Nulle part en sécurité, nulle part où aller.
Une enfant atteinte par une balle perdue chez elle, dans un quartier victime de la violence des gangs à Port-au-Prince.
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Charitée Tibreuil, 37 ans, est une mère inquiète. Le 21 mars 2023, sa fille de 13 ans, Virginia Danielle, a été atteinte par balle chez elle.
« Virginia rangeait ses effets scolaires dans son cartable quand soudain, elle a eu l'impression d'avoir été frappée par un caillou qui a plongé tout son corps dans un état de choc », décrit-elle.
Charitée était allée vendre au marché quand l’incident est survenu. La petite Virginia n’était pas allée à l’école, les groupes armées se faisaient la guerre et les tirs d’armes lourdes ont retenti toute la journée. Une balle a alors traversée le toit en taule de la petite maisonnette de Charitée pour toucher sa fille au dos.
« J’ai senti quelque chose toucher mon dos… J’ai passé ma main dessus mais je n’avais pas remarqué du sang. Mais quand le voisin a passé sa main, il a vu que le sang coulait à flot », a relaté la petite fille, toujours en état de choc.
La vie de Virginia était en danger. Avec l’aide des voisins, elle a été amenée à l’hôpital le plus proche, pour une opération urgente. « On lui a fait une radiographie, et le médecin lui a dit qu’on ne pourra pas l’opérer à cause de là où la balle s’est logée. S’il lance l’opération, il y’a de fortes chances que l’enfant soit paralysée », a expliqué Charitée qui a quitté le marché à la hâte pour se rendre au chevet de sa fille.
OCCEDH, partenaire de l’UNICEF, a sauvé la vie de Virginia
Charitée est désespérée et ne sait plus à qui se tourner. C’est alors qu’OCCEDH, une organisation locale partenaire de l'UNICEF, lui est venue en aide, en amenant d’urgence la petite Virginia à l’hôpital tenu par Médecins Sans Frontières (MSF) à Tabarre. L’opération a été un succès.
La violence a un impact dévastateur sur les enfants, tant sur le plan physique que mental. Virginia, qui est en troisième année et adore les mathématiques, ne peut plus aller à l'école pendant qu'elle se remet de ses blessures. La vie de Virginia est sauve et elle se remet de cette épreuve malencontreuse. Cependant, elle semble vivre des troubles du stress post-traumatique (TSPT).
« Quand j’entends des tirs, je sursaute et me cogne dessus. Je crains de rester à la maison. J’ai peur quand ma mère me laisse seule », raconte-t-elle.
Contrainte de rester à la maison, Virginia a hâte de retourner à l'école et de revoir ses amis. Et elle s'inquiète aussi pour eux. « Je veux retourner à l'école quand j'irai mieux, mais j'ai peur pour mes amis qui vivent encore plus près des lieux de violence”, dit-elle.
L’importance des « espaces amis des enfants »
Avant cet incident, Virginia a toujours participé aux activités psychosociales organisées par OCCEDH dans « l’espace ami des enfants » que l’organisation locale tient dans son quartier. Depuis deux ans, la violence sévit à Delmas et Bel-Air, et les populations sont souvent prises entre deux feux quand les gangs rivaux s’affrontent. L’UNICEF en partenariat avec des ONG locales, tient des « espaces amis des enfants » pour fournir un environnement sûr où les enfants peuvent accéder au soutien nécessaire pour faire face à l'impact de la violence armée.
« La santé mentale et le bien-être psychosocial figurent parmi les priorités de la stratégie de protection de l'enfance de la décennie. Les « espaces amis des enfants » offrent une gamme d'activités, y compris le jeu, le sport et l'expression artistique, pour aider les enfants, à surmonter les épreuves dont ils font face” dit Charleston Talleyrand, agent psychosocial à OCCEDH.
En 2022, quelque 9.900 enfants vivant dans les zones de conflit de Port-au-Prince comme Virginia ont bénéficié de ces activités.
Aujourd’hui, Charitée craint pour la sécurité de sa fille et est hantée par l'idée que cet affreux incident puisse se reproduire. « J'ai peur de cette maison mais je n'ai nulle part où aller », dit-elle. Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 1,5 million de personnes, soit la moitié de la population de Port-au-Prince, sont directement touchées par les violences armées et l’exercice de leur liberté de circulation et d'accès aux services de base s’en retrouve restreint.
Pres d’un ménage sur 10 ménages ont connu des incidents de sécurité en Haïti au cours des 12 mois précédant l'évaluation d’OCHA. Ils sont presque un ménage sur quatre dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Ces statistiques alarmantes indiquent que de nombreux enfants en Haïti vivent dans des situations à haut risque et ont besoin d'un soutien ciblé pour faire face à l'impact de la violence armée.
Avec la violence causée par les groupes armés qui accable Haïti, bon nombre de familles ne peuvent plus mener leur petit commerce ou autres activités économiques, ce qui est un facteur aggravant de la pauvreté. En raison de la période de convalescence de sa fille, Charitée, ne peut poursuivre son petit commerce. Elle doit rester au chevet de sa fille, alors que celle-ci doit mieux se nourrir afin que son traitement soit efficace. Pendant quelques jours, elle pourra compter sur l’appui d’OCCEDH pour subvenir à ses besoins.
Charitée se dit que les choses vont s’améliorer car Haïti ne peut pas rester ainsi, indéfiniment. « J'espère vraiment qu'un jour, ça ira mieux. J'ai la foi et je continue à prier. Je suis désespérée mais j’ai encore du courage puisque ma fille est en vie », a-t-elle déclaré.