Initiative Spotlight : Combattre la violence basée sur le genre dans les localités éloignées

L’Initiative Spotlight essaie de venir en aide à ces femmes, en renforçant la sensibilisation au sein de ses communautés.

Jean Panel Fanfan
Des femmes et des formateurs de l'Initiative Spotlight
UNICEF Haiti/2021/Edler
17 juin 2021

La violence basée sur le genre se retrouve partout au sein de la société haïtienne, sans aucune exception. Cependant, dans les endroits les plus reculés, elle a un double effet sur la victime, n’ayant aucun recours, elle se retrouve bien souvent face au mur de l’indifférence et du silence. L’Initiative Spotlight essaie de venir en aide à ces femmes, en renforçant la sensibilisation au sein de ces communautés.

Port-au-Prince, le 15 juin 2021- La voix triste, le regard perdu dans le vide, Adèle (nom d’emprunt), la trentaine, revient sur le calvaire que lui a fait endurer son compagnon et père de ses cinq enfants. Les choses ont commencé à se dégénérer à partir de la naissance du troisième.

J’ai été victime de violence pendant longtemps. Depuis mon troisième enfant, notre vie commune se dégradait. Lorsqu’il m’a frappé le 19 juillet 2020, je ne pouvais plus le supporter et j’ai cherché refuge chez une voisine. J’ai commencé à dormir un peu partout dans le voisinage.

Adèle
Chokarella

« Au mois de décembre, je voulais être chez moi pour les fêtes de fin d’année. Je lui ai demandé d’installer deux portes dans la maison. Il a refusé, et m’a demandé de partir car je ne comptais plus pour lui. Je lui ai proposé 600 gourdes pour qu’il achète des tôles. Il m’a frappée avec un balai et a cassé mon bras.

Adèle, montrant une longue cicatrice sur le bras droit

Le lendemain, sa mère est venue le chercher, me laissant seule avec les cinq enfants dans la maison, sans fenêtres. Je les ai recouvertes avec de vieilles tôles. Quand il pleut, je suis obligée de rester assise.

Adèle
Une seance de formation sur la violence basée sur le genre
UNICEF Haiti/2021/Edler
Une seance de formation sur la violence basée sur le genre, Trou-du-Nord, Haïti

Adele vit à Wòch Plat, dans la commune de Trou du Nord, Département du Nord-Est. En Haïti, 30% des femmes et filles de 15 à 49 ans sont victimes de violence physique. 34% de femmes en couple sont victimes de violences conjugales. 37% des cas de violence génèrent des blessures graves. Mais rares sont les femmes qui acceptent de briser le silence sur cette violence par peur de représailles.

« Plus d’une femme sur quatre accepte qu’un homme batte sa femme »

Les femmes comme Adele, il y’en a beaucoup en Haiti. Cependant, elles ne parlent pas souvent de leur calvaire. « La violence est dans toute la commune et pas seulement à Woch Plat. Les femmes victimes de violence refusent de dénoncer les auteurs, par peur de représailles », a expliqué Dina joseph, coordinatrice a CAPAC.

Selon un sondage U-Report lancé en novembre 2020, 91% des jeunes ont répondu que les filles étaient plus à risque d'être victimes de violence que les garçons, et 62% d'entre eux pensent que les filles et les femmes sont victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques combinées. .

La situation a empiré ces dernières années. Une étude Spotlight publiée en mai 2021 révèle que 25.5% des femmes et 18.5 % pensent qu'il est justifié qu'un homme batte sa femme ou partenaire intime. Les proportions étaient de 16,6 % chez les femmes et 10 % chez les hommes selon l’étude EMMUS VI de 2017. Dans le nord-est, près d’une femme sur trois et un homme sur 10 croit qu’il est justifié de battre sa femme. Plus du tiers (35,9%) des femmes et des filles ayant été victimes d’une ou de plusieurs formes de violence du mari ou partenaire ont eu des coupures, des hématomes ou des douleurs. 33,6 % ont souffert d’entorses, de luxations ou des brûlures. Presqu’une victime sur dix a eu des blessures profondes, des os ou des dents cassés, ou d’autres blessures graves, et près d’une femme sur 10, tous les trois types de blessures réunis.

Les formateurs de l'initiative Spotlight, et quelques participant prenant la pose.
UNICEF Haiti/2021/Edler
Les formateurs de l'initiative Spotlight, Trou-du-Nord, Département du Nord, Haïti

La violence conjugale affecte les enfants. Les enfants témoins de violence sont plus prompts à faire recours à la violence quand ils seront grands.

Quand il me frappait, mon fils lui disait : « Papa arrête! » Comme il est jeune, il se tenait près de moi et ne comprenait pas ce qui se passait. Mais il disait toujours à son père de ne pas me frapper. 

Adèle

Indépendance financière des femmes pour contrer la violence

Dans le cadre de l’Initiative Spotlight financée par l'Union européenne, l’ONG CAPAC, partenaire de l’UNICEF, renforce les associations de femmes en leadership pour mieux les autonomiser. A travers l’Association villageoise d’épargne et de crédit (AVEC), l’ONG fournit aux femmes une aide financière pour développer un petit commerce ou les aide à avoir un toit sur la tête. « Toutes les fins d’année, les fonds sont disponibles et chacune a un projet à financer. Certaines femmes les utilisent pour envoyer leurs enfants à l’école, d’autres pour agrandir leur business, pour construire une maison ou pour acheter un terrain. », explique Magalie Joseph, membre d’AVEC.

Pour sa part, Jean Louis Gladys, elle aussi membre de l’association, explique que l’autonomie financière des femmes a permis de réduire de manière drastique la violence dans la localité. «La violence était fréquente à Wòch Plat quand les femmes n’avaient pas les moyens et que c’étaient les hommes qui donnaient l’argent pour le gaz et les allumettes. Ils avaient plus du tout de respect pour nous. Avec les fonds dont disposent les femmes grâce à cette mutuelle, les hommes n’ont plus le monopole sur elles», explique-t-elle.

L'UNICEF s'associe à l'ONG CAPAC pour promouvoir les normes et valeurs sociales qui protègent les femmes et les filles contre la violence, en particulier au niveau communautaire, soutenir la référence des femmes et des filles victimes de violence pour faciliter l'accès à des services de qualité pour des soins holistiques et équitables, renforcer la résilience par la réinsertion socio-économique comme une issue pour les survivants. CAPAC facilite les activités génératrices de revenus pour les survivants de VBG et la consultation médicale, la scolarisation, le soutien psychologique aux enfants des survivants. CAPAC a touché directement 3 415 hommes, femmes et filles et 90 collectivités locales, et indirectement 3 292 hommes et femmes.

Le programme de l’Initiative Spotlight en Haïti est mis en œuvre par quatre agences des Nations Unies que sont UNFPA, UNICEF, ONU FEMMES et le PNUD, de concert avec les partenaires du gouvernement haïtien.