Ne m'appelez pas madame
Abandon du mariage des enfants

L’UNICEF en partenariat avec le ministère de Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille, le ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation et le ministère de la Santé lance sous le haut patronage de la Première Dame du Burkina Faso une campagne dénommée « Ne m’appelez pas madame » pour l’accélération de l’abandon du mariage des enfants le 6 mars 2019 à Ouagadougou.
L’objectif de cette campagne est de plaider, de sensibiliser et d’amener les jeunes et les décideurs à s’engager davantage pour mettre fin au mariage des enfants au Burkina Faso
Il faut noter que cette campagne a été précédée par une conférence de presse et une caravane mobile d’animation qui a sillonné les artères de la ville de Ouagadougou.
Le 6 mars 2019, des milliers d’adolescents en majorité des filles ont pris part à la cérémonie de lancement de la campagne. Elle a été animée par une dizaine d’artistes en présence de la Première Dame du Burkina Faso et des ministres en charge de l’Education, de la Santé et de la Femme. Cette campagne connaîtra la présence de 14 influenceuses internationales venant de plusieurs continents pour relayer des messages auprès de leurs publics à travers le monde entier. Il faut noter que la présence à cette campagne de ces jeunes femmes d’origine africaine qui ont une notoriété publique et sur les réseaux sociaux avait pour but de leur permettre de mieux comprendre la problématique du mariage des enfants et de devenir les porte-voix de la cause en dehors du Burkina Faso.
Au Burkina Faso, l’entrée en union des jeunes burkinabè est très précoce. L’âge médian d’entrée en union est de 17,8 ans. Les femmes âgées de 20-24 ans, 8,9 pour cent ont été mariées avant l’âge de 15 ans, et plus de la moitié (51,3 pour cent) avant l’âge de 18 ans. Les deux régions les plus touchées par le mariage des enfants sont celles du Sahel (87,1 pour cent) et de l’Est(67,3 pour cent).
Malgré les efforts conjugués du gouvernement et de ses partenaires, le phénomène persiste.
Le plaidoyer de haut niveau mené sous l’égide de la Première Dame en septembre 2017 a permis d’engager l’ensemble du gouvernement burkinabé pour la prise d’actions d’envergure pour la promotion des droits de la jeune fille et l’élimination du mariage d’enfants.
« Il faut mobiliser la population burkinabè et la communauté internationale et unir nos forces afin que cette pratique soit abandonnée », déclare Mme Rinko Kinoshita, Représentante adjointe de l’UNICEF. Pour elle la lutte requiert l’implication des autorités publiques, religieuses et communautaires ainsi que les filles elles-mêmes.
Madame Sika Kaboré, épouse du Chef de l’Etat du Burkina Faso et marraine de la cérémonie interpelle en ces termes : « Il y a beaucoup de jeunes filles qui sont encore mariées avant l’âge de 15 ans et c’est inadmissible […]. Nous avons besoins de femmes formées pour être les actrices de développement de demain ».
La cérémonie de lancement de la campagne a été marquée par la désignation de Madame Irène Tassembedo, artiste chorégraphe en tant que championne de la lutte pour l’abandon du mariage des enfants au Burkina Faso. « C’est notre responsabilité, parents et gouvernement qui est engagée. Il faut arrêter ce fléau. Ce n’est pas normal que des enfants de 12 ans soient données en mariage. » dira-t-elle.
A la suite de ce lancement, la Légende du hip-hop burkinabè, Smarty s’engage avec l’UNICEF, comme porte-voix de la campagne contre le mariage des enfants Ne m’appelez pas Madame. Il signe une chanson puissante inspirée de la vie d’une jeune fille de 16 ans, mariée de force, qui l’a contacté via les réseaux sociaux.
Le vidéo clip Ombre de la nuit, montre une réalité crue et raconte l’histoire d’une jeune fille mariée avant de le vouloir. On y voit une jeune fille dans des habits trop grands pour elle, parée de bijoux, en robe de mariée, entourée d’une foule agitée et heureuse de l’union à venir. Le rappeur de 40 ans avait un objectif : sensibiliser, mais ne pas choquer.
« Autour de nous, on a tous des proches qui ont vécu ça, des mères d’amis qui n’ont pas choisi leur époux. Plusieurs générations sont nées de ce genre de mariage, au sein desquels les femmes ont appris à trouver une forme d’équilibre. C’est donc sensible et il faut l’aborder avec beaucoup de respect et de tact », souligne Smarty.
Au Burkina Faso, une fille sur deux (52 pour cent) est mariée avant l'âge de 18 ans et une sur 10 (10 pour cent) avant l'âge de 15 ans. Le Burkina Faso affiche le cinquième taux de prévalence du mariage d'enfants le plus élevé au monde. Pourtant le mariage est interdit avant 17 ans. L’UNICEF est engagé, notamment avec l’appui de la Première Dame, dans un plaidoyer pour que l’âge légal soit remonté à 18 ans.
« L’engagement contre le mariage des enfants doit être total car cette pratique détruit non seulement les filles et les garçons qui la subissent mais elle déchire le tissu social, le bien-être et la prospérité de la société toute entière », a déclaré la Représentante de l’UNICEF au Burkina Faso, Dr Anne Vincent à l’occasion du lancement de la chanson et de son vidéo clip.
« Nous avons besoin de toutes les forces pour lutter contre ce fléau. L’art, en particulier la musique est une arme puissante qui peut toucher les esprits et les cœurs », a-t-elle ajouté.
Quand les filles sont mariées durant leur enfance, leurs perspectives de mener une vie épanouissante diminuent considérablement, enclenchant un cycle de pauvreté qui se perpétue de génération en génération. Les filles épouses sont plus susceptibles d'être déscolarisées et victimes de violences domestiques, d’être contaminées par le VIH/SIDA et de mourir de complications durant la grossesse et l'accouchement. Les enfants de mères adolescentes ont un plus grand risque d’être mort-nés, de décéder juste après la naissance ou d’avoir un poids insuffisant à la naissance.
« Quand on s’attaque à ce phénomène, pour toucher les anciens, il faut parler leur langage, un peu enrobé, utiliser des proverbes. J’ai fait cette chanson pour qu’ils puissent se dire ‘cette petite fille, elle pourrait être ma fille’ », explique l’artiste.
UNICEF Burkina Faso travaille avec le Gouvernement et la société civile pour éradiquer ce fléau. Le lancement de la chanson coïncide avec le coup d’envoi d’une caravane nationale itinérante pour sensibiliser la population au problème du mariage des enfants. Elle s’arrêtera dans cinq villes du pays où Smarty et des artistes locaux donneront de la voix pour soutenir cette cause.
Dans le monde, toutes les deux secondes, une jeune fille est mariée, avant même d’avoir atteint la maturité physique ou émotionnelle requise pour devenir épouse ou mère. Si nous n’agissons pas, le nombre de filles-épouses doublera d’ici 2050 et l’Afrique deviendra la région avec le plus grand nombre de filles-épouses au monde.