Opération coup de poing contre la COVID-19 : comment Tombouctou a combattu la pandémie
L’accès à l’eau
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Les vendeuses du marché viennent y remplir leurs bassines, le voisin chercher de l’eau pour le thé, les enfants pour s’hydrater… La transformation du forage équipé de pompe manuelle en poste d'eau autonome a fait partie des mesures phares de la réponse coup de poing contre la COVID-19 à Tombouctou. Les nouvelles installations ont pris une place essentielle au grand marché de Tombouctou : un château d’eau solaire, une rampe de distribution d’eau de quatre robinets et quatre stations de lavage des mains ont vu le jour, permettant d’alimenter le marché en eau potable sept jours sur sept, 24h sur 24.
Un changement très apprécié des habitants du quartier comme des commerçants, à l’image de Bintou Youssouf, vendeuse de poulet volontaire et chaleureuse : « J’habite dans un quartier à 3 kilomètres du marché et chaque matin je viens très tôt avec mes poulets. Ces points d’eau nous ont facilité beaucoup de chose, on arrose le sol contre la poussière qui nous rendait la vie difficile mais je peux aussi me rafraichir et rafraichir les volailles. »
Entre avril et juillet 2020, une flambée épidémique a contaminé plus de 544 personnes et provoqué 16 décès dans la région de Tombouctou, ce qui représentait 22% des cas de COVID-19 au Mali à l’époque. Face à l’urgence, l’UNICEF et ses partenaires ont lancé l’opération « Coup de poing contre la COVID-19 », une réponse multisectorielle pour limiter la propagation de la maladie. Grâce au soutien des Fonds thématiques d’urgences, des campagnes de sensibilisation sur les gestes barrière, la dotation de l’hôpital en tentes et extracteurs d’oxygène mais aussi l’appui à une meilleure hygiène ont été mis en place.
« La lutte contre la COVID-19 passe par l’hygiène et cela commence par l’eau » souligne Salia Diallo, spécialiste Wash à l’UNICEF Tombouctou. « Il était nécessaire d’en fournir pour le lavage des mains mais aussi d’aider à limiter les contacts entre les gens. Avant la mise en place de ce château d’eau, les commerçants et acheteurs du marché allaient chez les riverains pour demander de l’eau et cela pouvait contribuer à propager la maladie », insiste-t-il.
Grâce aux nouvelles installations, Sidi Mohamed Dicko a pu fermer le robinet qu’il avait ouvert devant sa boutique : « Il y avait beaucoup de gens qui demandaient de l’eau et qui n’avaient rien, je voulais aider mais depuis qu’il y a ces nouveaux points d’eau j’ai cadenassé mon robinet. C’est un soulagement et c’est très utile car les gens passent beaucoup de temps ici dans le centre-ville. »
Un avis partagé par Ousmane Gadeye Toure, président du comité de gestion du marché : « Nous comptons au moins 300 commerçants réunis ici au grand marché de Tombouctou, donc il faut imaginer les besoins en eau au quotidien. Un boucher par exemple, il doit laver la viande, se laver les mains et auparavant tout le monde cherchait de l’eau auprès des riverains ! »
Avec la COVID-19, la situation est devenue critique. « Les dispositifs de lavage des mains classiques doivent être rempli d’eau manuellement et leur capacité est en général de 100 litres tandis que les stations installées au marché contiennent mille litres d’eau » précise fièrement Salia Diallo. Une riposte appréciée par Badou Hamdedeou, le secrétaire du comité de gestion du marché : « Nous avons bénéficié de savons, de masques, il y a eu des crieurs publics ici au marché parce qu’à un moment l’épidémie était très forte à Tombouctou. On a même dépassé Mopti ou Ségou, c’était fou ! On connait des commerçants qui ont eu la COVID-19 et qui ont perdu de l’argent. »
Assises, une bassine d’eau à leurs pieds, Bintou Youssouf et sa collègue Fati répètent leur bonheur d’être autonomes et de pouvoir boire à leur gré : « Au Mali on dit que quand tu donnes de l’eau à quelqu’un tu as la baraka*, donc c’est une fierté pour tout le quartier que de pouvoir désormais fournir de l’eau à tout le monde ! Même les enfants des rues d’autres quartiers viennent ici pour avoir de l’eau, ça aide les jeunes comme les anciens. »
Meilleure preuve du succès de l’opération « coup de poing contre la COVID-19 », entre juillet 2020 et avril 2021 seuls 46 nouveaux cas ont été recensés dans la région de Tombouctou.
« Ce système d’adduction d’eau solaire contribue à renforcer la résilience des populations car il permet un grand gain de temps et d’énergie : les gens ne font plus la queue pour pomper un à un, ils disposent d’eau en quantité suffisante et en permanence » insiste Amah Klutse, chef de la section WASH d’UNICEF Mali. « On ouvre un robinet et l’eau est disponible ! C’est également une solution adaptée aux régions arides car nous pouvons ainsi réaliser des forages plus profonds et plus durables qu’avec les pompes manuelles qui peuvent tomber en panne. »
Ce système installé à Tombouctou pour la réponse à la COVID-19 fait partie de prototypes en cours de réalisation et, grâce au fonds BMZ, cette innovation sera diffusée à grande échelle dans le cadre du projet « Renforcer la résilience au Mali ». Au total, 44 systèmes d’adduction d’eau solaire vont être construits en 2021 à travers les régions du nord et du centre (Gao, Tombouctou et Mopti) pour améliorer l’accès à l’eau des populations.
*Bénédiction, chance en arabe.