Une minute d’or encore plus dorée

Au Mali, 1 nouveau-né sur 30 ne survit pas son premier mois de vie. Mais une innovation est en train de rapidement changer la tendance

Par Fatou Diagne
Le bébé de Sitan Coulibaly qui vient de naître au centre de santé communautaire CSCom du village de M’pessoba, région de Sikasso, sud du Mali, août 2019.
UNICEF Mali/2019/Keita
04 novembre 2019

« Juste après la naissance, il avait des difficultés de respiration. J’ai couru vers le médecin chef et ensemble nous avons tenté de le réanimer, mais malheureusement durant la surveillance il a succombé », se souvient tristement Diominè Bouaré. « Une mort de trop, explique-t-elle. Notre rôle est de donner la vie, donc toute perte de vie nous touche au plus profond de notre âme », continue-t-elle, encore sous l’émotion malgré les années.

Diominè Bouaré, 37 ans, est matrone au Centre de Santé Communautaire de M’Pessoba, dans la région de Sikasso au Mali, depuis 13 ans. Le malheureux récit qu’elle raconte est encore la triste réalité vécue par beaucoup trop de parents au Mali.

Bien que la réduction de la mortalité néonatale et infanto juvénile soit une priorité pour le Gouvernement du Mali et ses partenaires, un nouveau-né sur 30 ne survit pas son premier mois de vie. La formation continue du personnel, les accouchements assistés et l’accès à des soins de qualité peuvent éviter beaucoup de ces décès.

Les pieds du nouveau-né juste après sa naissance au centre de santé communautaire du village de M’pessoba, région de Sikasso, sud du Mali, août 2019.
UNICEF Mali/2019/Keita

Grâce à l’appui du Fonds français Muskoka, 245 tablettes ont été distribuées dans 233 centres de santé communautaires et de références à Sikasso pour la formation à distance des matrones. Ces tablettes comprennent des modules de formation sur les techniques de pointe de réanimation du nouveau-né, de soins néonataux, de gestes essentiels pendant la première minute suivant l’accouchement et permettent ainsi aux matrones d’apprendre et de pratiquer les gestes qui sauvent.

« Depuis que nous avons reçu ces tablettes avec les modules de formation préinstallés, cela m'a permis de m’améliorer sur les techniques nécessaires pour un accouchement réussi » explique Diominè, « Et ceci notamment durant la première minute qui est vitale, que nous appelons ‘la minute d’or’ ».

Au centre de santé communautaire du village de M’pessoba, la matrone Djominé Bouaré est entrain de consulter une application sur sa tablette lors de ces séances de consultations prénatales. Grâce à l’Unicef des nouvelles innovations comme les tablettes ont été introduit dans le domaine de l’enseignement et maintenant dans la santé pour le bien-être des mères et des enfants, village de M’pessoba, région de Sikasso, sud du Mali, août 2019.
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Aujourd’hui elle reçoit Sitan Coulibaly, 23 ans, une patiente qui vient accoucher pour la première fois dans le centre de santé de M’Pessoba. C’est sa deuxième grossesse : elle a perdu son premier bébé.

« Je n’ai même pas pu entendre mon premier enfant crier, » explique-t-elle d’une voix pleine d’angoisse, installée dans la salle d’accouchement. « Il est décédé pendant mon accouchement et j’ai vraiment peur de perdre celui-là encore. » Diominè, quant à elle, semble plus confiante. Concentrée sur sa tablette, elle révise une dernière fois les techniques d’aide à la respiration du nouveau-né, avant de rentrer dans la salle d’accouchement.

Il est 13h24mn quand nous entendons les cris du nouveau-né de Sitan. C’est une petite fille qui pèse 2800 g et mesure 49 cm. Couchée sur le ventre de sa maman, elle parait en parfaite santé, les yeux bien ouverts. Un sourire se lit sur le visage de sa maman. Diominè, quant à elle, gants en mains, continue les soins pour le nouveau-né, s’assurant de n’oublier aucun détail en ce qui concerne les soins dont le bébé doit bénéficier.

