La jeunesse, essentielle pour la paix au Burundi

Il faut du temps et beaucoup d’efforts pour consolider la paix. Les jeunes femmes et hommes du Burundi ont maintenant plus que jamais besoin du soutien de l’UNICEF pour devenir les agents d’un changement positif pour les générations futures. 

Par Juan Haro
UNICEF Burundi/2016/Haro
22 novembre 2016

MUBANGA, Burundi, 22 novembre 2016 – « Ma vie a été tellement dure. J’ai toujours vécu dans la peur. Depuis le début de la précédente guerre en 1993, ma famille et moi avons dû déménager de maison en maison. Nous voulons seulement la paix. »

Ce témoignage de Papille Harizena nous montre qu’à 23 ans, malgré son jeune âge, elle a fait l’expérience du fléau de la violence et des soulèvements. Alors qu’elle n’était encore qu’un bébé, le Burundi a vécu un conflit armé interethnique qui a fait plus de 300 000 morts. Cette guerre civile l’a poussée, elle, mais aussi sa famille et des milliers de personnes, à chercher refuge dans des camps de déplacés ou à fuir vers les pays voisins.

« Nous avons dû déménager au moins quatre fois, car les Tutsis étaient persécutés par les Hutus, et vice versa. Nous avons tout d’abord été forcés de quitter notre maison de Colline Kwitaba lorsque la guerre a éclaté et nous nous sommes installés dans le premier camp à Musenyi. Nous n’avons pas pu y rester plus d’un an et avons dû fuir à nouveau », raconte Papille.

En raison de ces déménagements constants, Papille n’a jamais eu la chance d’aller à l’école et ses possibilités sont maintenant limitées. Papille décrit le courage dont elle a eu besoin pour survivre pendant les longues périodes de famine où elle attendait l’arrivée de la nourriture apportée par des ONG, sans rien faire d’autre à la maison que s’occuper des chèvres.

Elle vit à présent dans un camp de déplacés internes à Mubanga avec son mari, qu’elle a rencontré là-bas, et leur enfant. Lorsqu’on l’interroge sur la possibilité de retrouver sa terre d’origine, sa réponse est claire, mais sans amertume : « Les choses ont changé depuis notre départ. Là d’où je viens, les maisons sont éloignées les unes des autres et isolées. Ici dans le camp, nous avons l’habitude d’être près de nos voisins et des autres familles déplacées. Nos enfants sont tous amis et je préfère rester ici. Chez moi, c’est ici maintenant, mais c’est mon mari qui décide », affirme-t-elle.

 

UNICEF Burundi/2016/Haro

Papille est devenue chef de communauté et de famille et travaille avec le Centre Ubuntu pour promouvoir la paix au sein de sa nouvelle communauté.

La philosophie Ubuntu : l’essence de la paix

En Afrique, il existe une philosophie, un concept ancien, un mode de vie appelé Ubuntu. Son origine remonte aux anciens dialectes bantous ; Ubuntu veut littéralement dire « gentillesse humaine » et réunit les valeurs positives de l’être humain comme la solidarité, le dialogue et la cohésion ou l’humanité. Nelson Mandela l’a un jour expliqué en décrivant « un voyageur dans un pays qui s’arrêterait dans un village et n’aurait pas besoin de demander de la nourriture et de l’eau. Dès son arrivée, les gens lui offriraient de la nourriture et le recevraient. C’est là un des aspects d’Ubuntu, mais il peut en revêtir plusieurs. Ubuntu ne veut pas dire que les gens ne doivent pas chercher à s’enrichir. »

« Les valeurs d’Ubuntu représentent tous les peuples, sans distinction ou condition. Nourrir de bonnes relations avec les autres, sans rancœur, est préférable. Mon frère a été une victime, mon mari a été une victime, j’ai moi-même été une victime, mais je crois que nous devons vivre en harmonie si nous voulons avoir une vie normale », explique Papille.

C’est dans cet esprit qu’a été créé le Centre Ubuntu, une ONG burundaise associée à l’UNICEF, pour consolider la paix pour les jeunes touchés par la violence, la discrimination et les problèmes communautaires. Le Centre Ubuntu a tout d’abord commencé par identifier les problèmes du conflit ethnique, puis il s’est attaqué aux comportements de confrontation et a favorisé le dialogue entre les principaux groupes ethniques du Burundi.

