Le salon de coiffure qui tisse un avenir

L'UNICEF et ses partenaires aident les jeunes à se construire un avenir dans leur ville d'origine grâce à un projet soutenu par la République Tchèque pour soutenir les mineurs à risque de migration.

Julie Crenn
A girl in her hair salon
UNICEF Mali/2021/Keita
01 décembre 2021

Tombouctou – Le petit espace du salon de coiffure est rempli ce mardi après-midi. Hamsétou peint les ongles d’une cliente en rouge tandis que d’autres filles patientent. « Il y a celles qui viennent pour les tresses et celles qui viennent pour parler » glisse la jeune femme en souriant. En plus des nattes et autres mèches, Hamsétou vend aussi des bijoux, des chaussures et des faux ongles. Aujourd’hui âgée de 18 ans, elle a été repérée un an auparavant par l’équipe mobile de l’ONG partenaire Terre des Hommes (TDH), appuyée par UNICEF, comme étant en grande vulnérabilité et à risque de migration. « Oui je pensais à partir, quand on est pauvre on a beaucoup de difficultés dans la vie » lâche-t-elle avec gêne, en regardant ailleurs.

Nails being place in the beauty salon
UNICEF Mali/2021/Keita
Hamsétou is braiding the hair of a customer at her hair salon supported by UNICEF
UNICEF Mali/2021/Keita

Hamsétou vivait à Goundam (à 85 km de Tombouctou) quand elle a perdu ses deux parents et quitté sa région pour rejoindre sa tante Bintou* à Tombouctou. Veuve et enseignante, celle-ci a du mal à subvenir aux besoins des cinq enfants à sa charge. Elle tient cependant à inscrire sa nièce à l’école mais celle-ci abandonne en 3e année : « J’ai toujours préféré les tresses que l’école » se justifie Hamsétou. « C’est ma mère qui m’a donné envie, elle faisait aussi la coiffure » affirme-t-elle, les yeux brillants à l’évocation de sa maman disparue.

« Je tressais ici, à la porte parfois, quand une dame est venue, elle m’a posé des questions sur ma situation et après elle m’a proposé un soutien » témoigne Hamsétou. Cette femme, Mariam, fait partie de l’équipe mobile de TDH. « Notre équipe mobile se rend plusieurs fois par semaine dans des lieux de migration comme les gares routières et va aussi à la rencontre des enfants vulnérables que l’on nous signale comme étant à risque de départ en migration » précise Baba Samber Maiga, chargé d’accompagnement technique à TDH Tombouctou.

Les enfants qui migrent sont confrontés à de multiples risques, non seulement l'exploitation, la violence et les abus, mais aussi les difficultés pendant le parcours migratoire, notamment en raison de la situation sécuritaire.

Bintou Diallo, responsable de la protection de l'enfance au bureau local de l'UNICEF à Tombouctou.
Hamsétou is part of an awareness session with the NGO TDH on the dangers of migration
UNICEF Mali/2021/Keita

« Compte tenu du fait qu’elle est orpheline, que sa tante se trouve en situation précaire et qu’elle a abandonné l’école, Hamsétou était en situation de grande vulnérabilité et l’équipe mobile a été alertée sur son cas. La personne qui nous a contacté nous a dit que la jeune fille envisageait de partir à la recherche d’une meilleure vie. »

Grâce à l’appui de l’UNICEF, un stage est alors proposé à la jeune femme dans un salon de coiffure du quartier puis une formation en gestion entrepreneuriale. « J’ai appris à accueillir un client, à être bienveillante et surtout à bien gérer l’argent du commerce » explique-t-elle tout en précisant qu’elle a appris à compter avec sa grand-mère qui tenait une petite boutique à la maison. Après son stage et sa formation Hamsétou a reçu 120 000 francs CFA (environ 200 USD) pour s’équiper en matériel et ouvrir son salon.

 « Les enfants qui migrent sont confrontés à de multiples risques, non seulement l'exploitation, la violence et les abus, mais aussi les difficultés pendant le parcours migratoire, notamment en raison de la situation sécuritaire. C'est pourquoi nous nous efforçons d'empêcher les enfants de partir, à la fois par des mesures de sensibilisation mais aussi en aidant les enfants, les adolescents et les jeunes à risque à rester dans leur ville d'origine, à condition que celle-ci soit sûre », explique Bintou Diallo, responsable de la protection de l'enfance au bureau local de l'UNICEF à Tombouctou.

Ouverte 7 jours sur 7, la coiffeuse s’est rapidement fait sa clientèle pour le plus grand bonheur de sa tante. « Je suis fière d’elle, c’est elle qui m’aide aujourd’hui » glisse Bintou* assise dans la cour de sa maison, à 100 mètres à peine du salon d’Hamsétou. « Elle tresse bien » ajoute Djenaba*, une cliente du quartier faisant rougir l’intéressée.  Et le départ à l’étranger ? « Ma priorité c’est le commerce, j’irais peut-être dans d’autres pays pour acheter des articles pour mon salon seulement » assure Hamsétou dans un grand sourire.


*Les prénoms ont été changés pour raison de protection.