Estomper les cauchemars avec les jeux et l’écoute
En vue de soutenir ceux qui se remettent du traumatisme de la violence, l'UNICEF apporte un appui psychosocial, adaptant sa réponse aux besoins et au mode de vie.

- Français
- English
« Je me sens mieux à présent », assure Hassanatou*, 12 ans. « À mon arrivée, j'étais fatiguée. Quand je suis arrivée, j'avais fait quelque chose que je n'avais jamais fait.»
Ce qu'elle n'avait jamais fait auparavant, c’était marcher, avec sa famille sous une température de 40 degrés Celsius, douze jours durant à travers le centre du Mali.
« Nous sommes partis de nuit, à la vue des flammes dans un autre village. C'est par la suite que j'ai appris que mon village avait été brûlé : c'est ce que j'en sais »
« Nous étions saisis de peur à l'idée d'emprunter la route, alors nous nous sommes faufilés à travers la brousse pour parvenir jusqu'ici », explique Moussa, son père, parlant de leur décision d'éviter les routes sur lesquelles il craignait d'être attaqué lui et les siens. Il a dû demander à Hassanatou de le faire et « malgré sa peur, elle a continué à marcher ». Parvenus enfin à leur destination, il a vu sa fille assise, épuisée, les pieds enflés. Épuisée, elle l'était pendant des jours. Quand elle dormait, elle faisait des cauchemars.
Son histoire est loin d'être un cas isolé : plus de 70 000 personnes déplacées vivent dans la région de Mopti au centre du Mali, ce qui en fait la région du pays accueillant actuellement le plus grand nombre de déplacées internes. Une recrudescence de l'insécurité et de la violence dans le centre du Mali, dont l'attaque, unique en son genre, contre le village d'Ogossagou survenue en mars, et au cours de laquelle au moins 46 enfants ont été tués, aura été le principal facteur de déplacement. Tous ces facteurs affectent la sécurité et le bien-être des enfants, également leur santé mentale.
« Pour ces milliers de personnes qui ont fui la violence, outre leurs besoins physiques, leur rétablissement dépend d'une assistance spécialisée. »
En réponse, l'UNICEF, par l'intermédiaire de son partenaire COOPI, a dépêché un travailleur social afin d'aider au rétablissement des enfants comme Hassanatou, qui sont actuellement installés dans un centre improvisé à Banguetaba. Trois fois par semaine officiellement, et de nombreuses autres fois de sa propre initiative, Alimatou Berthé, 35 ans, se rend sur le terrain afin d'aider la plus de centaine d’enfants qui vivent ici.

Elle utilise un kit récréatif de l'-UNICEF contenant des jeux de société, des puzzles et des cordes à sauter, ainsi qu'un vaste répertoire de jeux et de récits maliens spécialement choisis pour la circonstance. Les jeux de société constituent une base pour les mathématiques, le saut à la corde et le football permettent aux enfants de travailler en équipe, tandis que les récits leur permettent de discuter de leurs sentiments. Les enfants ont immédiatement adoré les jeux. Hassanatou, quant à elle, a fait du saut à la corde son jeu préféré. Alimatou perçoit le changement immédiat qu'apportent les jeux : « Mon arrivée est toujours synonyme de soulagement pour les enfants. En jouant, ils sourient et oublient. Ils sont très engagés. Nous travaillons sur la base de leurs problèmes, de leurs besoins, nous leur prêtons une oreille attentive. »
Les activités de soutien psychosocial organisées par l'UNICEF ont déjà touché plus de 600 enfants déplacés vivant dans les villes de Mopti et de Sévaré. Les résultats en sont déjà perceptibles : les enfants ont gagné en confiance, ils recommencent à faire confiance aux autres, tandis que s'estompent leur anxiété et leurs cauchemars. Alimatou se souvient de la première fois où elle a fait la rencontre d'Hassanatou : « Le premier jour où nous nous sommes rencontrées, elle était un peu timide. Mais, maintenant, c'est elle qui vient à moi ! J'en suis heureuse. »
Binta, la mère d'Hassanatou, a elle aussi remarqué un changement de comportement chez sa fille. « C'est une excellente idée parce que les enfants peuvent à la fois s'amuser et apprendre. » Les cours n'ont pas seulement apporté à Hassanatou un espace où elle se sent en sécurité et où elle peut oublier ses expériences traumatisantes, mais ils ont aussi jeté les bases de son éducation formelle en éveillant sa curiosité et son intérêt pour l'apprentissage. Alimatou constate aussi qu'elle commence à se montrer plus confiante.
« Elle apprend par la pratique », explique Alimatou. « Je lui montre un jeu, elle me suit et fait de même. Elle est douée en maths. Elle est dotée d'une intelligence remarquable. »
Les enfants sont davantage capables de se rétablir lorsqu'ils se trouvent dans un environnement où ils se sentent en confiance. Pour Hassanatou cela signifie rester aux côtés de ses compagnons de fuite qui ont trouvé refuge à Mopti en provenance de six villages semi-nomades, sur le site de Banguetaba qui les accueille, plutôt que rester dans le camp officiel des déplacés internes situé au centre-ville.
En restant au sein du site d'accueil, Hassanatou peut essayer de se rétablir, entourée par les sons et les parfums qu'elle connâit : le meuglement des vaches, le mil que l'on prépare, le bêlement des chèvres, et avec pour compères de jeu des enfants qui parlent sa langue. Cela plaît à Hassanatou.
« Je me sens mieux ici. Je suis en sécurité ici et il y a beaucoup d'enfants avec qui je joue. »

Les cauchemars d'Hassanatou ont cessé, explique sa mère Binta. Elle attribue ce changement au nouvel environnement qui l'entoure. Quand elle lui a dit de faire ses valises la nuit où ils ont fui, Hassanatou n'avait pas posé de questions. Sa mère a compris qu'elle savait qu'ils étaient en danger. Mais à présent, dit-elle, elle « elle ne voit aucune raison d'avoir peur et de se sentir menacée. »
S'il ne tenait qu'à Hassanatou, même sachant pertinemment que son village a été brûlé, elle préférerait rentrer chez elle. « Je veux retourner dans mon village, parce que c'est là où j'ai grandi. »

Ses ambitions professionnelles ont toutefois changé ; elle désire à présent devenir travailleuse sociale. Montrant du doigt Alimatou, elle dit qu'elle aussi veut devenir travailleuse sociale — « comme celles qui jouent aux jeux » — pour la simple raison que « c'est ce que j'aime faire ».
Qu'elle n'ait pas encore pu gagner aux nouveaux jeux ne la décourage guerre. Plutôt calmement elle affirme : « Je suis en train d'apprendre.» Un petit pas sur le plus long des chemins, celui de la reconstruction personnelle, a commencé.
*Certains noms ont été changés