L’UNICEF Tunisie : Vers une assistance renforcée des enfants en contact avec la loi
Programme de Protection de l’Enfance
La lumière du soleil est éclatante dans l'air froid de décembre alors qu'elle tombe sur le quartier de Hay Zouhour à Kasserine, une ville située dans les montagnes de l'ouest de la Tunisie. Les rues qui sillonnent entre les maisons en béton et en brique ne sont pas pavées ; des groupes d'enfants à pied et d'hommes à moto les gravissent ou les descendent. Dans l’une de ces rues se trouve la maison de Hammoud[1]*, 17 ans.

Hammoud est assis à la porte de la maison familiale qui donne sur une petite cour construite autour d'un olivier. Il parle de ses déboires ces dernières années avec la police, la justice et des alternatives dont il a bénéficié.
« Un jour l’année dernière, je sortais de l'école vers midi. Un gamin de mon quartier m'a demandé de venir avec lui pour apporter quelque chose à son père. Pendant que je l'attendais, il a pris quelque chose [d'une entreprise] et s'est enfui. Deux policiers m'ont vu avec lui et m'ont arrêté. » Hammoud a été accusé d'avoir volé du matériel à une entreprise de production de fer.

Il a poursuivi : « La police m'a attrapé et m'a emmené au poste de police. Ils m'ont traité violemment. Ils m'ont insulté et ont utilisé un langage grossier. J'ai passé deux jours dans la cellule de détention. Il y avait beaucoup d'autres personnes de Hay Zouhour dans la cellule. Ça sentait mauvais. Il n'y avait pas de toilettes. La nourriture était horrible. »
Heureusement, alors que Hammoud risquait une peine de prison, Hamza Rabhi, un avocat de la branche locale de l'International Legal Foundation (ILF) à Kasserine, a pu guider l'adolescent vers une meilleure issue.
« Le caractère de Hammoud n'est pas celui d'un criminel. C’est plutôt dû à l'environnement dans lequel il a grandi. Il est, en fait, une victime », a déclaré Rabhi.

La mère de Hammoud, Rafika, s'est assise dans la cour près de l'olivier et a raconté comment son fils s’est sorti des ennuis et a pu prendre le chemin d'une vie meilleure.
Elle a expliqué : « M. Rabhi, l'avocat, m'a beaucoup aidée. S’il n’avait pas été là, mon fils serait peut-être encore en prison. »
Rafika est obligée de jongler entre plusieurs emplois pour joindre les deux bouts et subvenir aux besoins de ses quatre fils. Son mari souffre d'une maladie chronique qui l'empêche d’apporter son aide. Par conséquent, le soutien constant d'un avocat a été essentiel pour qu'elle puisse éloigner Hammoud d'un système de justice punitif et le conduire vers des alternatives plus positives.

A près de 130 kilomètres à l'est, dans l'ancienne ville de Kairouan, les efforts pour donner une seconde chance aux enfants en conflit avec la loi s'annoncent prometteurs.
Pour Sabri Bhiba, chef de la délégation de protection de l'enfance à Kairouan, l'intervention de l'UNICEF fait partie intégrante de la protection des enfants contre la détention carcérale.
Depuis son bureau du centre-ville, il a déclaré : « [Lorsque nous collaborons avec l'ILF et l'UNICEF] tout de suite, nous commençons à examiner les raisons profondes pour lesquelles un enfant peut commettre les mêmes infractions à plusieurs reprises. »
Bhiba poursuit : « Si nous pouvons comprendre les raisons sociales, nous sommes en mesure de réduire le taux d'enfants commettant des infractions à la loi. Et puis nous pourrons commencer à parler d'alternatives à l'incarcération pour l'enfant. »

Dans le village de Bouhajla, dans une zone rurale à l'extérieur de la ville de Kairouan, Hédi[1]*, 15 ans, est assis avec sa mère dans la maison familiale.
Hédi a acheté un téléphone portable d'occasion à son frère. Il ne le savait pas à ce moment-là, mais le téléphone avait été volé. Il a ensuite vendu le téléphone. Lorsque le propriétaire du téléphone a signalé le vol à la police, Hédi et son frère ont été arrêtés et placés dans un centre de détention pour mineurs pendant 10 jours.
Heureusement, Hédi a pu compter sur le soutien de l'UNICEF et de l'ILF. Lorsqu'on lui a demandé comment leurs avocats l'avaient aidé, son attitude est devenue plus affable.

