La première rentrée des triplées
A Mopti, grâce à l’intervention d’une Jeune Ambassadeur de la campagne Back to School, trois petites filles déplacées internes découvrent l’école en classe de première année.
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Mopti – « A, b, c, d, e… » Elles répètent l’alphabet en chœur avant de compter de 1 à 10, la fierté irradiant leurs visages. Fatoumata, Aoua et Safiatou Fongoro, des triplées âgées de 7 ans, ont effectué leur première rentrée scolaire le 25 janvier 2021. Jeunes déplacées, elles n’avaient pas pu entrer en classe de première année en 2019 à cause des conflits en cours dans le centre du Mali.
« Nous avons abandonné tout notre mil » témoigne leur père, Adama Fongoro. « Nous avions cultivé la terre mais n’avons pas eu le temps de faire notre récolte, notre village a été attaqué. » L’homme, qui travaille aujourd’hui comme gardien dans le quartier de Million Kin de Sévaré, a fui avec sa femme Oumou et ses quatre filles, les triplées et leur cadette Aminata âgée de 4 ans.
A Dialagassou, leur village du cercle de Bankass, les triplées fréquentaient un jardin d’enfant mais en septembre 2019, à leur arrivée à Sévaré, les fillettes ne sont pas scolarisées. « J’ai su que les Fongoro étaient déplacés car nous sommes de la même famille » explique Aoua Togo, 19 ans, Jeune Ambassadeur de la rentrée scolaire 2020-2021.
« Les filles doivent aller à l’école pour pouvoir trouver un travail plus tard et avoir un avenir meilleur. »
Grâce aux financements du Comité national canadien pour l’UNICEF, de Koica, de l’Union Européenne, de la Norvège et du Danemark chaque année depuis 2017 l’UNICEF soutien le gouvernement du Mali pour l’organisation de la campagne Back to School et l’envoi d’Enfants et Jeunes ambassadeurs sur le terrain afin d’expliquer aux communautés pourquoi la scolarisation des enfants est primordiale.
Ainsi, pour la rentrée scolaire 2020-2021 Aoua, comme 4800 autres Enfants et Jeunes Ambassadeurs, est partie à la rencontre de ménages, sensibilisant à l’importance de l’éducation grâce à des activités de porte-à-porte, des émissions radiophoniques et des séances de dialogue communautaire.
La jeune femme, en classe de 9e année, participe pour la première fois à la campagne et prend son rôle très au sérieux : « si je n’allais pas à l’école moi-même, je n’aurai jamais pu parler à la radio pour dire aux parents d’envoyer leurs enfants à l’école ».
Fière de son parcours, Aoua aspire à devenir douanière une fois le bac en poche et insiste sur l’importance de ne pas céder au mariage précoce : « Je veux bien me marier mais après avoir fini d’étudier ! Ce n’est pas bon de laisser les filles à la maison ou de les marier. »
En tant que Jeune Ambassadeur la jeune femme s’est naturellement arrêtée chez sa famille éloignée, sensibilisant les parents Fongoro à l’importance de l’éducation.
« J’espère que les filles qui me voient veulent aussi faire des études. » - Aoua Togo
« Surtout pour les filles, c’est très important d’étudier » insiste l’adolescente dans la cour où la famille Fongoro s’est installée provisoirement : « Les filles doivent aller à l’école pour apprendre à compter, à lire et à écrire, pour pouvoir trouver un travail plus tard et avoir un avenir meilleur » affirme Aoua. Ce à quoi Adama et Oumou acquiescent : « Ni mon épouse ni moi n’avons fait l’école, mon père et son père avant nous non plus » explique Adama, heureux que ses filles prennent chaque matin le chemin de l’école.
« Au début, l’école c’était difficile, je me souviens je ne savais pas lire ni écrire et j’ai même redoublé ma 3e année » témoigne Aoua. « Mais maintenant je vais passer le bac et j’espère que les filles qui me voient veulent aussi faire des études », insiste-t-elle, tenant à passer le flambeau et servir de modèle aux générations à venir.
Dans leur salle de classe de l’établissement Boucary Ouologem les fillettes de la famille Fongoro semblent heureuses et plus ou moins studieuses : Safiatou, la plus appliquée, exécute les demandes de la maitresse à la lettre tandis que Fatoumata se chamaille avec sa voisine de gauche et qu’Aoua semble dans la lune. « Elles sont très éveillées et leur intégration n’a pas posé de problème » affirme leur enseignante, Fatoumata Keïta, tombée sous le charme de ces trois fillettes à l’énergie communicative qui voient leur avenir en grand : Safiatou s’imagine enseignante, Fatoumata militaire et Aoua présidente du Mali.
Comme les triplées, près de 6 millions d’enfants maliens ont retrouvé les bancs de l’école en janvier 2021 pour un avenir meilleur.