Le CTO de Gao : une lueur d’espoir pour la réinsertion socio-économique des jeunes

A travers les centres de transit et d'orientation (CTO), UNICEF soutient les efforts du gouvernement du Mali pour soulager les enfants affectés par le conflit et à lutter contre les violations graves des droits des enfants.

Ismail Ishaq Maiga
Un jeune issu d'un groupe armé bénéficie du soutien de l'UNICEF et de ses partenaires dans l'enceinte du CTO de Gao.
UNICEF Mali/2021/Keita
24 octobre 2021

Le Projet « Services de protection et de soutien psychosocial de qualité et d'éducation d'urgence aux enfants et adolescents touchés par le conflit » vise à soutenir les efforts du gouvernement du Mali pour soulager les enfants affectés et à lutter contre les violations graves des droits des enfants dans les régions de Ségou, Mopti, Gao et Tombouctou. En effet le contexte socio-sécuritaire reste très volatile au Mali. Il en est de même de la faible opportunité d’accès des jeunes et adolescents aux activités de réinsertion socioéconomique. Toutes choses qui les poussent à rallier des groupes obscurs. Une réponse adéquate, ancrée dans la dynamique communautaire demeure le préalable dans la prise en compte de leur autonomisation.

Il est 16 heures sous une chape de plomb à la périphérie de Gao. La petite cour du Centre de Transit et d’Orientation (CTO) grouille au rythme d’un groupe d’enfants âgés de 9 à 17 ans. Le responsable du centre, Aym* (les prénoms des travailleurs et enfants pris en charge au CTO ont été changés pour raison de protection), longiligne et allure altière, vient de terminer un échange avec « ses enfants ». L’entretien portait sur la résilience dans les zones de conflits. A présent, il invite les pensionnaires du centre à observer la récréation.

Entre les manivelles du baby-foot, la balançoire, le thé, les préparatifs pour le terrain de football et autres jeux de société, chacun est affairé dans cette cour. Certains enfants, une bouilloire d’eau à la main font leurs ablutions pour s’adonner à leurs obligations religieuses.

Une réponse holistique leur est apportée en termes de prise en charge psychosociale, médicale, alimentaire, vestimentaire ainsi que la recherche et la réunification familiale et surtout la réinsertion socio-économique

Aym*, responsable du centre

Cette bâtisse ocre aux murs surélevés, cernés de barbelés, abrite le centre de transit et d’orientation (CTO) de Gao destiné à recevoir les enfants sortis des groupes armés et ceux en situation de séparation familiale du au conflit grâce à un accompagnement technique de l’UNICEF et au soutien financier de le programme de l’Union européenne Accès à la justice pour les enfants en mobilité et les autres enfants vulnérables en Afrique de l'Ouest

 

 

l’Union Européenne,

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Ils s’appellent Hammadi, Binani, Alhad ou Sibiry*. Chacun a une histoire différente, avec toutefois, un fond commun, la précarité qui les vulnérabilise et un passé de participation à des activités avec les groupes armés qui constitue une violation de leurs droits. 

Alhad*, 16 ans, raconte son histoire : « J’étais avec un groupe armé dans la zone d’Ansongo. Grâce à l’ONG ATDED, je suis sorti de ce groupe pour venir au centre de transit et d’orientation à Gao. Aujourd’hui, j’apprends une nouvelle vie. Je remercie l’UNICEF et ses partenaires pour cette chance qui m’a été offerte. »

« La vie dans les camps de fortune consiste pour les plus jeunes âgés de 10 à 12 ans à faire les courses des combattants, à faire le thé, à assurer la corvée d’eau et de bois de chauffe pour la cuisine, à monter le guet pour alerter sur l’imminence d’un danger, entre autres. Pour nous jeunes gens de 15 à 17ans, nous participons activement aux opérations comme combattants. Le maniement des armes et l’art des embuscades n’ont aucun secret pour nous » poursuit le jeune Alhad, et qui cherche un repenti dans la foi. Pour preuve, il ne manque aucun moment des cinq prières quotidiennes.

