Apprendre en toute sécurité

Promouvoir un environnement protecteur afin que les adolescentes et adolescents apprennent en toute sécurité au Mali

Fatou Diagne
UN0474802
UNICEF/UN0474802/Keïta
18 juin 2021

Originaire du village de Konondimini où elle habite avec ses parents, ses frères et ses grands-parents, Zahra*, 15 ans, est membre active du groupe Points d’Ecoute Enfants et Jeunes (PEEJ) de son village. Chaque semaine, l’ainée de sa famille participe aux sessions de sensibilisation sur les violences basées sur le genre, les pratiques néfastes comme l’excision et le mariage d’enfants, l’importance de la scolarisation des filles et des garçons mais aussi aux échanges intergénérationnels.

 

Zara 15 years, is helping her friend to wash her hands
UNICEF/UN0474807/Keïta

« Un jour ma maman m’a appelé et m’a demandé de me préparer à être une « vraie » femme au foyer car un jeune monsieur est venu me demander en mariage et mes grandsparents ont donné leur accord. Je ne comprenais pas et je pensais qu’elle me faisait une blague. Je me suis précipitée dans la chambre de mes parents et j’ai demandé à mon Papa si cela était vrai. Tête baissée, il ne m’a pas répondu. »

Grace aux sessions d’échanges auxquelles elle participe, Zahra est allée voir le point focal protection qui a l’habitude d’animer les sessions auxquelles elle participe. « Zahra est venu me voir toute déboussolée, et m’a supplié de faire quelque chose pour elle. J’ai alors immédiatement saisi notre réseau communautaire et nous sommes allés voir sa famille. »

© UNICEF/UN0474810/Keïta
UNICEF/UN0474810/Keïta

Pour dissuader les parents, nous leurs expliquons les conséquences du mariage et grossesse précoce sur la santé physique et mentale de la fille 

Composé de leaders religieux et civils, de femmes, d’hommes et de membres de comité de gestion scolaire, le réseau communautaire privilégie la sensibilisation. « Quand nous sommes faces à des cas comme celui de Zahra, nous essayons de sensibiliser les deux parties : la famille de la fille qui va être donnée en mariage mais aussi la famille du prétendant, » explique Aboubacar Diallo, point focal protection de l’enfance de l’ONG Educo. « Pour dissuader les parents, nous leurs expliquons les conséquences du mariage et grossesse précoce sur la santé physique et mentale de la fille, en leur donnant des exemples de cas concrets, » poursuit-il.

Grace à cette médiation communautaire, mettant en avant l’impact du mariage et grossesse d’une fille sur sa santé, mais aussi la valeur ajoutée de l’éducation pour son autonomie, le bien-être de ses enfants mais aussi de ses parents, Zahra a heureusement échappé au mariage d’enfant et continue sa scolarité. Elève en classe de huitième année, elle prépare son diplôme d’étude fondamentale l’année prochaine, auquel elle s’accroche davantage pour prouver à sa famille qu’elle veut aller loin dans ses études.

Mamadou Koné is the focal point of Local
UNICEF/UN0474803/Keïta

Initié en 2020, le Projet d’appui pour le maintien scolaire des adolescentes et adolescents et le renforcement d’un environnement protecteur à l’école et hors de l’école permettra à 7000 enfants et adolescents/adolescentes d’être renforcés sur l’autoprotection face aux violences tout en permettant à 500 d’entre eux d’être insérés dans ces centres d’apprentissage de la « deuxième chance ».

Dans le cadre de ce projet, soutenu par Affaires Mondiales Canada et à travers les huit Points d’Ecoute Enfants et Jeunes (PEEJ) existants dans les communes d’intervention, l’UNICEF, l’ONG partenaire Educo et les services locaux du Gouvernement ont identifié des adolescents et adolescentes afin de constituer un noyau engagé à mener la sensibilisation et le plaidoyer pour tous les enfants de leur commune. Le noyau a été réparti en groupes de 15 membres chacun, dont des filles et des garçons, un assistant à la protection de l’ONG Educo et un point focal protection désigné par la Direction Locale de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille.

Pascal Togo, child protection officer at UNICEF in Mopti region
UNICEF/UN0474795/Keïta

Pour Amadou*, son papa, enseignant au premier cycle de l’école fondamentale, la mise en place de ces points d’écoutes vient palier un problème de dialogue intergénérationnel. « Dans notre société, la décision du patriarche, dans mon cas c’est mon papa donc le grand -père de Zahra, est souvent incontestable, surtout quand il s’agit de nos parents. L’idée que ma fille devait être mariée me hantait et m’empêchait de dormir. Je n’ai jamais osé le lui annoncer moi -même, raison pour laquelle j’ai demandé à sa maman de le faire. Quand les gens du réseau communautaire du village sont venus à la maison, durant les sessions d’échange avec mon papa je me suis senti à l’aise et cela m’a permis d’exprimer mon opposition au mariage de ma fille Zahra sans pour autant que ce ne soit perçu comme un manque de respect ou une désobéissance envers mon père. »

Le prétendant quant à lui a également décidé de surseoir au mariage, à la suite de la visite du réseau communautaire à son domicile. « Combattre les pratiques néfastes comme le mariage d’enfants mais aussi d’autres formes de violences physiques/sexuelles ou basées sur le genre, passe par une sensibilisation communautaire et une compréhension des communautés de leurs impacts sur la santé de la fille et de la femme, » explique Pascal Togo, chargé de protection de l’enfant à l’UNICEF à Mopti.

An adolescent holding a COVID19 flyer
UNICEF/UN0474804/Keïta

Depuis la mise en place des interventions pour renforcer l’environnement protecteur des adolescentes et adolescents, 149 filles et 110 garçons qui ont subis des violences physiques et sexuelles ont été atteints par les services sociaux, de santé ou judiciaires soutenus par l'UNICEF. 3,631 enfants dont 2,230 filles à l’école et hors de l’école ont été sensibilisés sur comment prévenir et répondre à la violence telle que les bagarres, les brimades, les agressions physiques, les rapports sexuels forcés ou les attouchements sexuels non désirés.

En plus de l’appui en protection, 1900 kits scolaires ont été distribués aux élèves de 20 écoles cibles, dont celle de Zahra, afin de renforcer leur maintien à l’école. A travers 20 centres d’apprentissage de la deuxième chance, 435 enfants déscolarisés ou non scolarisés ont été identifiés et formés pendant neuf mois avant de les réintégrer dans les écoles publiques en classe de troisième ou quatrième année. Zahra, quant à elle, veut aller le plus loin possible et devenir, un jour gynécologue.

* Les noms de l’adolescente et de son papa ont été changé s pour protéger son identité.