Traduire les principes dans la loi
Quatorze des 43 pays* ont intégré la Convention à
leur constitution. Trente-cinq pays ont adopté de nouvelles lois
ou ont amendé les textes existants pour se conformer à la
Convention.
En ratifiant un traité international, un Etat s'engage à en
appliquer les dispositions et les principes. Il peut le faire notamment
en créant un cadre juridique propre à cette application. En
voici quelques exemples.
La Tunisie a commencé à modifier la législation relative
aux mineurs avant même la ratification de la Convention (30 janvier
1992). Des lois sur l'éducation ont été adoptées
en 1991, rendant par exemple la scolarité obligatoire pour les enfants
de 6 à 16 ans et pénalisant les parents qui n'envoient pas
leurs enfants à l'école.
Après la ratification, le gouvernement tunisien, avec l'aide de juristes
et d'experts internationaux, a réalisé l'étude et la
révision de sa législation nationale pour l'harmoniser avec
les obligations découlant du traité. C'est l'origine du nouveau
Code de protection de l'enfant (31 octobre 1995) récemment adopté
par le Parlement tunisien. Ce code a été présenté
en détail au Comité des droits de l'enfant qui a félicité
la Tunisie pour ces mesures législatives qui vont au-delà
des normes minimales de la Convention et sont dans de nombreux cas «plus
propices à la réalisation des droits de l'enfant que celles
qui figurent dans la Convention».
D'autres pays se sont aperçus qu'ils avaient peu de lois protégeant
spécifiquement les enfants. L'Ukraine, par exemple, met au point
une nouvelle loi qui sera le premier instrument juridique à protéger
les droits de l'enfant.
Photo: Tunisie -- des sanctions si l'enfant n'est
pas à l'école. ©
Exploitation sexuelle
Certains pays ont commencé à élargir la protection
législative accordée aux enfants risquant d'être victimes
d'une exploitation sexuelle ou autre. Citant la Convention, les parlementaires
sri-lankais ont voté quatre amendements (septembre 1995) destinés
à renforcer la législation relative aux violences sexuelles
sur les enfants, au travail des enfants et à l'adoption.
De même, les Philippines ont pris des mesures pour définir
et pénaliser la prostitution et le trafic d'enfants.
La Belgique et l'Allemagne ont récemment étendu leurs juridictions
nationales dans les cas de prostitution d'enfants et de pornographie impliquant
des enfants afin que les adultes puissent être poursuivis pour des
infractions commises contre les enfants en dehors de leurs frontières
nationales. Elles rejoignent d'autres pays comme l'Australie, le Danemark,
les Etats-Unis, la France, le Japon, la Norvège et la Suède
qui ont adopté une législation similaire.
Législation et travail
Plusieurs pays ont récemment fixé un âge minimal d'admission
à l'emploi, notamment le Népal, le Pakistan, les Philippines
et le Portugal. Le Burkina Faso a révisé sa législation
sur le travail des enfants pour qu'elle respecte les normes de la Convention.
En Indonésie, une nouvelle loi sur l'éducation, s'inspirant
de la Convention, introduite en mai 1994, a porté la durée
de la scolarité obligatoire de six à neuf ans. Cela devrait
conduire à mieux respecter l'âge minimal d'accession à
l'emploi, fixé à 14 ans.
Le Comité a invité un certain nombre de pays ayant soumis
leur rap-port à accorder une plus grande protection légale
aux enfants. Ainsi, il a informé le nouvel Etat indépendant
du Bélarus qu'il convenait d'amender sa législation sur le
travail, la famille et le mariage, ainsi que la procédure pénale
afin de les rendre conformes à la Convention. Le Bélarus a
adopté une loi sur les droits de l'enfant en 1993.
Dans quelques pays, les enfants des réfugiés ou des minorités
sans droit de vote demeurent vulnérables aux violations de leurs
droits. Le Comité a par exemple demandé à la Roumanie
de prendre des mesures plus efficaces pour combattre les préjugés
à l'encontre des enfants gitans dont le taux de scolarisation est
d'ailleurs très faible.
Le Comité s'est également déclaré préoccupé
de la qualité des soins et de la protection juridique accordée
aux enfants, particulièrement aux enfants isolés, arrivant
inopinément en France pour obtenir le statut de réfugié.
Au Canada, a observé le Comité, les personnes qui s'occupent
des enfants réfugiés et immigrants n'ont pas toujours tenu
le compte voulu des principes de non-discrimination.
Les pays à structure fédérale connaissent des difficultés
législatives particulières quand il faut intégrer la
Convention à leurs cadres juridiques. En Argentine, par exemple,
chacune des 24 provinces doit harmoniser sa législation avec la Convention;
jusqu'à présent, seule la province de Mendoza a adopté
une nouvelle loi sur les enfants et les adolescents. Au Canada, la Convention
n'a pas été intégrée à la constitution
du pays ou au droit fédéral, mais les autorités peuvent
néanmoins s'y référer.
L'emploi de la Convention dans les affaires judiciaires est encore rare,
bien qu'au moins 16 pays affirment qu'elle peut être -- et a parfois
été -- invoquée devant les tribunaux. Un tribunal
français s'est appuyé sur la Convention pour déclarer
que les jeunes de milieux défavorisés ayant abandonné
l'école devaient être couverts par la sécurité
sociale, et un juge australien a cité la Convention lors de l'attribution
de la garde d'un enfant. Néanmoins, ainsi que le représentant
du Nicaragua l'a admis devant le Comité des droits de l'enfant, la
plupart des citoyens ne savent probablement même pas qu'ils peuvent
citer la Convention pour soutenir leurs arguments lors de procès.
* Analyse préliminaire des 43 rapports nationaux qui avaient été examinés par le Comité des droits de l'enfant à la fin de 1995.
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