La clinique mobile se déploie à Cité Soleil
La majorité des centres de santé sont fermés à Cité Soleil à cause de la violence des gangs armés. La clinique mobile intensifie la lutte contre le choléra et la malnutrition.

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Eveline savait que sa journée serait chargée, et qu’elle aurait fort à faire avec des femmes qui sont restées longtemps sans avoir accès à des soins de santé de qualité. La foule qui s’est formée autour d’elle est composée en majorité de femmes, leur bébé sur les cuisses.
« Si la mère souffre de choléra, doit-elle continuer ou non à allaiter son bébé ? » demande Eveline à haute voix, à une audience dubitative. « Elle doit continuer à l'allaiter au sein. L'enfant ne peut pas attraper le choléra par allaitement maternel. Avez-vous compris ? » reprend-elle. « Oui », répondent les femmes à l’unisson.

Eveline Dominique Chery est une experte en santé maternelle, néonatale et infantile à l’UNICEF en Haiti. Depuis que le choléra a resurgi, elle travaille nuit et jour pour répondre adéquate aux besoins des femmes et des enfants exposées à la maladie. Aujourd’hui, elle est à Cité Soleil, une zone en proie à la guerre des gangs, où l’accès aux services sociaux de base est très réduit. L’UNICEF, le ministère de la Santé publique et de la population (MSPP) et l’ONG partenaire Médecins Argentine du Monde y ont déployé une clinique mobile pour combattre le choléra et la malnutrition.
La majeure partie de la population de Cité Soleil vit assiégée par les groupes armés. Les enfants et les familles font face à un manque d'accès à la santé, à la nourriture et à l'eau potable. L'accès aux services de base, tels que les centres de santé, y est considérablement réduit. Seul 4 % de la population ont recours aux centres de santé publics et 64 % desservis par des ONG telles que Médecins sans frontières.
Déployer une clinique mobile à Cité Soleil n’est pas chose facile et requiert maints efforts à plusieurs niveaux. Comme la commune est sous le contrôle des groupes armées, le principe de « Do No Harm » doit être appliqué. Au préalable, une évaluation sécuritaire est menée pour s’assurer que la clinique pourra se déployer dans la zone, et que les femmes et les enfants pourront y avoir accès, sans se mettre en danger. Alors, avec l’ONG partenaire, une équipe de médecins et d’infirmiers est constituée, l’équipement mobilier composé de tables et de chaises pliantes, les kits d’hygiène, et les intrants médicaux tels les médicaments essentiels pour la prise en charge des enfants, des femmes et des hommes, les vaccins pour rattraper le calendrier vaccinal de certains enfants, les bandes MUAC pour dépister la malnutrition et le Plumpy’Nut pour la traiter, rassemblés. La clinique est déployée. Elle consulte environ 200 personnes par jour dont 90% des enfants de moins de cinq ans.
« Dans le cadre de la clinique mobile, une équipe de personnel de santé dépiste tous les enfants souffrant de malnutrition et prend en charge tous les enfants malnutris. Et s’il y a des cas graves qui dépassent leurs compétences, ils les réfèrent à d’autres hôpitaux de la zone », explique Eveline.

A Cité Soleil, un enfant sur cinq souffre de malnutrition. Une évaluation nutritionnelle rapide faite en avril a révélé 20 % de malnutrition aigüe globale, et 5 % de malnutrition aigüe sévère. Les enfants souffrant de malnutrition aigüe sévère courent au moins trois fois plus de risques de mourir du choléra. Et c’est le cas de la fille d’Angelie Mompremier, une mère de 40 ans, très inquiète pour la santé de son enfant de deux ans.
« Mon bébé peut manger mais elle ne trouve pas de la nourriture. Elle ne prend que du lait maternel quand je n’ai pas d’autres aliments à lui donner. Avant, elle ne tombait pas malade mais ces temps-ci, elle est malnutrie et elle a parfois de la diarrhée. Les docteurs m’ont donné des Plumpy’Nut et des médicaments. Je dois lui en donner deux fois par jour », dit-elle.
Le Plumpy’Nut est un aliment thérapeutique prêt à l’emploi (ATPE) regroupant plusieurs ingrédients : arachides, sucre, matières grasses végétales, poudre de lait écrémé et un complexe minéral et vitaminique. En prenant 3 sachets par jour durant six à huit semaines, un enfant souffrant de sous-alimentation avancée pourra complètement se rétablir.

Deux mois après que l'épidémie a été déclarée le 2 octobre 2022, Haïti a atteint ses 1 000 premiers cas de choléra confirmés et 270 décès. Avec la clinique mobile, les agents de santé communautaires et polyvalents (ASCP) sensibilisent les familles sur comment prévenir le choléra et comment apporter de l’aide en urgence à une personne qui présente des symptômes de la maladie qui sont la diarrhée et les vomissements. Les maisons où des cas suspects sont rapportés sont immédiatement désinfectées.
« Avec les nombreux cas de choléra qui ont été rapportés à Cité Soleil, la clinique mobile est une occasion pour l’équipe médicale d’identifier les enfants qui ont la diarrhée, tous ceux qui présentent les symptômes du choléra, enfants comme adultes, pour une première prise en charge ici et après, ils sont référés aux hôpitaux où ils pourront être hospitalisés », précise Eveline.
L’UNICEF continue de déployer la clinique mobile à Cité Soleil où la majorité des centres de santé sont fermés ou ne sont plus opérationnels car le personnel ne peut y accéder à cause de l’insécurité. En parallèle, un des rares centres de santé encore opérationnels dans la zone est appuyé en équipements et intrants médicaux.
En 2023, l'UNICEF fournira des biens et services vitaux aux enfants et aux populations vulnérables dans le contexte de l'insécurité, de la santé et des crises sociales et économiques en Haïti, à condition qu'un financement suffisant et opportun de 210,3 millions de dollars demandé soit reçu.