« Je recommence à vivre ! »
L’Initiative Spotlight garantit un accès à un appui médical, judiciaire, psychologique et psychosocial de qualité aux femmes et aux filles survivantes de violence

Charline (nom d’emprunt) a vu sa vie basculer en une minute ce soir de novembre 2021 quand, en venant du marché, elle tombe nez-à-nez avec des ravisseurs.
« En tant que marchande, même si la situation est tendue, je dois me débrouiller. Je suis allée en ville vaquer à mes occupations. Aux environs de six heures du soir, nous étions cinq femmes à rentrer chez nous quand nous avons été enlevées », a raconté la femme de 29 ans, mère de cinq enfants.
Charline a essayé de réveiller le sens d’humanité en ses personnes qui allaient changer sa vie à jamais, en vain. Elle était déjà considérée comme une monnaie d’échange, un butin pour des chasseurs.
« Lorsque nous avons dit à nos ravisseurs que nous ne possédions rien, même pas de téléphones, ils nous ont répondu qu’ils se contenteraient de ce qu’ils avaient sous la main. Etant partis “à la chasse”, ils ne rentreraient pas “bredouilles”, a-t-elle rapporté, ravagée.
Pendant presque une semaine, Charline a vécu l’enfer. Elle a été violée. Elle a aussi été privée de nourriture par des ravisseurs qui faisaient l’abominable calcul de pertes et profits.
« Nous n’avons pas été battues mais on ne nous a pas donner à manger. Ils disaient que ça ne leur serait pas profitable et qu’ils seraient déficitaires », a-t-elle expliqué.
Une fois sortie de son calvaire, elle est profondément brisée, anéantie mais aussi ruinée car elle a été libérée contre une rançon
« Nous avions vendu tout ce que nous possédions pour ensuite vendre la maison elle-même. Avec la contribution d’autres personnes, nous avons pu réunir 250.000 gourdes haïtiennes ( environ 1,7050 $US). Et je me suis retrouvée dépossédée de tout », s’est résignée la femme qui cherche à reprendre, petit à petit, le cours normal de la vie.
Depuis mi-2020, la violence liée aux groupes armés a fait des milliers de déplacés, des centaines de morts, et de nombreuses personnes enlevées et violées. Selon le rapport, intitulé « Violences sexuelles à Port-au-Prince : une arme utilisée par les gangs pour instiller la peur », publié en octobre 2022 par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), les gangs utilisent la violence sexuelle pour semer la peur.

La valeur ajoutée des services essentiels de qualité
Charline avait besoin d’aide et ne savait pas vers qui se tourner. Elle avait quitté la capitale haïtienne Port-au-Prince pour se réfugier au village.
« Par la suite une amie à moi m’a dit qu’elle connaissait OFAVA, une organisation qui pourrait m’aider à trouver un logement pour moi et les enfants », a-t-elle raconte.
A travers l’Initiative Spotlight mis en œuvre depuis 2020 financée par l’Union européenne, l’UNICEF et ses partenaires comme OFAVA fournissent des services de qualité aux femmes et aux filles survivantes de violence, en leur offrant un paquet d’assistance holistique de suivis médicaux, d’appui psychologique, psychosocial et judiciaire, d’accueil, d’hébergement et de réinsertion sociale et scolaire.
« Nous accompagnons des femmes et des filles des quartiers populaires survivantes de violence et de kidnappings par les gangs armés. Nous leur offrons un hébergement temporaire qui peut durer jusqu’à trois mois », a expliqué Lamercie Charles Pierre, présidente de l’ONG OFAVA. « Nous avons un personnel qualifié, deux psychologues et cinq travailleurs sociaux qui conduisent les séances de thérapie pour les femmes et les filles ».
L’appui d’OFAVA a été d’un grand à Charline et à ses enfants.
« L’appui psychologique les a aidés, et ils ont eu accès à des soins de santé à l’hôpital où ils sont restés pendant un mois. Afin qu’ils retournent à l’école, les frais scolaires ont été pris en charge par l’organisation », a-t-elle dit, très reconnaissante.
L’accès des survivantes à la justice est également facilité. En 2022, 50% des cas de violence contre les femmes et les filles signalés, ont été rapportés à la police et devant les tribunaux, en vue d’éventuelles poursuites judiciaires.

Les défis d’une prise en charge holistique persistent
« En Haïti, malgré les progrès observés dans l’accès aux services essentiels pour les femmes et les filles survivantes de violence, peu d’entre elles ont accès à ces services qui sont primordiaux pour leur protection, leur sécurité, leur santé et leur relèvement. Et là où ces services existent, le manque de financement et d’effectifs formés rendent difficile la prise en charge », a clarifié Herby Cadet, chargé de protection de l’enfance à l’UNICEF en Haïti.
L’UNICEF contribue à offrir un refuge et un espace sûr aux survivantes, avec la possibilité de recevoir parfois un membre de la famille, d'être délocalisées vers un lieu plus sûr, ainsi que des formations en microfinance aux adultes ou aux parents des survivantes mineures pour mieux renforcer leur résilience.
Charline a reçu une aide financière pour redémarrer ces activités. Aujourd’hui, elle se relève petit-à-petit, laissant derrière elle, les souvenirs sombres de sone enlèvement.
« J’ai reçu une aide financière qui m’a permis de reprendre mes activités et c’est pour cela que je suis revenue à Port-au-Prince. Sans cet appui, j’allais perdre la tête. Comparé à ma situation d’avant, je me sens mieux. J’ai recommencé à vivre normalement, j’ai presque oublié l’incident qui s’est produit », a-t-elle dit, souriante.
Dans le cadre de l’Initiative Spotlight, l’UNICEF et les agences des Nations unies dont le PNUD, UNFPA, UNWOMEN travaillent en étroite collaboration avec la société civile pour fournir des services de qualité aux femmes et aux filles survivantes de violence, afin d’améliorer leur prise en charge et leur garantir l’accès à leurs droits.