Se retrouver propulsé dans un nouvel environnement avec une culture différente, ne pas réussir à suivre de nouveaux cours, rater ses examens, les uns après les autres, et trouver refuge dans la drogue.
Voilà la situation dans laquelle se trouvait mon ami lorsqu’il m’a appelé, la voix tremblante, à deux heures du matin, déçu et désespéré ; cet appel était son dernier recours avant de se faire du mal.
J’étais abasourdi et inquiet. Le sang gorgé d’adrénaline, je l’ai écouté en utilisant tous les arguments qui me passaient par la tête pour le rassurer sur le fait que sa famille et nous tenions beaucoup à lui, et j’ai réussi à le mettre hors de danger immédiat. Nous avons eu beaucoup de chance ce jour-là, mais n’y avait-il pas de meilleure solution ?
Comme le montre l’histoire de mon ami, les problèmes de santé mentale chez les jeunes, en particulier chez les étudiants, ne reçoivent pas suffisamment d’attention. Leurs problèmes ne sont pas décelés à temps et les mesures nécessaires ne sont pas appliquées correctement. Si vous regardez autour de vous, ou repensez à vos années d’étudiant(e), je suis sûre que vous trouverez un ami qui aurait eu besoin d’une aide adaptée.
Bien que l’histoire de mon ami soit tragique, l’appel qu’il m’a passé en plein milieu de la nuit a changé sa vie – et la mienne. C’est ce qui m’a donné l’idée de rejoindre l’équipe très talentueuse d’étudiants qui a organisé le mouvement Beyond Our Thoughts (BOT), une campagne nationale visant à lutter contre les problèmes de santé mentale, en particulier la dépression, à l’université.
Par une froide journée d’hiver, le groupe d’amis à l’origine de BOT s’est réuni dans une salle située dans le sous-sol de notre université afin de mener une véritable action contre les problèmes de santé mentale touchant les étudiants et les jeunes comme mon ami. En plus de nous sentir responsables d’aider nos pairs, nous voulions sensibiliser davantage le public à la santé mentale et former le personnel universitaire à prendre les mesures nécessaires. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer BOT. Notre initiative n’a pas seulement été mise en œuvre au sein de notre université, c’est également devenu un mouvement national visant à mettre en avant les problèmes de santé mentale chez les jeunes grâce à un travail de collaboration avec de nombreux acteurs à travers l’Iran.
Étant nous-mêmes étudiants, nous avions à cœur de combiner des données scientifiques avec les connaissances que nous avaient transmises nos pairs qui avaient souffert de problèmes de santé mentale, autrement dit, nos amis qui nous avaient appelés en plein milieu de la nuit ! Nous souhaitions en savoir plus, partager nos connaissances et tendre la main à ceux qui avaient besoin d’aide.
Mais avant tout, la campagne BOT nous a appris que les jeunes avaient réellement le pouvoir de faire bouger les choses.
De nombreux obstacles peuvent empêcher les initiatives d’atteindre leurs objectifs et BOT n’a pas été épargnée. Les étudiants se heurtent à la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale et sont soumis à une pression colossale durant leurs études. Ne disposant pas d’un accès suffisant à des centres de santé mentale professionnels, ils se retrouvent entraînés dans une « spirale négative », une cascade d’événements susceptibles de nuire gravement à leur santé mentale.
Tandis que les étudiants partageaient certaines de leurs inquiétudes avec BOT, nous nous sommes rendu compte de l’existence de graves problèmes que nous, les jeunes, ne pouvions résoudre seuls. Des problèmes auxquels doivent s’attaquer les décideurs et les personnes au pouvoir, notamment en :
- Dotant les étudiants, les enseignants, les professeurs et les dirigeants universitaires de meilleures capacités pour aider les étudiants souffrant de problèmes de santé mentale ;
- Intégrant des cours sur les premiers secours psychologiques dans le programme d’études universitaire ;
- Veillant à implanter davantage de centres de santé mentale professionnels au sein des universités et des campus.
BOT a aidé des étudiants comme mon ami à prendre conscience des menaces qui pèsent sur leur santé mentale et a mis en avant des stratégies pour prévenir les risques. Grâce à la campagne BOT, mon ami a développé une meilleure connaissance de son problème de santé mentale. Il est aussi capable d’aider les autres, de manière à les protéger des dangers dont il a lui-même fait l’expérience. Comme toute l’équipe de BOT, il est conscient des efforts de plaidoyer qui doivent être déployés pour réellement faire bouger les choses.
La santé mentale de mon ami s’est considérablement améliorée, et il cherche désormais une aide professionnelle. Mais qu’en est-il de vos amis et de vos êtres chers ? Auront-ils autant de chance que celle que nous avons eue ?
Ali Amirkafi est étudiant en médecine. Il est né dans une ville désertique de la République islamique d’Iran. Il se soucie de la santé mentale des personnes qui l’entourent et essaie de les aider à se sentir mieux.