La lutte mondiale pour l’éradication de la polio en proie à de nouveaux défis
Malgré des avancées considérables, l’apparition de nouveaux cas met en relief la menace qui pèse encore sur les enfants.
- Disponible en:
- English
- Français
27 mai 2022
En l’espace d’une génération seulement, des progrès spectaculaires ont été réalisés vers l’éradication de la polio sauvage. Le nombre d’enfants paralysés par le virus a en effet chuté de 99 % depuis 1988.
Si la polio est une maladie incurable, il est toutefois possible de la prévenir grâce à un vaccin. Cette mesure de prévention peut protéger un enfant tout au long de sa vie. Pourtant, aujourd’hui encore, beaucoup d’enfants ne bénéficient pas de cette protection. De nombreuses raisons expliquent cette absence de vaccination : les conflits, les déplacements de population, les perturbations des services de santé causées par la pandémie de COVID‑19 ou encore l’hésitation face au vaccin.
En conséquence de cette situation, de nouveaux cas de polio apparaissent aujourd’hui à travers le monde, menaçant les progrès réalisés au cours des trois dernières décennies. Voici un aperçu de la situation mondiale actuelle.
Le Pakistan et l’Afghanistan sont les derniers pays où la polio est encore endémique. Au Pakistan tout d’abord, où en sont les efforts d’éradication de la polio sauvage ?
Le Pakistan a franchi une étape cruciale au début de l’année. En janvier, cela faisait un an que le pays n’avait pas détecté un seul cas de polio sauvage sur son territoire. Il s’agit là d’une avancée remarquable dans le cadre des efforts déployés à l’échelle nationale pour éradiquer la maladie.
Mais la lutte est loin d’être terminée. En avril et mai, quatre cas de polio sauvage ont été confirmés, marquant ainsi un véritable revers pour le pays.
Certains enfants pakistanais restent en effet exposés à un risque élevé de contracter le virus, une situation due notamment à la pandémie de COVID‑19, qui, au cours des deux dernières années, a perturbé les services de vaccination de routine, et, de fait, privé un certain nombre d’enfants du vaccin contre la polio.
Aussi, l’UNICEF et les partenaires de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite intensifient leurs efforts en collaboration avec le Gouvernement pakistanais afin de lancer des campagnes de vaccination de rattrapage. L’accent est principalement mis sur les communautés proches de la frontière avec l’Afghanistan, dans l’ouest du Pakistan, qui abritent une vaste population d’enfants déplacés – les plus susceptibles de contracter et de propager la maladie.
Dans la ville de Lahore, dans l’est du Pakistan, les agents de santé de première ligne font du porte-à-porte afin de rencontrer les personnes qui ont la charge d’enfants et d’administrer le vaccin contre la polio aux enfants. Après avoir reçu leur dose de vaccin, les enfants montrent souvent leur doigt, marqué à l’encre violette pour indiquer qu’ils ont été vaccinés.
Il est crucial d’instaurer la confiance pour augmenter le taux de vaccination. Dans tout le Pakistan, les agents de santé et de mobilisation soutenus par l’UNICEF travaillent sans relâche avec les dirigeants des communautés locales pour rencontrer les familles hésitantes vis-à-vis de la vaccination. Une équipe chargée des médias sociaux garde toujours un œil sur les fausses informations qui peuvent se propager en matière de vaccination et y répond rapidement par des informations exactes.
En Afghanistan, les systèmes de santé sont sur le point de s’effondrer. Qu’est-ce que cela implique pour la protection des enfants contre la polio ?
Au cours de l’année écoulée, la situation des enfants en Afghanistan s’est encore détériorée. Les conflits, conjugués à la sécheresse et à la pandémie, ont provoqué une urgence humanitaire sans précédent. Les systèmes de santé du pays croulent sous la pression, exposant des millions d’enfants à un risque élevé de contracter la polio, ainsi que d’autres maladies potentiellement mortelles.
