L'énigme de l'Asie
par Vulimiri Ramalingaswami, Urban Jonsson
et Jon Rohde
On a longtemps associé malnutrition infantile et Afrique
subsaharienne. Les tableaux des pages 18 et 19 montrent cependant clairement
que la région la plus touchée n'est pas l'Afrique, mais l'Asie
du Sud. Au Bangladesh et en Inde, par exemple, les taux de malnutrition
dépassent largement ceux des pays d'Afrique subsaharienne les plus
pauvres.
Si l'on considère les nombres absolus, on doit s'attendre à
une concentration des problèmes de pauvreté en Asie du Sud,
à cause de la taille de la population: à elle seule, l'Inde
compte moitié plus d'habitants que 47 pays d'Afrique subsaharienne
ensemble. Mais quand la proportion des personnes affectées est elle
aussi plus élevée -- comme c'est le cas pour la malnutrition
infantile -- le problème prend une nouvelle ampleur. C'est ainsi
qu'à eux seuls trois pays (Bangladesh, Inde et Pakistan) regroupent
la moitié des enfants malnutris du monde.
Curieusement, ces chiffres ont suscité peu d'études. Les
nutritionnistes eux-mêmes n'ont pas suffisamment poussé leurs
recherches et n'ont pu se mettre d'accord sur les raisons pour lesquelles
le taux de malnutrition des enfants est tellement plus élevé
en Asie du Sud que partout ailleurs.
Dans cet article, trois experts de la nutrition et de la santé
de l'enfant, travaillant tous trois en Asie, avancent, à partir de
leur expérience combinée et des informations disponibles,
une explication possible de l'énigme de l'Asie.
Pourquoi la malnutrition est-elle si fréquente chez les enfants d'Asie
du Sud?
La pauvreté, qui est la cause majeure et immédiate de la malnutrition,
est certes présente en Asie du Sud -- mais en Afrique subsaharienne
le pouvoir d'achat moyen est presque identique.
La réponse ne se trouve pas non plus dans le rendement agricole;
la production alimentaire par habitant est plus ou moins la même dans
les deux régions (mais elle diminue en Afrique subsaharienne alors
qu'elle progresse en Asie du Sud).
On ne peut pas non plus incriminer le taux plus élevé de mortalité
des enfants en Afrique, qui retire de nombreux enfants des statistiques
de la malnutrition. La différence dans les taux de mortalité
des enfants de moins de cinq ans -- dont la moitié à peu
près doit être en rapport avec
la malnutrition -- étant d'environ 50 points de pourcentage en
moyenne entre les deux régions, l'effet maximal de la mortalité
accrue sur les taux de malnutrition des enfants ne pourrait donc guère
dépasser les sept points de pourcentage.
L'inégalité extrême, qui conduit beaucoup d'individus
à la misère, est un autre facteur possible que les moyennes
risquent de masquer; mais l'inégalité ne semble pas nettement
plus marquée en Asie du Sud qu'en Afrique (en fait, la réputation
de plus grande égalité dont jouit l'Afrique est peut-être
un mythe: les 20 % les plus pauvres de la population se partagent seulement
de 2 à 4 % du revenu national au Kenya, en République-Unie
de Tanzanie et au Zimbabwe, contre 8 à 9 % au Bangladesh, en Inde
et au Pakistan).
Photo (ci-dessus): Au Bangladesh et en Inde, par exemple,
les taux de malnutrition dépassent ceux des pays africains les plus pauvres. ©
Ni la pauvreté,
ni l'alimentation
Il ne semble pas non plus raisonnable d'accorder beaucoup de crédit
à une autre croyance populaire selon laquelle la malnutrition en
Asie du Sud est le résultat de l'alimentation principalement végétarienne.
Il est sans doute vrai qu'un régime exclusivement à base de
plantes ne peut satisfaire les besoins énergétiques et nutritifs
élevés (par rapport au poids corporel) d'un jeune enfant.
Mais les familles végétariennes disposent en Inde d'un vaste
choix de produits laitiers, alors que les protéines animales sont
parfois rares dans l'alimentation des pauvres en Afrique.
Il est tout aussi difficile d'imputer le problème aux carences des
pouvoirs publics. Le gouvernement indien, par exemple, a déployé
le plus vaste effort de l'histoire pour améliorer les normes nutritionnelles:
son programme de services intégrés de développement
de l'enfant, lancé il y a 20 ans, couvre aujourd'hui 400 000 des
600 000 villages du pays.
L'explication ne se trouve pas davantage dans les théories obsolètes
sur l'inadéquation des normes internationales de croissance pour
les pays asiatiques. Le débat sur les modèles de croissance
est clos. Une récente enquête de la Fondation indienne pour
la nutrition a montré une fois de plus que les courbes de croissance
des enfants issus de familles indiennes aisées obéissaient
aux mêmes tendances que celles des enfants qui bénéficient
d'une alimentation correcte dans d'autres régions du monde 1.