Après avoir perdu son premier bébé, après son accouchement, Sitan Coulibaly 23 ans est heureuse de voir naître son nouveau bébé en bonne santé, ici couché sur son ventre, dans la salle d’accouchement du CSCom du village de M’pessoba, village de M’pessoba, région de Sikasso, sud du Mali, août 2019.
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Le Mali compte seulement 1 personnel de santé qualifié pour 1000 habitants : un taux bien en deçà des normes recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

A M’Pessoba, le centre de santé communautaire a un nombre moyen de 3 accouchements par jour, pour seulement un médecin et une infirmière obstétricienne.  Cela n’est donc pas sans conséquences sur la charge de travail des matrones, qui font de plus en plus d’accouchements toutes seules.

En plus d’assurer une formation continue au personnel des maternités, en particulier les matrones, l’introduction des tablettes permet de réduire le taux d’absentéisme du personnel, qui auparavant devait se déplacer sur Koutiala ou Sikasso pour suivre ce type de formation.

« Nous avons constaté que l’absence du personnel pour des raisons de formation était un facteur important qui a un effet négatif direct sur les soins que les nouveau-nés et leurs mamans doivent recevoir, » explique Dr Mariam Sissoko, Spécialiste de la santé au bureau de l’UNICEF à Sikasso.

Au centre de santé communautaire du village de M’pessoba, Dr Sissoko Mariam Konandji spécialiste santé au bureau Unicef avec la matrone Djominé Bouaré sont entrain de consulter une application sur la tablette avant un accouchement. Grâce à l’Unicef des nouvelles innovations comme les tablettes ont été introduit dans le domaine de l’enseignement et maintenant dans la santé pour le bien-être des mères et des enfants, village de M’pessoba, région de Sikasso, sud du Mali, août 2019.
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« En venant ici, je ne pensais pas que je pourrais entendre les cris de mon enfant, encore moins lui donner mon sein »

Sitan Coulibaly
Au centre de santé communautaire du village de M’pessoba, Sitan Coulibaly allaite son nouveau-né. A la naissance, les seins sécrètent du colostrum. Ce premier lait, jaune orangé, est très précieux. Il contient une grande quantité de vitamines, de minéraux et d'anticorps, qui protègent le nourrisson contre les infections, village de M’pessoba, région de Sikasso, sud du Mali, août 2019.
UNICEF Mali/2019/Keita

L’engagement de Diominè et sa volonté de voir chaque enfant non seulement survivre, mais s’épanouir, la poussent à aller au-delà des soins obstétricaux et néonataux en véhiculant des messages de sensibilisation à l’endroit des nouvelles mères pour une prise en charge holistique de leur enfant.

« Je recommande aux femmes enceintes de suivre les 4 consultations prénatales, de faire leur suivi post-natal, mais ça ne s’arrête pas là. Je leur recommande aussi d'allaiter exclusivement leurs enfants pendant les six premiers mois, de les déclarer à la naissance, de suivre leur calendrier vaccinal et surtout de jouer avec eux pour leur stimulation cognitive, » explique Diominè en pleine séance de consultation prénatale avec une patiente.

Au centre de santé communautaire du village de M’pessoba, la matrone Djominé Bouaré mesure la taille de grosse d’une femme enceinte avec un ruban, lors de ses activités de consultations prénatales, village de M’pessoba, région de Sikasso, sud du Mali, août 2019.
UNICEF Mali/2019/Keita

L'utilisation des tablettes par le personnel sanitaire à Koutiala, tout en étant une innovation, est aussi une bonne nouvelle pour les parents de Sikasso. L’innovation fait partie d’un paquet intégré déjà en cours pour la réduction de la mortalité néonatale et maternelle. A Koutiala, le nombre de mort-nés dans les structures de santé appuyées par le fond français Muskoka est passé de 44 à 23 entre 2017 et 2018 soit une réduction de 48%.

« En venant ici, je ne pensais pas que je pourrais entendre les cris de mon enfant, encore moins lui donner mon sein, » conclût Sitan, toute rassurée en offrant sa toute première tétée à son nouveau-né.

UNICEF Mali