« Mme Saïda Mejri, l'avocate [de l’ILF], nous a fait sortir de détention. Elle nous a accompagnés tout au long de cette épreuve. Si l’ILF ne nous avait pas aidés, nous aurions été condamnés à la prison. »
« Et, j'ai fait amende honorable. Je fais plus attention à ce que j'achète et où je l'achète - je n'achète pas de téléphone sans garanties, par exemple. Je suis une personne responsable maintenant et je travaille. »
L'avocate, Saïda Mejri, assise près d'un mur de la maison de Hafidha où des poivrons rouges sèchent au soleil, a déclaré à propos du travail coopératif de l'ILF-UNICEF avec Hédi et son frère : « Si nous le pouvons, nous appliquons l'article 99 du code de protection de l'enfance et trouvons une alternative à l'incarcération, comme la formation professionnelle, les programmes scolaires, ou toute autre chose positive ; notre institution le fait, dans le cadre d'une pleine représentation de l'enfant. »
À cette fin, elle a expliqué comment, lorsqu'elle a entendu parler de l'affaire de Hédi et de
son frère, elle est immédiatement venue à Bouhajla pour trouver les plaignants qui accusaient les garçons de vol, et les a convaincus d'accepter un règlement par médiation. Cela a entraîné l'annulation de la condamnation par le tribunal.

L'ILF, en collaboration avec l'UNICEF, coopère avec le centre local d'intégration sociale pour enfants en difficulté, la délégation pour la protection de l'enfance, les commissariats de police, le procureur de la république et d'autres institutions afin d’offrir une représentation et une protection complètes aux enfants en conflit avec la loi.
Rabhi, l'avocat, a expliqué : « Lorsque vous sortez l'enfant de détention, cela fait une énorme différence. Il doit sortir le plus tôt possible pour ne pas s'habituer à côtoyer d'autres criminels et gâcher sa vie plus tard. »Il a conclu : « Ce travail est inestimable. Vous pouvez sauver un enfant du monde criminel. »
Vers l'autonomisation des adolescents et la prévention de leur association avec des groupes violents (Kasserine et Kairouan) est un programme de 17 mois mis en œuvre par l'UNICEF et ses partenaires. L'objectif du programme était de mettre en place des mécanismes de protection positive des enfants en conflit avec la loi et des alternatives à la détention, notamment dans les gouvernorats tunisiens de Kasserine et de Kairouan. Au total, 88 bénéficiaires ont reçu une représentation légale, dont 75 garçons et 13 filles dans 173 cas. 101 affaires ont été conclues au cours de la période de référence du programme, dont 19 non-lieux, 37 médiations avec les plaignants et 19 alternatives à l'incarcération, dont 14 comprenaient la remise aux parents. Des peines privatives de liberté ont été prononcées dans 21 cas.
Le programme comprenait également d'autres éléments tels que la construction, la réhabilitation et l'équipement d'unités spécialisées dans les enquêtes sur les crimes de violence à l'égard des femmes et des enfants dans quatre postes de la police et de la garde nationale à Kasserine et Kairouan, la formation des agents de la police, de la garde nationale et de la justice sur les droits de l'enfant et les meilleures pratiques en matière de justice juvénile, et des campagnes de sensibilisation aux droits de l'enfant dans les écoles, entre autres activités. Ces activités ont été rendues possibles grâce au soutien financier reçu du gouvernement du Japon et du gouvernement des Pays-Bas.
L'Ambassade du Japon en Tunisie, l'un des bailleurs de fonds de l'initiative, a déclaré : « En partenariat avec l'UNICEF, nous avons soutenu la réhabilitation de deux unités de police de protection de l'enfance à Kairouan en fournissant du matériel informatique, de sécurité, des équipements et du mobilier. Ce soutien tangible est très important pour garantir un espace sûr et confortable tant physiquement que psychologiquement pour les enfants ainsi que pour les travailleurs qui s'y trouvent. »
Sabrina Brandt, coordinatrice régionale de la sécurité à l'ambassade des Pays-Bas en Tunisie a expliqué : « Le gouvernement des Pays-Bas contribue à renforcer le rôle et la voix des jeunes en Tunisie. Bien sûr, cela commence par la protection de l'enfance. [Et donc] il était très important pour nous de contribuer à la région de Kasserine. Les jeunes de Kasserine sont plus exposés au risque de radicalisation ou d'attrait pour la violence en raison de la marginalisation et des problèmes socio-économiques qu’ils subissent. Les niveaux de violence à l'égard des femmes sont également particulièrement élevés dans cette région. Lorsque nous avons visité les unités de police réhabilitées, nous avons pu échanger avec des policières formées pour faire face à la violence à l'égard des femmes, et des policiers formés pour protéger les droits des enfants. Nous espérons que cela contribuera à un environnement plus sûr pour les jeunes de Kasserine et à une confiance accrue dans les services de sécurité. »
[1]Nom changé pour sa sécurité