Au moins jusqu'au début de l'adolescence, les enfants bien nourris
et bien soignés suivent la même courbe de croissance, qu'ils
soient nés à Nairobi, à New Delhi ou à New York.
Les différences observées dans les taux de croissance en Asie
du Sud signifient donc que les enfants du sous-continent sont ou moins bien
nourris ou moins bien soignés, ou les deux à la fois. Nous
excluons bien sûr de cette affirmation générale les
victimes des famines qui ont frappé l'Afrique ces dernières
années et que les gouvernements d'Asie du Sud ont eu le grand mérite
d'éviter.
Quels sont donc les facteurs associés à la malnutrition en
Asie du Sud qui expliquent les niveaux nettement plus médiocres de
nutrition des enfants?
Répondre à cette question est une entreprise risquée
car il s'agit de formuler des généralisations à propos
de deux régions si diverses. Mais il existe clairement dans le bien-être
nutritionnel de ces deux régions une différence générale
qui justifie que nous recherchions d'autres explications.
Le poids de naissance
Quel meilleur point de départ pour cette recherche que le poids de
naissance? Dans tous les pays et toutes les cultures, l'insuffisance pondérale
à la naissance est le plus sûr présage de malnutrition;
des études ont montré qu'un poids de naissance inférieur
à 2500 grammes est étroitement associé à une
mauvaise croissance, pendant la première année de vie, mais
aussi tout au long de l'enfance. Et c'est là que nous trouvons le
premier indice vraiment utile pour résoudre l'énigme de l'Asie
du Sud.
Un tiers environ des nourrissons en Inde et la moitié au Bangladesh
naissent avec un poids insuffisant. En Afrique subsaharienne, la proportion
est d'environ un sur six (dont une partie peut être attribuée
au paludisme). Ces variations permettent à elles seules de donner
un début d'explication aux différences décelées
dans les taux de malnutrition des enfants des deux régions.
Mais pourquoi l'insuffisance pondérale à la naissance est-elle
beaucoup plus répandue en Asie du Sud?
Un faible poids de naissance indique que le ftus n'a pas été
correctement nourri pendant la gestation et/ou que sa mère a souffert
de malnutrition dans son enfance, son adolescence et sa grossesse. La proportion
de nouveau-nés de poids insuffisant reflète donc la condition
des femmes, particulièrement leur santé et leur nutrition,
non seulement pendant la grossesse, mais tout au long de leur enfance et
de leur jeune vie.
Une femme devrait en moyenne gagner dix kilos au cours de sa grossesse.
Les données recueillies suggèrent que la plupart des femmes
africaines se rapprochent probablement de ce chiffre, alors que la majorité
des femmes en Asie du Sud ne prennent vraisemblablement guère plus
de cinq kilos 2.
Photo (ci-dessous): Une alimentation adéquate
est certes essentielle pour la croissance normale d'un jeune enfant, mais
elle n'y suffit pas.©
Cela signifie-t-il que les filles et les femmes en Asie du Sud sont moins
bien considérées et moins bien soignées qu'en Afrique
subsaharienne? Force est de répondre par l'affirmative. Ainsi, l'Asie
est la seule région à enregistrer un rapport entre l'espérance
de vie respective des hommes et des femmes nettement inférieur aux
normes mondiales.
Pour ceux qui ont travaillé à la fois en Asie du Sud et en
Afrique subsaharienne, des différences manifestes confirment le tableau
brossé par les statistiques. En Asie du Sud, les filles et les femmes
semblent en général entourées de moins de soins par
leur famille, leur compagnon et leur société. Dans les deux
régions, il est fréquent que les hommes mangent plus et mieux,
laissant aux femmes et aux enfants les morceaux les moins abondants et les
moins prisés; en Asie du Sud, la mère nourrira ensuite ses
fils du mieux qu'elle peut, aux dépens de son bien-être nutritionnel
et de celui de ses filles. Les femmes dans les deux régions, dans
toutes les régions d'ailleurs, peuvent être subordonnées;
mais les exigences que les sociétés patriarcales d'Asie du
Sud font peser sur le temps et l'énergie des femmes sont visiblement
plus excessives et injustes que dans d'autres régions du monde.
L'incidence de l'insuffisance pondérale à la naissance est
un témoin clair de la situation. On en a un autre avec le taux d'anémie.
Près de 40 % des femmes en Afrique subsaharienne souffrent d'anémie
ferriprive, contre environ 60 % des femmes en Asie du Sud, une proportion
qui s'élève à 75 % pendant la grossesse (et au chiffre
consternant de 83 % en Inde).
