Une journée avec les rapatriés
Voici le témoignage poignant de notre collègue Carline Rouzeau qui a passé une journée avec les personnes rapatriées. Elle a participé aux activités psychosociales avec les enfants.
Des regards fuyants et furibonds !
Des yeux ravagés par la tristesse, par la fatigue et par la colère !
Des hommes, des femmes, des enfants et également des bébés arrivés, ce samedi 10 octobre, par centaines à l’Aéroport International Toussaint Louverture, expulsés par les autorités américaines et cubaines.
Une mère portant un nouveau-né dans ses bras, et un garçonnet pas plus haut que trois pommes sur l’une de ses épaules ; l’autre épaule encombrée par un sac à main et un sac à « lunch ».
Des enfants, visiblement exténués, accrochés à leurs parents.
Des jeunes hommes et des jeunes femmes esquintés, proches des larmes, le dos courbé sous le poids de l’angoisse, de la déception. Impossible de décrire leurs états d’âme.
Puis, le comble de l’angoisse : des mineurs non accompagnés renvoyés par Cuba. Pas moins de six, entre 12 et 16 ans dont les parents n’ont pas pu, tous, être contactés afin de venir les récupérer.
Madame Idana Jean, 42 ans, originaire de l’ île de La Gonâve, flanquée de ses filles Shednaika et Sherlandie, deux et quatre ans, ne pouvait retenir ses larmes, en partageant avec ses filles un repas chaud offert par l’ OIM et l’UNICEF. Elle m’a confié avoir choisi de prendre le risque d’embarquer avec ses filles sur un bateau de fortune faisant voile vers la Floride, voulant échapper à la pauvreté, ce quotidien qu’elle haïssait et dont elle voulait épargner sa progéniture. Ce bateau après quatorze jours, s’est perdu dans les eaux cubaines et son rêve d'une vie meilleure avec.
Idana n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ses filles mal nourries, malnutries, présentent toutes les signes de déshydratation, leur peau et leur cuir chevelu rongés par la gale. Ces fillettes se sont pourtant amusées, ont joué et dansé sous la tente de l’UNICEF, mise en place pour garder les enfants pendant que les parents se faisaient enregistrer par l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), et se prêtaient au test rapide COVID-19 organisé par le Ministère de la santé publique et de la population (MSPP). Ces activités récréatives et psychosociales de l’UNICEF sont menées conjointement avec des volontaires de l’Organisation des Cœurs pour le Changement des Enfants Démunis d’Haiti (OCCED’H). Les enfants sont enregistrés par l'Institut du Bien-Être Social et de Recherches (IBESR) et l’UNICEF.
La jeune Medjina Macena, de Bombardopolis, âgée de 15 ans, m’a avoué avoir organisé son départ à partir de sa ville natale, avec l’aide de sa mère et d’une tante. La vie est si difficile pour elle, sans la présence d’un père qui, selon elle, aurait dû être là pour l’épauler, l’aider financièrement, la conseiller. Elle ne m’a pas caché qu’à la première occasion, elle tentera à nouveau de traverser l’Atlantique pour une vie meilleure.
Et tant d’autres qui auraient voulu raconter leur histoire, leur vécu, leur situation, leur désillusion …
Chapeau aux organismes et institutions suivants qui ont travaillé sans relâche et tous les jours afin d’accueillir les rapatriés, d’une manière digne :
L’Organisation Internationale pour la Migration (OIM),
La Croix Rouge Haïtienne,
Le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP),
L’Institut du Bien-Être Social et de Recherches (IBESR),
L’Organisation des Cœurs pour le Changement des Enfants Démunis d’Haiti (OCCED’H).
L’UNICEF dont le travail a été rehaussé par la présence du Représentant, Bruno Maes, du Chef de la Communication, Ndiaga Seck, de la Cheffe et des spécialistes de la Protection de l’Enfant, Susanna Balbo, Antoine Ghazaly et Pascal Mackendy. J’ai représenté l’Administration de l’UNICEF et j’ai prêté main forte au Programme dont le noble objectif reste et demeure l’amélioration de la vie des enfants et des femmes d’Haiti.
Carline D. Rouzeau,
Assistante Administrative