Une nouvelle vie après une adolescence dans l’armée du Myanmar

Zwe Chit fait partie des 800 enfants et jeunes ont été libérés des forces armées depuis 2012

Par Mariana Palavra
UNICEF Myanmar/2016/Khine Zar Mon
22 mai 2017

ÉTAT DE KACHIN, Myanmar, le 22 mai 2017 Zwe Chit a arrêté l’école en quatrième. Il s’est mis à fréquenter quatre amis plus âgés. Tous souhaitaient intégrer l’armée et l’ont poussé à faire de même. Il était âgé de 16 ans lorsqu’il a été recruté.

« Je n’ai jamais rêvé de rejoindre l’armée. Je n’avais pas cette ambition. Je n’ai fait que suivre mes amis puisque je ne savais pas quoi faire d’autre de ma vie », se souvient le jeune homme de 21 ans. 

Il a passé quatre ans dans l’armée, la Tatmadaw. « C’était pénible et difficile dès le premier jour, notamment à cause de tous les règles et les règlements. C’était très contraignant », explique-t-il. 

Il a trouvé une échappatoire en pratiquant la boxe dans le cadre de l’entraînement aux arts martiaux et techniques de défense. « Pendant cette période, toute mon attention était focalisée sur le sport », explique-t-il. 

Il a eu la chance de ne pas être envoyé au front. Un de ses quatre amis a perdu une jambe à la suite de l’explosion d’une mine.

Zwe Chit a décidé qu’il voulait quitter l’armée. Un ami lui a parlé d’un service public d’assistance téléphonique dédié au signalement du recrutement et de l’utilisation des enfants dans les forces armées. Il a appelé pour demander à en sortir en 2015.

Il fait partie des 800 enfants libérés des forces armées du Myanmar depuis la signature du plan d’action commun entre les Nations Unies et le Gouvernement du Myanmar, en juin 2012.

UNICEF Myanmar/2016/Khine Zar Mon

Zwe Chit pratique la boxe avec son entraîneur

Un nouveau départ

L’UNICEF travaille avec le gouvernement et les organismes partenaires dans le pays pour faciliter la réinsertion sociale et économique à long terme des enfants libérés de l’armée ou des groupes armés ethniques.

« Un travailleur social qualifié accompagne chaque enfant libéré et, en collaboration avec les parents et la communauté, il l’assiste dans sa transition vers la vie de civil avec, notamment, un soutien immédiat concernant les documents d’état civil et les examens de santé », explique Emmanuelle Compingt, spécialiste de la protection de l’enfance à l’UNICEF.

Les enfants et les jeunes peuvent avoir accès à différents types de soutien, notamment l’enseignement, la formation professionnelle et l’aide à la recherche d’emploi.    

Chaw Su, travailleur social dans une ONG locale appuyée par l’UNICEF, accompagne Zwe Chit. « Je lui rends visite au moins une fois par mois. Mon rôle est d’apprendre à mieux le connaître pour comprendre comment il a été accueilli par sa communauté et ce qu’il veut faire », explique-t-elle.  

« Nous discutons ensemble des différentes possibilités pour la suite, en tenant compte de ses rêves, ses ambitions et des possibilités commerciales locales », dit-elle. « Je fais tout mon possible pour que la vie de ces garçons change après leur expérience dans l’armée ». 

Les travailleurs sociaux suivent chaque cas pendant au moins deux ans pour garantir une réintégration réussie.
  

Des difficultés continues

Le retour dans sa communauté n’est pas toujours facile pour Zwe Chit. « Je ne suis pas très à l’aise dans les relations sociales ni dans l’expression orale puisque j’ai l’habitude de parler avec le personnel militaire de manière brève, respectueuse et très précise », explique-t-il. 

Son père est toujours officier dans l’armée et la famille vit dans un quartier résidentiel militaire. Cette situation a constitué un véritable défi pour la réintégration de Zwe Chit dans la mesure où de nombreux voisins le regardent d’un mauvais œil.

« Ils disent qu’il a déserté et il est mal accepté dans le quartier », explique le travailleur social. 

Zwe Chit a pris des leçons de conduite et passera bientôt son permis de conduire. « Pour l’instant je me concentre sur le sport, mais dans les années à venir je pense que j’aimerais ouvrir une épicerie », explique-t-il. La boxe l’a fait voyager partout dans le pays. Il est champion dans la catégorie poids mouche (49 kg). C’est l’un des meilleurs de Kachin.

La mère de Zwe Chit est son premier soutien. « Je l’épaule depuis son retour de l’armée. J’ai soutenu ses choix », affirme-t-elle. 

Mère de trois garçons, elle pense que les enfants n’ont rien à faire dans l’armée. « Les enfants devraient se préoccuper de leur bien-être et de leur vie, notamment en étudiant ». 

« L’UNICEF appelle le gouvernement à faciliter la signature d’accords entre les Nations Unies et les groupes armés ethniques afin de garantir la protection de tous les enfants au Myanmar et à soutenir un cadre formel de libération avec ces groupes », affirme Bertrand Bainvel, Représentant de l’UNICEF au Myanmar. « La protection contre le recrutement et l’utilisation des enfants par les parties au conflit constitue une première étape vers une paix durable. Nous ne pouvons pas attendre un accord de paix total pour prendre des mesures ».