En bref, le manque de sollicitude envers les femmes et les filles de la
part de leurs compagnons et de leurs aînés est la première
raison majeure qui explique que les niveaux de malnutrition des enfants
soient nette-ment plus élevés en Asie du Sud que dans toute
autre région du monde.
Heureusement, il semble qu'un changement s'amorce. En Inde notamment, les
dernières années du XXe siècle pourraient
constituer un point d'inflexion dans le graphique du statut et du bien-être
des femmes. La progression de l'action pour les femmes se traduit
par la hausse extraordinaire du nombre de celles ayant désormais
accès aux soins prénatals -- environ 60 % contre un peu
plus de 30 % il y a seulement dix ans. L'action croissante menée
par les femmes se manifeste également dans la multiplication
rapide des groupes organisés féminins de toutes sortes --
depuis les sociétés d'épargne jusqu'aux syndicats --
qui étaient rares en 1980, et se comptent aujourd'hui par plusieurs
centaines de milliers.
Puisque les taux de malnutrition des enfants de moins de cinq ans sont plus
élevés que l'incidence de l'insuffisance pondérale
à la naissance, ce facteur ne peut être tenu à lui seul
pour responsable de tout l'écart observé entre les statuts
nutritionnels de l'Asie du Sud et de l'Afrique subsaharienne. Mais les conditions
sociales qui se cachent derrière les insuffisances pondérales
à la naissance continuent d'affecter le bien-être nutritionnel du jeune enfant.
Il faut maintenant nous pencher sur ce qui arrive après la naissance.
Alimentation et maladie
Pour obtenir une image claire des principaux déterminants d'une bonne
nutrition dans les premiers mois et les premières années de
la vie, il est nécessaire d'en finir avec un mythe extrêmement
répandu.
On pense encore très souvent que le manque de nourriture est la seule cause de la malnutrition. Mais si cela
était vrai, pourquoi tant de communautés ayant des aliments
en suffisance souffrent-elles néanmoins de malnutrition? Pourquoi
ces millions de familles où les très jeunes enfants sont malnutris,
contrairement aux adultes et aux autres enfants? Pourquoi la malnutrition
frappe-t-elle plus fréquemment les enfants entre six mois et deux
ans, quand les besoins alimentaires de l'enfant sont relativement modestes,
plutôt qu'après le deuxième anniversaire, alors que
les besoins alimentaires sont nettement plus importants?
En fait, un très jeune enfant n'a besoin que de petites quantités
de compléments alimentaires. Prenons un enfant dont les besoins quotidiens
sont de 1000 kilocalories, mais qui en reçoit seulement 700; cette
différence de 300 ne représente pas plus de 2 % ou 3 % des
12 000 kilocalories ou davantage qu'une famille pauvre consomme en moyenne
par jour.
Pour la plupart des familles pauvres, le vrai problème n'est pas
le manque d'aliments, mais les coûts démesurés, en argent,
en temps et en énergie, requis pour mettre cette nourriture sur la
table -- ce qui signifie qu'il ne reste pas assez de ces ressources
pour investir dans d'autres facettes de la vie.
Néanmoins, pour ce qui nous intéresse, la disponibilité
de vivres n'est généralement pas le problème. Une alimentation
adéquate est certes essentielle pour la croissance normale d'un jeune
enfant, mais elle n'y suffit pas. Une bonne nutrition, dans les premiers
mois de la vie, est plus souvent déterminée par les pratiques
alimentaires -- le bon aliment est-il donné au bon moment et
de la bonne manière? -- et par la fréquence, la gravité
et la durée des maladies.
La maladie fait perdre l'appétit. Elle inhibe l'absorption des nutriments.
La fièvre, la lutte contre l'infection brûlent des calories.
Les vomissements et la diarrhée éliminent des nutriments.
Le métabolisme du corps est modifié par des mécanismes
que l'on ne comprend pas encore très bien, de sorte qu'il reste moins
d'énergie et de nutriments disponibles pour le développement.
Toutes les maladies entravent donc la croissance de l'enfant. Si celui-ci
est souvent malade, et s'il n'est pas soigné correctement, ces agressions
régulières font baisser ses réserves nutritionnelles
et contrarient sa croissance, ce qui diminue ses défenses en endommageant
les muqueuses et en abaissant l'immunité. L'enfant est rendu plus
vulnérable à des maladies qui sapent à nouveau ses
réserves nutritionnelles. Cette spirale d'infections fréquentes
et de développement contrarié aboutit à des retards
de croissance à long terme et, pour beaucoup d'enfants, à
une mort prématurée 3.
La fréquence des maladies dépend de nombreux facteurs, mais
particulièrement de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement.