L’UNICEF a commencé à travailler avec le Centre Ubuntu en 2013 sur des animations psychosociales comme le théâtre narratif et des formations à la gestion des traumatismes, la résolution de conflits, la bonne gouvernance et la responsabilisation des jeunes ou l’autonomisation financière, autant de compétences essentielles dans un pays où la récurrence des conflits affecte les jeunes depuis des générations.

« Les jeunes qui vivent dans la pauvreté et qui ont souffert de traumatismes en raison des conflits sont plus susceptibles d’être manipulés, de tomber dans la drogue, le crime ou de rejoindre des groupes armés », affirme Madeleine Bigirimana du Centre Ubuntu.

À travers différentes activités comme le partage de chèvres, le travail commun dans les champs ou la cogestion de microcrédits entre des ethnies divisées, son approche favorise le respect mutuel et l’entraide.

« L’outil le plus efficace, c’est le dialogue », explique Madeleine. « Nous formons des groupes communautaires de 60 personnes réunissant des Hutus, des Tutsis et des Batwa et nous discutons de leurs problèmes communs et cherchons des solutions réelles et durables. »

Garçons et filles participent de la même façon dans ces groupes communautaires où l’on estime que l’égalité des sexes et la participation des jeunes femmes sont fondamentales pour la paix et la stabilité.

UNICEF Burundi/2016/Haro

Le Centre Ubuntu encourage les membres des trois principaux groupes ethniques du Burundi à travailler et vivre ensemble pour un avenir de paix.

Des signes d’espoir et de pardon

Depuis que Papille a commencé à prendre part à des activités organisées par l’UNICEF et le Centre Ubuntu, elle sensibilise sa famille et ses amis à l’importance de la tolérance et du respect pour mettre fin aux conflits intergénérationnels et aux tensions entre les membres des différentes communautés.

Le mari de Papille a été gravement blessé au cours d’une agression à la machette lors du dernier conflit. Cette expérience traumatisante lui a laissé une blessure plus profonde que sa cicatrice : il était emporté par sa haine contre l’autre ethnie.

« J’ai expliqué à mon mari ce que j’avais appris au cours des formations d’Ubuntu sur la gestion de conflits. La rancœur et la haine ne nous aident pas, nous devons demander pardon, pardonner et créer des espaces de dialogue entre nous. C’est comme ça que nous construirons la paix », explique Papille.

Grâce à cela, son mari a décidé de rendre visite à la femme hutu de son père tutsi. Les fortes pluies les ont empêchés de retourner dans leur communauté et ils sont donc restés chez elle. Là, elle et sa famille leur ont donné à manger et un abri pour la nuit. Il entretient maintenant de bonnes relations avec la femme de son père et la communauté alentour et a tiré un trait sur la haine qu’il éprouvait auparavant.
  

Un engagement en faveur d’un avenir en paix

« Nous prenons l’avenir de nos enfants très au sérieux », affirme Etienne Niyongabo, Responsable de l’éducation au sein d’UNICEF Burundi. « Leur avenir passe inévitablement par la consolidation de la paix et l’instauration d’un environnement sûr, indispensable à leur croissance. »

Même si le processus de paix au Burundi a avancé à grands pas, la crise sociopolitique actuelle a replongé le pays dans l’instabilité et plus de 108 000 déplacés internes et 300 000 réfugiés (dont 54,6 % d’enfants) ont quitté leur maison en quête de sécurité. Il est donc d’autant plus important de s’assurer que les jeunes grandissent avec les valeurs d’Ubuntu. Et à en juger par l’expérience de Papille, nous savons que c’est possible.

« Maintenant, je peux aller travailler dans les champs de ma ville natale sans avoir peur du passé. Je peux même demander de l’eau aux gens. Si un jour, la récolte est trop grande, je peux la laisser à la maison et revenir un autre jour, mes voisins la garderont pour moi. Nous avons de bonnes relations. C’est ça, la cohésion. Avant, c’était tout simplement impensable », raconte Papille avec fierté.

L’UNICEF a pu forger un partenariat avec le Centre Ubuntu grâce au soutien du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix (PBF), qui finance des initiatives en faveur de la paix dans les pays qui sortent d’un conflit.