Gagner du temps pour se préparer aux conséquences du changement climatique
L’accès à l’eau a changé la vie quotidienne de cinq communautés de Tahoua. De façon plus générale, les villageois se sentent à présent mieux capables de s’adapter aux conséquences du changement climatique.

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Un projet conjoint UNICEF-PAM visant à accroître la résilience des communautés de Tahoua a permis d’approvisionner en eau cinq communautés comptant 7 600 habitants, mais aussi de mettre fin à la pratique de défécation à l’air libre.
L’incidence du projet est considérable pour les femmes et les enfants, qui ne consacrent plus autant de temps à la laborieuse collecte de l’eau, pour les filles et les garçons, qui ne ratent plus la moitié des cours, ainsi que pour l’état nutritionnel des enfants, qui s’améliore (pour en savoir plus, consultez cet article).
« C’est simple, il pleut de moins en moins chaque année », explique Adamu Abubakar, un cultivateur de 44 ans. Ses paroles trouvent écho dans le groupe d’une quarantaine de femmes et d’hommes que nous avons rencontrés dans un bâtiment communal étouffant de chaleur, près de la petite mosquée de Tacha Adoua.

« Quand j’étais petit, les arbres poussaient partout, tout était vert ! Maintenant, il n’y a plus que du marron et du sable. »
Les villageois n’ont pas toujours manqué d’eau. M. Abubakar se souvient qu’il y a 30 ans, les paysages étaient très différents, et que l’eau n’était pas une source permanente de contrariété.
« Quand j’étais petit, les arbres poussaient partout, tout était vert ! » déclare-t-il. « Maintenant, il n’y a plus que du marron et du sable ». En observant le paysage aride sous un soleil de plomb, on peine à visualiser le passé qu’il nous décrit.
La famille de M. Abubakar travaille dans l’agriculture depuis de nombreuses générations et exploite les terres transmises de père en fils. Néanmoins, la terre qui autrefois suffisait à nourrir toute la famille ne produit aujourd’hui plus que le strict minimum nécessaire pour survivre.
Si les précipitations sont de plus en plus rares, leur intensité a augmenté, ce qui provoque souvent des catastrophes naturelles comme des inondations et la destruction des maisons et des champs. Quatre Nigériens sur cinq vivent de l’agriculture, principalement de la culture pluviale et de l’élevage.
« Les problèmes que nous rencontrons à cause de la pluie sont les conséquences des changements climatiques. Nous devons nous adapter. Nous n’avons pas d’autre choix », affirme M. Abubakar. Pendant la période de soudure, entre les deux récoltes, il a commencé à cultiver un potager pour diversifier l’alimentation de sa famille et vendre certains produits sur le marché de la ville la plus proche, Tabalak. Il fait pousser des oignons et des tomates en arrosant les pieds avec l’eau provenant du nouveau puits.

« Dorénavant, il y a suffisamment d’eau pour nous tous. Cela simplifie la vie des éleveurs et des cultivateurs, car il n’y a plus de conflit. »
Les cultivateurs ne sont pas les seuls à profiter de l’eau. Shafiou Al Hassan, 54 ans, que nous rejoignons près d’une fontaine située entre la mosquée et l’école primaire de Tacha Adoua, est un éleveur. « Quatre abreuvoirs sont approvisionnés par le grand puits. Désormais, nous pouvons emmener nos animaux aux abreuvoirs comme autrefois, lorsque l’eau était facilement accessible », dit-il.
Ces dernières années, les difficultés à trouver de l’eau ont à plusieurs reprises engendré des conflits entre les communautés, notamment entre éleveurs et cultivateurs à propos de ce qui était souvent perçu comme une concurrence pour l’eau, une ressource rare dans cette région frappée par les changements climatiques.
« Dorénavant, il y a suffisamment d’eau pour nous tous », déclare M. Al Hassan. « Cela simplifie la vie des éleveurs et des cultivateurs, car il n’y a plus de conflit. »
« Avant d’avoir de l’eau dans les villages, nous passions au moins une demi-journée à collecter l’eau. (...) Maintenant, nous pouvons utiliser le temps que nous épargnons pour nous préparer à l’avenir et pour trouver de nouveaux moyens de subsistance. »

M. Abulrahman, 50 ans, habillé d’un boubou vert et portant un turban jaune autour de la tête pour se protéger du soleil, vit lui aussi de l’élevage. Il regarde Abdulrahman, un garçon de 10 ans venant d’un autre hameau, remplir des bidons d’eau à l’aide du tuyau d’une des quatre fontaines du village.
« Auparavant, de nombreuses familles d’éleveurs devaient quitter le village pendant la saison sèche et voyager afin de trouver de l’eau pour leurs animaux. Aujourd’hui, nous avons plus de stabilité », explique-t-il.
« Avant d’avoir de l’eau dans les villages, nous passions au moins une demi-journée à collecter l’eau. Cette tâche prenait le plus clair de notre temps. Maintenant, nous pouvons utiliser le temps que nous épargnons pour nous préparer à l’avenir et pour trouver de nouveaux moyens de subsistance », explique M. Hakimi, le chef du village, que l’on appelle seulement par son nom.

La famille de Yassin Mahamadou, une femme membre du comité de gestion de l’eau, vit de la production et de la vente de produits laitiers dans le village. « Aujourd’hui, les animaux ont constamment accès à l’eau, ils produisent plus de lait, ce qui nous permet de produire plus de fromage », explique-t-elle.
La production de fromage salé servi en fines tranches est typiquement le travail des femmes. « C’est une première étape. Nous devons désormais apprendre à gérer de petits commerces et à vendre le fromage sur les marchés locaux. »
« Maintenant nous avons le temps de nous préparer à l’avenir. Nos enfants peuvent désormais aller à l’école toute la journée, ils étudient mieux et sont en meilleure santé. Ils seront mieux préparés pour les changements à venir et pour leur avenir. »

« Il y a eu un temps où nous marchions avec nos bidons et frappions à toutes les portes [de la ville de Tabalak] pour mendier de l’eau », raconte Ami Wandura. « Cette époque est maintenant révolue. Nous ne sommes plus qu’un simple village : nous sommes un village ayant accès à l’eau. Tout le monde le sait à présent », affirme-t-elle fièrement.
Comme les autres membres de la communauté, elle regarde l’avenir avec optimisme : « maintenant [que nous avons accès à l’eau] nous avons le temps de nous préparer à l’avenir. Nos enfants peuvent désormais aller à l’école toute la journée, ils étudient mieux et sont en meilleure santé. Ils seront mieux préparés pour les changements à venir et pour leur avenir ».

Une pompe à eau et des panneaux solaires
Au cœur du système d’approvisionnement en eau desservant cinq villages de la région de Tahoua se trouve un puits de 540 mètres de profondeur puisant dans la nappe phréatique. Un ensemble de panneaux solaires alimente en énergie la puissante pompe qui remplit le réservoir d’une capacité de 100 000 litres sur un château d’eau de 10 mètres de haut.
De là, un système de canalisations achemine l’eau jusqu’aux seize fontaines, aux quatre abreuvoirs pour animaux, aux cinq écoles et au centre de santé. Un comité de gestion de l’eau mis en place par des représentants communautaires prend les décisions sur l’usage de l’eau, collecte des redevances et veille à la maintenance et à l’entretien.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du financement du Ministère fédéral allemand de la coopération économique qui vise à améliorer la résilience dans le Sahel.