Chaque nation ayant sa propre définition de l'approvisionnement en
eau, il est impossible de comparer avec précision la situation dans
les deux régions. De façon générale, il semble
toutefois qu'une proportion plus élevée de familles ait accès
à un approvisionnement en eau en Asie du Sud qu'en Afrique subsaharienne,
mais que l'Asie du Sud soit en retard sur le plan de l'assainissement, surtout
dans les zones rurales où vit encore la plus grande partie de la
population. Or, ce ne sont pas tant l'eau et l'assainissement qui empêchent
la maladie que l'utilisation faite de ces équipements. Ici
encore, ceux qui ont travaillé à la fois en Asie du Sud et
en Afrique subsaharienne auront remarqué des écarts très
prononcés dans les normes d'hygiène des deux régions.
L'hygiène tend à s'améliorer avec les revenus. Partout
dans le monde, il est difficile pour les pauvres d'en respecter strictement
les règles, et c'est virtuellement impossible pour les pauvres vivant
dans des conditions de surpeuplement. L'une des différences les plus
spectaculaires entre les deux régions réside justement dans
les densités de population. En moyenne, l'Asie du Sud compte dix
fois plus de personnes au kilomètre carré que l'Afrique subsaharienne
(230 contre 23), dont beaucoup sont entassées dans des bidonvilles
sur une échelle encore jamais vue ailleurs dans le monde. Et qu'il
s'agisse de l'hygiène personnelle, de la propreté des mains
et des aliments, de l'utilisation des latrines, de l'évacuation sûre
des détritus et des eaux usées, du nettoyage des vêtements
ou de la situation globale du foyer, il ne fait aucun doute que la surpopulation
contribue à donner un environnement moins sain aux enfants d'Asie
du Sud.
Ce manque général d'hygiène accroît le fardeau
de la maladie et constitue la deuxième raison majeure des niveaux
nettement plus élevés de malnutrition chez les enfants d'Asie
du Sud.
Mais il soulève une autre énigme. Si l'hygiène est
nettement moins bonne et si la malnutrition des enfants est très
fortement associée aux décès d'enfants 5. C'est une différence significative
à un stade critique, les chemins nutritionnels des nourrissons des
deux régions divergeant nettement alors. Pourquoi?
Deux hypothèses se présentent. La première est que
l'allaitement maternel est d'une certaine façon inadapté parce
que les bébés ne sont pas nourris de la bonne manière.
Si les tétées ne sont pas assez fréquentes, par exemple,
les besoins de l'enfant ne seront pas satisfaits. Ou si l'enfant n'est pas
mis au sein dans les heures qui suivent la naissance, il peut se révéler
difficile d'établir la lactation. Et si les bébés ne
sont pas nourris exclusivement au sein, le risque d'infection et de ralentissement
de la croissance sera nettement plus élevé.
Ce dernier point est peut-être fondamental. L'expression «allaitement
maternel exclusif» soulève bien des débats. Mais elle
signifie exactement ce qu'elle dit -- le bébé ne doit
rien avaler d'autre. Si, par exemple, un nourrisson reçoit de temps
à autre de l'eau dans une tasse ou un biberon, ou s'il suce un peu
de miel sur le doigt d'un adulte voulant lui faire plaisir, il ne s'agit
plus d'allaitement maternel exclusif -- et le résultat peut être
un risque accru d'infection et de retard de croissance.
Ainsi, la manière dont les nourrissons sont allaités peut
rendre l'alimentation au sein inadaptée aux besoins de l'enfant.
Mais, à première vue, il semble peu probable que les femmes
d'Afrique subsaharienne respectent plus strictement la définition
correcte de l'allaitement maternel exclusif que leurs surs d'Asie
du Sud.
L'autre explication possible, déjà mentionnée dans
un autre contexte, est que l'allaitement maternel ne convient pas, non en
raison des manières différentes dont les femmes d'Asie du
Sud allaitent leur bébé, mais parce que le bien-être
des femmes est sensiblement différent entre les deux régions,
et que les femmes africaines jouissent d'une meilleure santé, d'une
meilleure nutrition et de meilleurs soins -- ce qui leur permet d'allaiter avec succès plus longtemps.
D'autres aliments au bon moment
A un moment donné vers l'âge de six mois, tous les enfants
ont besoin d'autres aliments, en plus du lait maternel, sous peine de devenir
malnutris. L'introduction de cette alimentation d'appoint au bon moment, de la
bonne manière et avec les bons produits, marque une nouvelle étape
critique dans les progrès nutritionnels de l'enfant.
Si les aliments complémentaires sont introduits trop tard, la croissance
de l'enfant sera compromise; s'ils sont proposés trop tôt,
elle sera menacée par l'infection. De plus, les enfants ont un petit
estomac et des besoins énergétiques et nutritifs élevés
par rapport à leur taille, aussi faut-il les nourrir cinq ou même
six fois par jour, de préférence avec des aliments enrichis
de petites quantités d'huile ou autres corps gras.
Tout cela se produit, ou devrait se produire, à un moment où
la croissance du cerveau et du corps de l'enfant est encore rapide et vulnérable.