L’UNICEF reste sur le terrain afin d’administrer aux enfants afghans les vaccins dont ils ont besoin pour survivre, notamment celui contre la polio. En collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé, Rotary International et d’autres partenaires, nous avons vacciné 8,5 millions d’enfants au cours d’une campagne menée en novembre et décembre 2021. Plus d’un quart de ces enfants recevaient leur premier vaccin en trois ans. Il est important de noter que si les cas de polio en Afghanistan sont à un niveau historiquement bas, de nombreux enfants ne sont toujours pas vaccinés. Alors que cette campagne se poursuit en 2022, nous devons donc en faire davantage pour atteindre tous les enfants.
Les équipes de vaccination qui font du porte-à-porte sont particulièrement efficaces, surtout celles dirigées par des femmes. Les normes sociales empêchant souvent les vaccinateurs masculins d’entrer dans les maisons en l’absence d’autres hommes, les femmes ont plus facilement accès aux ménages. C’est la raison pour laquelle l’UNICEF et ses partenaires continuent d’encourager les autorités afghanes de facto à renforcer les effectifs féminins de première ligne et les campagnes de vaccination à domicile.
L’accent est également mis sur d’autres campagnes de vaccination essentielles, comme celles contre la rougeole, en vue de lutter contre les récentes flambées épidémiques.
Cependant, les campagnes de vaccination ne suffisent pas à éradiquer des maladies comme la polio. Le pays a besoin d’un système de santé stable, doté de solides services de santé et de vaccination de routine, pour élargir la couverture vaccinale et enrayer définitivement la propagation du poliovirus sauvage. Pour en savoir plus sur la manière de renforcer les systèmes de santé, cliquez ici.
Sans plus un seul cas de polio sauvage au Nigéria, l’Afrique a été déclarée exempte de la maladie en 2020. Toutefois, certains cas de polio sauvage apparaissent à nouveau sur le continent. Pourquoi ?
À la fin de l’année dernière, un cas de polio sauvage a été détecté chez une petite fille à Lilongwe, la capitale du Malawi. Le virus avait affecté les cellules nerveuses de sa moelle épinière et, par conséquent, sa capacité à marcher. Il s’agit du premier cas de polio sauvage enregistré depuis cinq ans en Afrique, et depuis plus de trois décennies au Malawi.
Quelques mois plus tard, en mai, un cas de polio sauvage a été détecté chez un enfant vivant dans le nord du Mozambique, pays limitrophe du Malawi. C’est également la première fois depuis une trentaine d’années qu’un cas de polio sauvage fait son apparition dans le pays.
Les cas détectés au Malawi et au Mozambique ont été attribués à une souche du poliovirus provenant du Pakistan. L’apparition de cas de polio sauvage en dehors du Pakistan et de l’Afghanistan montre à quel point il est important pour tous les pays d’inscrire les campagnes de vaccination contre la polio au rang de leurs priorités et de surveiller le virus de plus près.
Pour le moment, les cas de polio au Malawi et au Mozambique ne remettent pas en cause la certification de l’Afrique comme région exempte de polio sauvage, car il s’agit dans les deux cas d’une souche importée. La situation n’en est pas moins préoccupante, la polio étant une maladie qui se propage rapidement et qui peut entraîner la mort ou une paralysie à vie. La polio se transmet le plus souvent par la consommation d’eau contaminée par les excréments d’une personne porteuse du virus. Les enfants de moins de 5 ans qui vivent dans des zones privées de systèmes d’assainissement adéquats sont les plus exposés.
Le Gouvernement du Malawi a déclaré une urgence de santé publique, et une campagne de vaccination a été lancée dans la région. Cette intervention rapide, qui bénéficie du soutien de l’UNICEF, vise à vacciner plus de 20 millions d’enfants contre la polio, et ce, pas seulement au Malawi et au Mozambique, mais aussi dans la Tanzanie et la Zambie voisines.
