Il n'est jamais trop tard pour apprendre

Des cours de rattrapage aident les enfants rapatriés au Burundi à réussir à l'école

Ruben Julian Hamburger
Girl writes in her notebook during remedial class
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24 mars 2022

Nyanza-Lac, Burundi – Avec ses cheveux courts, son uniforme sobre et ses chaussons colorés, Solange ressemble à une Burundaise de 17 ans comme les autres. Mais son histoire n’est pas typique : Solange a passé la majeure partie de son enfance en exil.

Solange est née à Mtabila, un camp de réfugiés au nord-ouest de la Tanzanie. C'est là que sa mère et son père, tous deux burundais, se réfugiaient depuis 1993, loin de leur pays déchiré par la guerre.

Lorsque Solange a eu trois ans et que la guerre civile au Burundi a pris fin, la famille est retournée au Burundi, dans un village tranquille situé à cinq kilomètres au nord de la Tanzanie. Mais leur répit fut de courte durée.

En 2015, l'instabilité et la violence ont refait surface. Les parents de Solange craignaient qu'une nouvelle guerre n’éclate. Désireux d’offrir une vie en sécurité à leurs enfants, ils décidèrent de repartir en Tanzanie. Au moins 420.000 Burundais ont fui le pays entre 2015 et 2017.

« C'est arrivé la nuit », raconte Solange, assise dans une salle de classe déserte de l'école fondamentale Nyanza-Lac III. Sa voix, bien que douce, couvre les cris et les rires provenant de la cour de récréation. « On est partis en silence. On marchait dans le noir, de peur que les lampes de poche ne révèlent notre position aux gardes-frontières. »

Solange souriante lors d'un cours de rattrapage à l'école fondamentale Nyanza-Lac III
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Solange souriante lors d'un cours de rattrapage à l'école fondamentale Nyanza-Lac III

Une fois en Tanzanie, la famille a poursuivi sa route à pieds, a embarqué sur un bateau surpeuplé, pour échouer dans un centre de transit. Après de nombreux jours d'incertitude, Solange et sa famille sont finalement arrivées à Nyarugusu, l'un des plus grands et des plus anciens camps de réfugiés au monde.

Avec ses 1.200 hectares de terre rouge et ses 150.000 résidents en exil, le camp lui paraissait comme un monde immense et inconnu.

« La vie y était difficile », se souvient Solange. « Et elle est devenue encore plus difficile avec le temps. » Au fil des ans, raconte-t-elle, les quantités de nourriture distribuée diminuaient tandis que l'hostilité envers les Burundais s’enflammait.

L'école est rapidement devenue un lieu qui lui était essentiel, un refuge où elle se sentait en sécurité. Mais même là, les défis étaient nombreux. « Nous étions trop nombreux : plus de cent élèves par classe », dit-elle.

« Aucun d'entre nous n'avait de manuels scolaires, sauf notre professeur. Il était donc très difficile pour lui de faire son travail correctement. Il se concentrait sur quelques élèves seulement. »

Solange and her younger brother play in a courtyard
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Solange et son petit frère jouent à Ikibariko, une variation burundaise de la marelle.

Depuis lors, Solange et sa famille sont retournées au Burundi. En décembre 2020, ils se sont installés à Nyanza-Lac, à une vingtaine de kilomètres au nord de la Tanzanie.

Mais les cinq années passées dans le camp de Nyarugusu ont laissé leurs marques. Depuis son retour, Solange mène une bataille difficile pour accéder à l’éducation.

Comme beaucoup d'enfants migrants, elle n'avait pas les documents d'identité nécessaires à son inscription à l'école. Ses parents avaient perdu son certificat de naissance en cours de route, et avec lui, la seule preuve de la nationalité de Solange.

En 2021, seuls 49 % des enfants rapatriés au Burundi étaient inscrits à l'école. En général, le coût est un obstacle majeur pour de nombreuses familles, trop pauvres pour assumer les frais d'enregistrement des naissances – entre 3.000 et 5.000 BIF, soit 2 à 3 dollars.

Depuis mai 2021, grâce à une campagne d'enregistrement des naissances soutenue par l'UNICEF et financée par l'Union européenne, Solange, ses deux frères et sœurs et plus de 6.200 enfants de Makamba ont reçu un certificat de naissance. La campagne devrait toucher 14.000 enfants supplémentaires en 2022.

Sans cette aide, les parents de Solange, très pauvres, n'auraient pas pu acheter les certificats de naissance de leurs enfants et compléter leurs dossiers d'inscription à l'école.

« J'espère avoir ma propre maison un jour, si Dieu le veut », dit Annonciate, la mère de Solange, en regardant ses enfants jouer devant la petite maison de trois pièces que la famille loue pour 50.000 BIF (environ 25 dollars) par mois, soit une part conséquente de leur revenu.

Ces deux derniers mois, la famille n'a pas pu payer le loyer, confie-t-elle en retenant ses larmes.

Annonciate standing on her home's doorstep
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Annonciate sur le pas de la porte de sa petite maison à Nyanza-Lac.

Solange a maintenant 17 ans et est inscrite en septième année. De nombreux élèves de sa classe sont plus jeunes, car elle a dû redoubler une année.

Comme nombre d’enfants rapatriés, Solange a du mal à s'adapter au système éducatif burundais, en particulier à ses langues d'enseignement.

« C'est difficile pour moi de suivre les cours en kirundi et en français. En Tanzanie, j'avais l'habitude de recevoir des cours en kiswahili et en anglais. »

Pour aider les enfants migrants à réintégrer l'école et à réussir, l'UNICEF Burundi avec le soutien de l'Union européenne a mis en place des cours de rattrapage dans 139 écoles de Makamba. Au total, 7.400 enfants rapatriés ont suivi des cours de rattrapage en français et en kirundi depuis le début de l'année 2022.

« Un jour, après mes études, j'aimerais devenir médecin », dit Solange avec un sourire. Un médecin qu'elle a rencontré à Nyarugusu l'a inspirée.

« Pour réussir, je dois comprendre ce qu'on m'enseigne à l'école. C'est pourquoi je suis si reconnaissante pour les cours de rattrapage. Ils m'aident à progresser pour que je puisse, un jour, réaliser mes rêves. »