A ce stade, les pratiques alimentaires inadaptées peuvent donc avoir
une influence considérable sur la croissance de l'enfant.
Quelles divergences peut-on observer dans ces pratiques alimentaires en
Asie du Sud et en Afrique subsaharienne?
La différence critique semble résider dans le moment choisi
pour l'introduction d'autres aliments. En Afrique subsaharienne, la proportion
d'enfants âgés de six à neuf mois allaités au
sein recevant des aliments complémentaires est presque de deux tiers.
Au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, elle est inférieure à
un tiers.
Quand les données nationales sont détaillées, le problème
apparaît plus spectaculaire encore. Dans l'Etat indien du Rajasthan,
à peine 9 % des nourrissons de six à neuf mois reçoivent
des aliments complétant le lait maternel. Il est donc presque sûr
que la grande majorité des nourrissons du Rajasthan, et de nombreuses
autres régions indiennes, sont engagés sur la voie de la malnutrition
par ce décalage notable entre le moment où le lait maternel
ne suffit plus et l'introduction d'autres aliments qui sont nécessaires.
On a récemment constaté que, pour de nombreux enfants indiens,
le ralentissement de la croissance commence dès quatre mois, ce qui
rend ces différences encore plus critiques. Car si l'allaitement
maternel ne satisfait pas tous les besoins nutritionnels d'un enfant pendant
la totalité des six premiers mois de la vie, pour l'une ou l'autre
des raisons que nous avons citées, des millions d'enfants indiens
devraient donc, dans la pratique, recevoir d'autres aliments à l'âge
de quatre mois pour maintenir une croissance normale.
En d'autres termes, de nombreux enfants d'Asie du Sud ont besoin d'une alimentation
complémentaire plus tôt, mais ils la reçoivent plus
tard.
Cette différence dans l'allaitement maternel et dans le moment de
l'introduction d'autres aliments, se produisant à ce stade vital
et vulnérable de la croissance d'un enfant, est la troisième
et peut-être la plus importante raison des écarts observés
dans la nutrition infantile entre les deux régions.
Enfin, les pratiques alimentaires peuvent également influencer la
croissance au moins de trois autres manières, qui peuvent toutes
atténuer l'effet des maladies à cet égard. Premièrement,
il est important de tenter de faire manger, ne serait-ce qu'un peu, un enfant
malade (qui perd l'appétit). Deuxièmement, il faut continuer
à lui donner à manger et à boire (et, en particulier,
poursuivre l'allaitement). Troisièmement, un enfant devrait recevoir
un repas supplémentaire par jour pendant au moins une semaine après
une maladie, afin qu'il puisse rattraper la croissance perdue. Ces pratiques,
qui sont toutes influencées par les diverses croyances culturelles
et traditionnelles, ont un effet cumulatif appréciable sur le bien-être
nutritionnel d'un enfant. Malheureusement, on a encore trop peu de données
pour identifier de grandes différences entre l'Asie du Sud et l'Afrique
subsaharienne dans ces domaines.
Les soins aux enfants
Il ressort à l'évidence de cette analyse que c'est la «qualité
des soins aux enfants» qui est la plus importante. Que nous parlions
de la qualité et de la fréquence des repas d'un enfant, du
degré de stimulation et d'interaction avec les parents, de la prévention
des maladies et de l'hygiène familiale, de l'utilisation des services
de santé et de la surveillance régulière de la croissance,
nous revenons constamment à la question de savoir si l'enfant reçoit
oui ou non des soins appropriés.
Photo (ci-dessous): Les femmes sont subordonnées
dans la plupart des régions du monde, mais de par sa forme et son
ampleur, la subordination des femmes d'Asie du Sud est d'un ordre différent.
Et la qualité des soins donnés aux enfants en souffre, comme
d'ailleurs la qualité de vie des femmes elles-mêmes.©
La qualité des soins donnés à l'enfant est rarement
abordée, peut-être parce qu'on juge que c'est une activité
privée, difficile à quantifier. Peut-être craint-on
également que le relief accordé aux soins de l'enfant ne devienne
trop facilement une «condamnation de la victime» ou, dans ce cas,
des parents de la victime. Mais cela ne saurait justifier d'éviter
une question qui détermine dans une telle mesure si un enfant souffrira
ou non de malnutrition.
Bien qu'une participation accrue des pères -- dans tous les pays
et toutes les cultures -- soit l'une des priorités les plus fondamentales
pour améliorer les soins et l'éducation des enfants, dans
la pratique ce sont surtout les mères qui s'en occupent. Et la première
chose à dire est que malgré tout l'amour qu'une mère
porte à ses enfants, il lui est absolument impossible de leur donner
des soins de qualité si elle est pauvre et opprimée, analphabète
et peu informée, anémique et malade, qu'elle a cinq ou six
autres enfants, vit dans un taudis ou un bidonville, ne dispose ni d'eau
potable ni d'assainissement sûr, et si elle manque du soutien requis
des services de santé, de sa société ou du père
de ses enfants.
