« L’aide que j’ai reçue a changé ma vision de la vie »
Aliou* a passé trois ans aux côtés d’un groupe armé du nord du Mali. Sorti du groupe grâce aux efforts de l’UNICEF et de ses partenaires, l’adolescent bénéficie aujourd’hui d’une formation professionnelle.
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Kidal – « Aujourd’hui je suis heureux, ma vie a changé et j’ai retrouvé mes parents. » Dans son atelier de menuiserie métallique de Kidal, Aliou s’applique à la tâche, concentré. En 2017, alors qu’il n’est âgé que de onze ans, le jeune garçon perd la trace de sa famille lors d’affrontements dans la région de Kidal. « Ils se sont enfuis en Algérie et, comme j’étais en ville avec des amis, je les ai perdus » raconte-t-il doucement. « Je n’avais plus d’endroit où manger et dormir, alors je suis allé vers un groupe armé. »
« Au début je faisais des petites commissions et le thé, puis j’ai appris beaucoup de choses : comment manier une arme, sécuriser un endroit, saluer un chef… J’ai eu une formation militaire » précise l’adolescent désormais âgé de quinze ans. Cette vie de combattant devient son quotidien jusqu’à sa libération en compagnie d’autres mineurs sur décision des chefs du groupe, sensibilisés aux droits des enfants par l’UNICEF et ses partenaires.
« Quand on m’a dit de partir je ne voulais pas, mais mon chef me l’a ordonné. Je n’étais pas content » confie-t-il en bougeant ses mains comme s’il revivait la scène. « Il m’a fallu du temps au centre pour m’adapter et découvrir une nouvelle vie. »
Le centre dont Aliou parle, soutenu par UNICEF via l’ONG partenaire Solisa, est spécialisé dans la prise en charge des enfants associés aux forces et groupes armés. « Quand je suis arrivé là-bas j’ai eu une visite médicale, des habits, des repas mais surtout on a pris contact avec mes parents. Ça me manquait beaucoup d’avoir de leurs nouvelles, je ne savais pas où ils étaient depuis trois ans ! » se rappelle-t-il, le visage s’éclairant à l’évocation de ce souvenir.
« Aliou est un vrai exemple, il aime les gens et venir en aide aux autres »
« Je me suis habitué à la vie au centre : tous les soirs on jouait au foot, il y avait aussi des leçons d’alphabétisation. Quand on a parlé de mon projet de vie, au début je voulais faire de l’électricité-bâtiment mais il n’y a pas d’électricité dans le village où s’est installé ma famille. »
« Nous devons leurs fournir une formation utile pour leur futur », confirme en insistant Issa*, le directeur du centre de Kidal. « La formation professionnelle doit porter sur un métier que l’enfant puisse faire dans sa localité sinon c’est l’échec assuré. »
Après trois mois passés au centre, la réunification familiale d’Aliou a pu avoir lieu : « J’étais tellement heureux de les retrouver, surtout ma maman », raconte-t-il, encore ému. « Ils ne savaient pas du tout ce que j’étais devenu, ils craignaient que je sois décédé. Je leur ai parlé de la formation et ils ont trouvé que c’était une bonne idée. »
L’adolescent commence alors son apprentissage professionnel en menuiserie métallique et reçoit tout le kit nécessaire : un poste de soudure, une meule, des étaux et une perceuse. « Ça me plait beaucoup ! On fait des châteaux d’eau, des portes, des barriques en fer, des tables, des supports de lavage des mains… »
N’ayant pas de famille à Kidal, Aliou est hébergé chez son maitre d’apprentissage, Mohamed*, dans une maison à côté de l’atelier de soudure. « Aliou est un vrai exemple » témoigne Mohamed avec fierté. « Il se comporte très bien, cela se voit qu’il aime les gens et venir en aide aux autres… Il est toujours à la recherche d'une solution pour tout le monde ! » Une reconnaissance mutuelle qui se lit dans les yeux de son apprenti : « J’ai encore beaucoup à apprendre, je veux m’améliorer et bien maitriser tout » explique Aliou, de la fierté dans la voix. « L’aide que j’ai reçue a changé ma vie et ma vision par rapport à la vie : j’ai découvert comment on vivait en dehors d’un groupe armé » tient à dire l’adolescent. « Aujourd’hui j’apprends un métier qui va me permettre d’aider ma famille, c’est le plus important. »
Au-delà de sa propre histoire, Aliou pense aux autres enfants du Nord Mali et à leur futur : « Ici il y a beaucoup d’enfants qui ont besoin d’aide parce que leurs parents ne peuvent pas assumer leurs besoins ; le problème c’est qu’on manque d’activités, de possibilités. »
« L’idéal serait de pouvoir ouvrir un centre de formation et d’embaucher des maitres artisans comme Mohamed pour former les jeunes que l’on souhaite réinsérer » se permet de rêver Issa, le directeur du centre. « A l’heure actuelle, nous trouvons des artisans formateurs au cas par cas mais si on avait une structure et du matériel dans un centre équipé pour accueillir et former les jeunes ce serait mieux. »
Aliou aussi a un rêve qu’il espère concrétiser : « Acheter un gros poste à soudure et un groupe électrogène pour m’installer et ouvrir ma propre structure dans le village de ma famille. »
*Les prénoms ont été changés pour raison de protection.