé à courir dans l’obscurité. Alors qu’on courait, ma mère a été touchée par des coups de feu », raconte Aminata*, se remémorant la nuit de mars au cours de laquelle son minuscule village d’Ogossagou, situé dans la région de Mopti, dans le centre du Mali, a été attaqué par un groupe armé. Plus de 150 personnes ont été tuées, dont 85 enfants.
« En revenant sur mes pas en courant pour l’aider, j’ai reçu une balle à la jambe », poursuit Aminata. Terrassée par la douleur, elle s’est effondrée aux côtés de sa mère, à la sortie du village. Elle se souvient s’être réveillée à l’hôpital et avoir alors appris que sa mère était morte.
Le feu aux poudres
Le récit d’Aminata n’a malheureusement rien de rare à Mopti, où des flambées de violence intercommunautaire et des raids nocturnes effectués par des groupes armés ont exacerbé les tensions que suscitait déjà l’accès aux terres et aux zones de pâturage et ont entraîné des déplacements de population, conduisant à une situation de crise.
Du fait des attaques répétées, des enfants meurent ou perdent leurs parents et frères et soeurs bien aimés et leur foyer. D’autres sont blessés, enlevés ou recrutés par des groupes armés, détenus, séparés de leur famille et exposés à la violence, y compris aux viols et à d’autres formes de violence sexuelle, et à des traumatismes psychologiques.
D’après le Gouvernement et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en juin 2019, plus de 50 000 personnes déplacées, dont beaucoup d’enfants, avaient été enregistrées dans la région de Mopti, principalement dans les zones proches de la frontière avec le Burkina Faso. De nombreuses familles, dont celle d’Aminata, sont parties pour la capitale régionale, la ville de Mopti, ou la ville voisine de Sévaré.
À mesure que les attaques des groupes armés se multiplient, les enfants en deviennent vite les premières victimes : le nombre d’actes de violence commis contre des enfants, en particulier d’homicides et de blessures, a considérablement augmenté depuis le début de l’année 2019.
« J’étais avec ma mère et ma famille la nuit où l’attaque a eu lieu », raconte Aminata. « On a entendu des coups de feu et ensuite on a vu que le village entier était en feu. »
Aminata a été amenée à Mopti pour qu’un chirurgien lui retire les fragments de balle qui lui restaient dans la jambe. Elle explique que l’opération s’est bien passée mais que la douleur demeure intense. Elle marche maintenant à l’aide d’une béquille en bois de fortune. Elle dit s’habituer progressivement à la douleur chronique et à la vie dans le camp de personnes déplacées qui lui tient pour l’instant lieu de domicile.
On a entendu des coups de feu et ensuite on a vu que le village entier était en feu.

L’UNICEF et ses partenaires ont installé des systèmes d’approvisionnement en eau salubre, des tentes et un espace d’apprentissage temporaire où les enfants peuvent jouer et recommencer à s’instruire. Aminata peine malgré tout à s’acclimater à la vie dans ce camp. Originaire d’une communauté de bergers, elle a l’habitude des grands espaces du Sahel où les animaux peuvent paître en liberté.
« Ce n’est pas facile ici », explique Aminata. « Je ne peux pas courir et jouer comme les autres enfants et je ne peux pas faire tous les travaux ménagers que les filles sont censées faire. »
Les murs qui entourent le camp protègent les familles des bandits et autres groupes armés et redonnent progressivement un sentiment de calme à une population qui se sent vulnérable après d’aussi nombreuses attaques mortelles. Dans le camp, presque tout le monde a subi pertes et déplacements ou s’efforce de survivre envers et contre tout.

Parmi l’insécurité ambiante et l’afflux de personnes déplacées, l’UNICEF s’emploie, en coopération étroite avec l’ONU et d’autres partenaires de l’action humanitaire, les autorités locales et des ONG, à fournir à des enfants comme Aminata un ensemble de services qui les aidera à se rétablir peu à peu.
Mais pour Aminata, le chemin à parcourir sera difficile. Elle a appris qu’elle risquait de ne plus jamais pouvoir marcher sans béquille. Elle bénéficie également d’une aide psychologique et se rend dans un lieu d’apprentissage temporaire pour se préparer à reprendre l’école. Peu à peu, Aminata retrouve son enfance grâce à l’apprentissage. Et si personne ne peut bien sûr remplacer sa mère ou effacer l’incendie de sa maison, le fragile cocon de l’enfance se rétablit peu à peu autour d’elle.
Pour l’instant, Aminata vit avec son frère dans le camp. Ils sont en contact avec leur père, qui est revenu dans le village pour garder ce qu’il reste de leurs affaires et de leur bétail.
« Peu importe où je vais ensuite », déclare-t-elle. « Je veux seulement la paix. »
*Le prénom a été modifié pour protéger son identité.