Nous parlons donc autant des soins accordés à
la mère que des soins donnés par la mère.
Il y a mille façons dont l'assistance accordée à la
mère détermine la qualité des soins donnés aux
enfants et donc le bien-être nutritionnel des enfants. Or, il existe
bien une différence marquée dans la qualité globale
de ces soins en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne.
Meilleur statut
de la femme africaine
Nous pensons que cette différence réside essentiellement en
ce que dans l'ensemble les femmes d'Afrique subsaharienne -- et particulièrement
les pauvres -- jouissent de plus de possibilités et de libertés
que les femmes d'Asie du Sud. C'est une différence perçue
non pas tant dans les statistiques de l'alphabétisation ou de l'âge
du mariage que dans les possibilités manifestement plus larges d'interaction
sociale et d'indépendance. Les femmes en Asie du Sud, par exemple,
sont souvent soumises à des restrictions qui les empêchent
même de quitter la maison, à plus forte raison de chercher
d'autres occasions d'améliorer leur vie ou de trouver un emploi rémunéré
(la moitié environ des femmes en Afrique subsaharienne ont une activité
économique quelconque hors de leur domicile, contre un quart en Asie
du Sud).
Ce manque de liberté des femmes dans nombre des communautés
pauvres d'Asie du Sud limite les possibilités d'interaction même
entre femmes. Il réduit donc la transmission de nouvelles connaissances
sur les questions de santé et de soins aux enfants, sape l'amour-propre
des femmes et les place dans une accablante dépendance à l'égard
du mari.
En Afrique, il est reconnu que le premier devoir d'une femme est de s'occuper
des enfants de son mari et de s'en occuper bien -- une attitude qui
est apparente dans une foule de petits détails et même dans
les perceptions différentes de la beauté et des définitions
masculines de la minceur et de la grosseur chez les femmes. En Asie du Sud,
au contraire, la société et les traditions obligent une femme
à placer son mari et sa belle-mère au centre de ses responsabilités.
Subordonnées d'une manière différente, se voyant largement
refuser toute faculté de jugement, d'expression personnelle et d'indépendance,
des millions de femmes en Asie du Sud n'ont ni les connaissances, ni les
moyens, ni la liberté d'agir au mieux de leurs intérêts
et de ceux de leurs enfants. Les femmes sont subordonnées dans les
deux continents, comme elles le sont en fait dans la plupart des régions
du monde, mais de par sa forme et son ampleur, la subordination des femmes
d'Asie du Sud est d'un ordre différent. Et la qualité des
soins donnés aux enfants en souffre, comme d'ailleurs la qualité
de vie des femmes elles-mêmes.
Quelles solutions se dégagent de cette recherche des raisons pouvant
expliquer les larges différences nutritionnelles entre l'Afrique
subsaharienne et l'Asie du Sud?
Premièrement, il est nécessaire de créer un consensus
sur la nature du problème.
Eduquer les filles
Il est essentiel pour cela de reconnaître que les taux exceptionnellement
élevés de malnutrition en Asie du Sud prennent leur origine
profonde dans les inégalités entre les hommes et les femmes.
Et pour insolubles que puissent paraître les problèmes les
plus fondamentaux, il convient de rappeler qu'un changement profond se produit
aujourd'hui dans d'autres sociétés où l'inégalité
entre les sexes semblait jadis devoir être éternelle.
Pour introduire des changements, un effort soutenu et durable doit être
consenti afin que les femmes jouissent de libertés, de possibilités
et de droits égaux -- y compris le droit de participer à
la prise de décisions au sein du foyer et en dehors de la famille.
Le progrès sur cette voie se manifestera par une amélioration
de la santé, de l'éducation et de la nutrition pour les femmes,
une réduction de l'incidence de l'insuffisance pondérale à
la naissance, un accès élargi aux services de base et une
maîtrise accrue de la fécondité. Tous ces objectifs
de développement sont prioritaires en eux-mêmes, mais ils sont
aussi un moyen par lequel il est possible de vaincre la malnutrition des
enfants.
La question de l'égalité des sexes n'est pas justiciable d'un
type quelconque de mesures techniques, mais on peut affirmer que l'intervention
la plus efficace, «la clé de tous les problèmes»,
est l'éducation des filles. Les recherches menées ces vingt
dernières années dans de nombreuses régions du monde
ont maintes fois démontré que des filles instruites ont toutes
les chances de disposer d'un éventail accru de possibilités,
d'être plus confiantes en elles-mêmes, moins liées par
la tradition et plus enclines
à exercer leurs droits et leur jugement. Il est aussi probable qu'elles
utiliseront plus volontiers les services modernes de santé et de
planification familiale, partageront la prise de décisions à
la maison et dans la communauté, tendront à envoyer leurs
propres filles à l'école et que leurs enfants grandiront en
meilleure santé et bien nourris.