Alhad, 16 ans, partage l'histoire de son passage au sein d'un groupe armé.
UNICEF Mali/2021/Keita
Des enfants du centre de transit et d’orientation à Gao (CTO) dans la cour en train de jouer au baby-foot. Ces enfants ont été retirés des forces et groupes armés pour leur réinsertion sociale, région de Gao, Septembre 2021.
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Selon l’aperçu des besoins humanitaires 2021 des Nations Unies au Mali, 3,055,418 personnes sont en besoin de protection dont 1,600,000 enfants soit 51% de filles et 49% de garçons. « Les motivations réelles des jeunes pour ce nouveau mode de vie découlent de leur vécu » explique le directeur du centre, Aym. « Ces enfants sont pour la plupart issus de familles affiliées aux groupes armés. Cette situation résulte du ressenti des nouvelles recrues à la suite de la mort d’un des leurs. Aussi la proximité quotidienne à travers l’acheminement de la nourriture aux combattants, suscite-t-elle une vocation à porter la tenue militaire. A défaut de contribuer financièrement ou matériellement à l’effort de guerre, les parents n’hésitent pas à donner leur progéniture pour participer directement aux combats » conclut Aym.

 « L’admission de 388 enfants dont 169 sortis des groupes armés et 219 enfants non accompagnés a permis de constater le niveau d’affectation de ces enfants. C’est pourquoi une réponse holistique leur est apportée en termes de prise en charge psychosociale, médicale, alimentaire, vestimentaire ainsi que la recherche et la réunification familiale et surtout la réinsertion socio-économique », note le premier responsable du CTO.

Arsene Bagré, Spécialiste de la Protection de l’Enfant UNICEF, au CTO de Gao
UNICEF Mali/2021/Keita

Ces centres, ouverts, octroient un accueil temporaire aux enfants dont la durée varie entre un a trois mois. Arsène Bagré, Spécialiste de la Protection de l’Enfant à l’UNICEF- Mali, souligne l’importance de l’appui technique et financier de l’UNICEF au fonctionnement de cette structure.

« Les formations des personnels du centre portent sur le Mécanisme de Rapportage et de Surveillance, l’écoute individuelle et la thérapie de groupe, la prévention de l’exploitation et des abus sexuels, etc.  L’UNICEF via le partenariat avec la Direction Nationale de la Promotion de l’Enfant et de la Famille assure le suivi des enfants réunifiés avec leur familles pendant une période allant de 6 mois à 1 an. Ce suivi permet de consolider la réinsertion socioéconomique et éviter qu’ils ne retombent dans une vulnérabilité qui les exposerait au recrutement dans les groupes armés » rappelle Arsène Bagré.

« Avec la fermeture de 1 535 écoles en avril 2021, près de 460 000 enfants sont privés d'un environnement protecteur et exposés à un risque accru de violence, d'exploitation et d'abus, y compris le recrutement par les groupes armés et le travail sur les sites d’orpaillage artisanal qui sont une problématique de protection de plus en plus alarmante au centre et au Nord du Mali. Face à ces défis, il apparaît urgent de développer des actions à même de renforcer les mécanismes de prévention contre les violations des droits des enfants » salue pour sa part Patricia Hoorelbeke, Directrice de UE ECHO au Mali.

D’un coût total de plus 650 000 000 FCFA, le projet couvre les régions de Ségou, Mopti, Gao, Tombouctou. Au Mali, l'UNICEF soutient 5 CTO à Bamako, Mopti, Gao, Tombouctou et Kidal. Parmi ces CTO, deux sont régis par le Gouvernement notamment à Tombouctou et à Gao. Les trois autres sont dirigés par des ONG nationales.

*Les prénoms des travailleurs et enfants pris en charge au CTO ont été changés pour raison de protection