La polio sauvage n’est pas notre seule préoccupation. Il existe un variant, qui est à l’origine de nombreux cas dans le monde. Qu’est-ce que ce variant ? Doit-on s’en inquiéter ?
On observe effectivement une augmentation du nombre de variants de la polio. Il est important de noter que si la communauté internationale a largement progressé dans le cadre de la lutte contre le poliovirus sauvage, nous constatons néanmoins une hausse de ce que l’on appelle les épidémies de poliovirus circulants dérivés d’une souche vaccinale. Il s’agit de variants non sauvages du poliovirus. Ces trois dernières années seulement, près de 2 000 enfants ont été paralysés par des variants.
Ces variants non sauvages apparaissent lorsqu’un nombre insuffisant d’enfants sont vaccinés contre la polio au sein d’une communauté. Dans ce cas, le vaccin oral contre la polio qui est administré aux enfants contient une souche affaiblie du poliovirus. Cela permet de développer une immunité par la formation d’anticorps. Or, en cas de mauvaises conditions sanitaires et d’un accès limité à l’eau potable, le virus peut circuler parmi les populations insuffisamment vaccinées.
Les déficits de vaccination à l’échelle communautaire peuvent donner lieu à des épidémies. Ces lacunes s’expliquent par plusieurs raisons. Parfois, les campagnes de vaccination échouent à atteindre certains enfants pendant de nombreuses années. Les conflits, l’insécurité et l’instabilité peuvent également empêcher les enfants de recevoir le vaccin oral contre la polio, comme c’est notamment le cas au Nigéria, en République démocratique du Congo, en Ukraine et au Yémen, où une augmentation des cas de polio a été constatée. L’hésitation face à la vaccination et la désinformation, qui sont encore chose courante dans certaines communautés, peuvent également entrer en jeu.
Afin de prévenir ces épidémies de variants de la polio, il est impératif de vacciner tous les enfants.
Nous nous trouvons dans une situation précaire et à un tournant décisif. Si nous progressons toujours vers l’éradication de la polio, de réelles préoccupations subsistent. Que fait l’UNICEF pour y répondre ?
La grande majorité des pays du monde ont éradiqué la polio de leur territoire. Cependant, tant que le poliovirus existe, aucun enfant, nulle part au monde, n’est à l’abri de cette maladie débilitante. Le virus ne connaît pas de frontières, et les récentes flambées de polio le prouvent. L’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite estime que si la maladie n’est pas éradiquée de toute urgence, nous pourrions assister à une recrudescence mondiale des cas de polio et voir arriver jusqu’à 200 000 nouveaux cas par an au cours de la prochaine décennie.
En tant que partenaire principal de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite, l’UNICEF se concentre sur le changement social et comportemental pour faire face à cette situation. Nous nous efforçons d’instaurer la confiance dans le vaccin contre la polio parmi les parents et les autres personnes qui ont la charge d’enfants. Il s’agit là d’une première étape cruciale vers la vaccination de tous les enfants. Pour ce faire, nous collaborons avec les dirigeants, les personnes d’influence à l’échelle locale, les médias et les plateformes de médias sociaux des communautés concernées, afin de fournir des informations précises et actualisées sur les vaccins.
Chaque année, l’UNICEF s’occupe également de l’achat et de la distribution de plus d’un milliard de doses de vaccins contre la polio, soit plus de la moitié des vaccins oraux contre la polio dans le monde. Mais ce n’est pas tout. Nous formons également des agents de santé à la gestion de la « chaîne du froid », laquelle garantit la sécurité des vaccins pendant leur transport et leur conservation, avant qu’ils soient administrés aux enfants qui en ont besoin.
Et lorsqu’une épidémie surgit, nous sommes là pour intervenir rapidement dans le cadre de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite, en coordination avec nos partenaires et les gouvernements aux niveaux national et local.