Placer l'accent
sur les droits
Deuxièmement, il est important que la question de la malnutrition
quitte le domaine de l'aide sociale et figure dans les programmes relatifs
aux droits. C'est le droit d'un enfant que de recevoir des soins appropriés
et de grandir au mieux du potentiel physique et mental avec lequel il est
né 6. Mais dans la pratique, cela ne signifiera pas grand-chose
si la violation des droits des femmes continue d'être considérée
comme un phénomène normal et acceptable. Les droits des femmes
-- y compris leur droit à l'éducation, à la dignité
et au respect, au temps libre, au repos, à une alimentation correcte
et à des soins de santé, à des ressources et à
des soins spéciaux pendant la grossesse et l'accouchement --
sont une priorité non seulement en tant que tels, mais aussi comme
volet fondamental de toute solution permanente au problème particulier
de la malnutrition des enfants.
Placer l'accent sur une approche des droits par opposition à une
approche d'aide sociale peut sembler un souci théorique. Mais il
existe une différence très pratique dans les processus qui
seront probablement développés à partir de ces deux
points de départ. L'expérience des vingt dernières
années a montré qu'une approche de protection sociale devient
trop facilement un processus qui traite les gens seulement comme des assistés,
des bénéficiaires passifs, aboutissant à tous les échecs
et les problèmes familiers qui se soldent par l'aliénation
et les solutions provisoires. Une approche axée sur les droits permet
quant à elle de considérer les pauvres comme des acteurs clés
du processus de développement, faisant fond sur leurs propres stratégies
pour agir, au lieu de les ignorer, et conduisant au type de participation
et de propriété communautaires qui est la clé de toute
amélioration durable.
Il est notamment essentiel de faire participer les organisations communautaires
au processus d'évaluation, d'analyse, d'action et de réévaluation
du problème de la nutrition des enfants pauvres. La sensibilisation
des communautés et leur compréhension du problème est
la plate-forme de base à soutenir, car elle apportera la solution.
Mieux comprendre
la malnutrition
Troisièmement, il est nécessaire d'élargir le
consensus des nutritionnistes. On comprend infiniment mieux les causes de
la malnutrition depuis quelques années, mais ces progrès dans
les connaissances ne sont pas encore suffisamment traduits par les politiques
nouvelles. Il est maintenant établi que la grande majorité
des enfants malnutris (autres que ceux qui sont nés avec un poids
insuffisant) ont commencé à souffrir de malnutrition au cours
de la période comprise entre la naissance et l'âge de deux
ans, et que le progrès passera par la prévention fondée
sur les éléments dont on sait maintenant qu'ils sont fondamentaux
pour une bonne nutrition -- une santé et un apport alimentaire
adéquats, deux facteurs qui dépendent des soins bien
informés donnés aux jeunes enfants, assortis d'un soutien
approprié. Pourtant, aujourd'hui encore, le plus gros des efforts
de lutte contre la malnutrition -- pour lesquels des dizaines de milliards
de dollars sont dépensés dans le monde entier --est axé
autour de programmes d'alimentation pour des enfants âgés de
plus de trois ans. Ainsi, le programme indien de services intégrés
de développement de l'enfant déjà cité atteint
les deux tiers des enfants du pays afin de tenter d'améliorer leur
santé, leur nutrition et leur développement; mais il profite
essentiellement aux enfants âgés de trois à cinq ans
et a donc un faible impact nutritionnel. Tous les programmes actuels qui
visent spécifiquement à améliorer la nutrition des
enfants doivent reconnaître que la tâche est d'empêcher
un enfant de souffrir de la malnutrition avant l'âge de deux ans.
Ces nouvelles connaissances des questions nutritionnelles doivent maintenant
se traduire par une vaste compréhension -- parmi les ministères,
les planificateurs, les services de santé, les communautés
et les parents -- de la véritable nature du problème.
Faute d'un tel accord sur les causes
de la malnutrition, il est peu probable qu'un consensus apparaisse sur les
actions prioritaires concrètes qui sont requises.
