Le « guichet unique », lieu refuge pour les enfants

A Kayes, grâce au soutien de l’Union Européenne, les ONG partenaires de l’UNICEF accueillent les enfants en difficulté, en mobilité et/ou non accompagnés, pour une prise en charge d’urgence au « guichet unique ».

Julie Crenn
Une jeune fille regarde des enfants jouer dans la cour du guichet unique de Kayes.
UNICEF Mali/2022/Crenn
10 mai 2022

A Kayes, grâce au soutien de l’Union Européenne, les ONG partenaires de l’UNICEF accueillent les enfants en difficulté, en mobilité et/ou non accompagnés, pour une prise en charge d’urgence au « guichet unique ». Au 30 avril 2022, 888 enfants ont accédé au guichet unique de la capitale de l’ouest du Mali, et pour certains ont bénéficié de ce programme d’hébergement d’urgence et des référencements vers les services adaptés.

Il y a foule ce matin du mois de mars dans l’enceinte du guichet unique de Kayes. Un groupe d’enfants joue au babyfoot, un autre regarde des dessins animés à la télévision tandis qu’un petit somnole sur les genoux d’une travailleuse sociale.

« Le guichet est là pour tous les enfants, que ce soit les enfants en situation de mobilité, ceux de la communauté qui viennent jouer, assister à des séances de sensibilisation ou encore les enfants en conflit avec la loi », explique Maguette, gestionnaire de cas au sein de l’ONG Enda-Mali, organisation qui appuie le partenaire d’UNICEF Terre des Hommes Lausanne dans la mise en œuvre de ce projet financé par l’Union Européenne.

Ce vendredi matin, deux nouveaux arrivants sont pris en charge par l’équipe : Cherif* et Mariam*. Tous deux acceptent de partager leur histoire.

Chérif* regarde la télévision au guichet unique de Kayes, pendant sa prise en charge.
UNICEF Mali/2022/Crenn

Un jour j’ai vu une équipe de l’ONG Enda-Mali à la gare routière et ils parlaient d’aider les enfants.

Chérif*, 14 ans, pris en charge au "guichet unique" de Kayes

Chérif a 14 ans. Originaire d’un village de la région de Kayes il a été envoyé par son père en Mauritanie pour y apprendre le Coran. Mécontent de ses conditions de vie, il s’enfuit et retrouve sa famille qui le renvoie à Kayes auprès d’un second maître coranique. « Je n’avais pas le droit de sortir avec les autres enfants et il me frappait » raconte Chérif en soulevant son t-shirt, dévoilant les cicatrices des sévices subis. Il fuit à nouveau et trouve refuge à la gare routière. « Là-bas je lavais les cars et on me donnait parfois 500 francs en échange » explique le garçon au regard malicieux malgré les épreuves traversées. 

« Il y avait un endroit avec des nattes de prière où je dormais. Un jour j’ai vu une équipe de l’ONG Enda-Mali à la gare routière et ils parlaient d’aider les enfants » se souvient-il d’une voix encore enfantine. « J’ai demandé à un monsieur que j’aimais bien et qui me donnait souvent à manger si c’était vrai, si ces gens-là allaient me protéger. Comme il a dit que oui j’ai su que je pouvais leur faire confiance. » Chérif est alors pris en charge et hébergé au guichet unique. « Ici j’ai reçu des habits, des chaussures, mais aussi du savon, une brosse à dent, du dentifrice, tout pour me laver et surtout je peux regarder la télévision » conclue-t-il dans un sourire timide.

Mariam* joue au baby foot avec les enfants pendant sa prise en charge au guichet unique à Kayes.
UNICEF Mali/2022/Crenn
Mariam, 14 ans, au guichet unique de Kayes lors de sa prise en charge.
UNICEF Mali/2022/Crenn

Mariam a aussi 14 ans. Elle n’a jamais été à l’école et vient d’une région éloignée de Kayes. « Quand j’ai eu 13 ans, mes parents m’ont envoyé à Bamako pour être bonne dans une famille. Mais la famille a déménagé sur Kayes et c’est là que le mari a commencé à me frapper avec la ceinture » raconte-t-elle en regardant le plafond. « Je range, je fais le ménage, la lessive, la vaisselle, je m’occupe des enfants et ils m’ont demandé de vendre de la glace pour une valeur de 2000 francs par jour. » Si elle ne ramène pas cette dîme quotidienne la jeune fille est frappée.

« Un jour, je suis rentrée plus tard sans avoir vendu toute la glace et il m’a insultée, il a insulté ma famille puis il m’a enfermée dans une chambre avec des menottes. Je sais que les menottes c’est pour les criminels, mais moi j’ai pas volé, j’ai pas tué alors j’ai compris que j’étais en danger. » La jeune fille réussit à s’enfuir et à trouver refuge chez des voisins qui l’amènent dès le lendemain au tribunal où Mariam est prise en charge par le juge des enfants en collaboration avec les services locaux de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, et référée au guichet unique. « Depuis que je suis arrivée ici je suis à l’aise, j’ai à manger, je dors et je me lave quand je veux, je joue avec les enfants, surtout au babyfoot » raconte-t-elle en souriant.

« Nous rencontrons la famille et évaluons si une réunification est possible et on travaille avec l’enfant et sa famille à un projet de vie »

Laya - travailleur social au guichet unique

Après cette prise en charge d’urgence, l’objectif est de répondre aux premiers besoins tout en entamant un processus de réunification familiale. « On fait une recherche pour joindre la famille, puis je me rends sur place, au village de l’enfant » explique Laya, travailleur social.  « Nous rencontrons la famille et évaluons si une réunification est possible et on travaille avec l’enfant et sa famille à un projet de vie » ajoute-t-il. Chérif souhaite devenir « apprenti chauffeur » avant de devenir chauffeur de bus une fois adulte tandis que Mariam réfléchit encore au type de formation professionnelle qui pourrait lui plaire. « D’ici plusieurs jours, si une réunification familiale rapide n’est pas possible, les deux enfants quitteront le guichet unique pour être pris en charge dans des familles d’accueil » précise Mamou, assistante protection de l’enfant de l’ONG Enda-Mali. En attendant leur transfert, Chérif et Mariam profitent de l’accueil du guichet unique pour reprendre leur souffle et vaquer à leurs occupations favorites, télévision pour lui, babyfoot pour elle.

*Les prénoms ont été changé pour raison de protection.