Si nous progressons vers l'égalité des femmes, ces actions
prioritaires pourraient commencer à faire une différence notable
dans les prochaines années. Elles incluront, par exemple, un effort
majeur pour s'assurer que toutes les familles et tous les agents de santé
connaissent l'importance d'une meilleure alimentation et de davantage de
repos pendant la grossesse, de l'allaitement maternel exclusif pendant les
premiers mois de la vie et de l'introduction d'aliments complémentaires
bien choisis de la bonne manière et au moment voulu. De même,
si les individus sont considérés comme des acteurs clés
dans le processus d'amélioration, une autre priorité évidente
doit être d'accroître l'accès aux informations dont on
dispose à l'heure actuelle sur la meilleure façon de nourrir
un enfant qui grandit et de prévenir et traiter les maladies de l'enfance
de manière à protéger la croissance normale. Les communautés
doivent avoir accès non seulement à l'eau potable, à
l'assainissement sûr et aux soins de santé primaires --
qui demeurent une priorité partout où ces services les plus
essentiels font défaut -- mais également à l'information,
à la confiance et au soutien qui permettent finalement de réduire
la maladie.
Pour conclure
Les pays d'Asie du Sud doivent maintenant reconnaître que leurs niveaux
nutritionnels sont les plus bas du monde et que les causes de la malnutrition
sont profondément enracinées dans la société.
Cet article a tenté d'étudier certaines des raisons à
l'origine de la malnutrition en Asie du Sud et de suggérer quelques-unes
des grandes approches qui, à notre sens, pourraient le mieux protéger
le développement normal des enfants de la région.
Les réalisations extraordinaires de ces dernières années
montrent que l'Asie du Sud possède les connaissances et les capacités
requises pour surmonter le problème. D'autre part, dans de nombreuses
régions d'Afrique, ces dernières années ont vu une
détérioration des niveaux de vie ainsi que de la capacité
et de la desserte des services gouvernementaux. Comme les pages suivantes
le montrent, la proportion d'enfants malnutris est en hausse dans de nombreux
pays africains, sous l'effet de la dette, de l'ajustement structurel, de
la pauvreté croissante et de la détérioration des infrastructures.
De plus, la terrible épidémie de SIDA en Afrique provoque
désormais presque certainement une augmentation des taux de malnutrition
des enfants et des taux de mortalité dans les nombreuses régions
où jusqu'à un quart des femmes enceintes sont séropositives.
Malheureusement, il semble que le SIDA doive avoir en Asie du Sud des conséquences
qui pourraient être tout aussi dévastatrices.
En conclusion, il convient de noter que cette comparaison entre le statut
nutritionnel des enfants dans deux régions différentes du
monde doit être interprétée non comme un satisfecit
pour les pays d'Afrique subsaharienne, mais comme un défi particulier
pour les pays d'Asie du Sud.
Vulimiri Ramalingaswami est le National Research Professor of India,
titre honorifique conféré par le gouvernement à une
seule personnalité médicale à la fois. Ses études
sur le goitre dans l'Himalaya, ses travaux sur la carence en fer et la physiologie
des adultes pendant les famines le classent au premier rang des médecins
nutritionnistes de l'Inde. Pathologiste de formation, il a été
doyen, puis directeur de l'Institut panindien des sciences médicales
et directeur général du Conseil indien de la recherche médicale.
Il a aussi rempli les fonctions de conseiller auprès du directeur
général de l'UNICEF et du directeur général
de l'OMS. Il a été secrétaire général
de la Conférence internationale sur la nutrition qui s'est tenue
à Rome en 1992.
Urban Jonsson est directeur régional de l'UNICEF pour l'Asie du Sud.
Il a passé la plus grande partie des années 80 comme représentant
de l'UNICEF en République-Unie de Tanzanie, où il avait étroitement
collaboré au programme Iringa, célèbre dans le monde
entier pour la manière dont il est arrivé à réduire
la malnutrition chez les enfants. Il a été pour beaucoup dans
le développement de la stratégie de l'UNICEF en matière
de nutrition. Possédant une vaste expérience acquise tant
en Asie qu'en Afrique, il a publié de nombreux articles et documents
sur les questions touchant la nutrition et la croissance des enfants.
Jon Rohde est représentant de l'UNICEF en Inde. Ses recherches
et ses publications sur diverses questions de nutrition et de santé
des enfants ont inspiré l'engagement pris par l'UNICEF en 1998 de
promouvoir l'allaitement maternel, la vaccination, la thérapie par
réhydratation orale et la surveillance de la croissance en tant que
moyens puissants et peu onéreux de protéger la vie et la croissance
des enfants. Médecin pédiatre, chercheur, enseignant, administrateur
de services de santé et conseiller de l'UNICEF pour les questions
de santé, il a travaillé dans le monde en développement
pendant 27 ans, dont 14 en Asie du Sud. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages
et de nombreux articles sur les problèmes de nutrition et de santé
de l'enfant.
Bien que les auteurs concluent que la situation est meilleure en Afrique
subsaharienne qu'en Asie du Sud dans des domaines tels que l'hygiène
et le soutien social aux femmes, l'Afrique continue à avoir besoin
en la matière d'une assistance qui demeure une grande priorité
de l'UNICEF.
[Table des matières] - [Haut de la page] - [Page suivante]