À la rencontre de trois familles congolaises vivant dans le plus grand centre de transit de réfugiés
La violence en République démocratique du Congo a conduit près de 268 000 enfants à fuir vers les pays voisins, dont la Zambie

La violence en République démocratique du Congo a conduit près de 268 000 enfants à fuir vers les pays voisins, dont la Zambie. Le centre de transit de Kenani, à la frontière zambienne, accueille actuellement plus de 14 000 réfugiés congolais et voit arriver chaque jour une centaine de personnes en moyenne, dont 60 % sont des enfants.
Voici le portrait de trois mères et de leurs enfants qui ont entrepris des périples de plusieurs jours à pied pour se mettre à l’abri du danger et qui tentent de se remettre après avoir perdu leur maison et des membres de leur famille en raison du conflit.

Né sur la route de l’exil : Maliselina et Stefan
NCHELENGE, Zambie, le 25 avril 2018 –Maliselina Kambemba était enceinte de cinq mois lorsqu’elle a fui la violence en République démocratique du Congo avec son mari et ses huit enfants. La famille a traversé la forêt à pied jusqu’au lac Moero, à la frontière avec la Zambie. Arrivés là, ils n’avaient presque rien à manger. Ils ont bu l’eau du lac et ont dormi sous les arbres pendant trois jours.
C'était il y a trois mois. Désormais en sécurité en Zambie, toute la famille vit sous une tente au centre de transit de Kenani. Maliselina a donné naissance à son fils Stefan il y a deux semaines et, malgré les traumatismes vécus par sa mère pendant la grossesse, le bébé est en bonne santé.
Avant son accouchement, Maliselina a bénéficié de soins prénatals au centre de santé du camp, géré par le Ministère de la santé zambien avec le soutien de l’UNICEF. Elle a ensuite accouché à l’hôpital local, où on lui a expliqué comment allaiter Stefan dans l’heure suivant sa naissance. Elle dit qu’elle continuera l’allaitement exclusif pendant six mois avant de commencer à lui donner des aliments solides.
Maliselina affirme que toute sa famille va bien. Son principal défi est à présent de nourrir tout le monde avec les rations qui leur ont été données. Elle se rappelle qu’au Congo, ils faisaient pousser toute la nourriture dont ils avaient besoin et qu’ils pouvaient même vendre l’excédent. « Je veux seulement avoir de l’argent pour subvenir aux besoins de ma famille et envoyer mes aînés à l’école. Alors, nous aurons une bonne vie », déclare-t-elle,

Combattre la malnutrition : Belita et Chimshimba
Belita et son fils de 19 mois, Chimshimba, sont récemment passés de la République démocratique du Congo en Zambie. Sur la route, ils ont passé deux jours à dormir dans la brousse, sans pouvoir manger ou boire, ou presque. Pris de diarrhée à plusieurs reprises, Chimshimba s’est dangereusement amaigri et déshydraté. Lors de leur enregistrement au centre de transit de Kenani, il a dû être hospitalisé. Il était dans un tel état de malnutrition que ses pieds étaient enflés à cause de la rétention d’eau et qu’il était trop faible pour se tenir assis.
Chimshimba est l’un des quelque 200 enfants congolais réfugiés et plus traités pour malnutrition aiguë sévère. Une évaluation de l'état nutritionnel des enfants réfugiés du camp, soutenue par l’UNICEF, révèle un taux de malnutrition dangereusement élevé de 13,2 %. Il y a un mois, trois enfants hospitalisés pour malnutrition aiguë sévère sont morts après avoir été ramenés chez eux par leur mère avant d’être prêts à quitter l’hôpital.
Belita reste jour et nuit à l’hôpital avec Chimshimba tandis que sa sœur s’occupe de ses autres enfants. Cinq jours après avoir été admis, il montre des signes d’amélioration alors que Belita lui fait boire du lait thérapeutique au compte-gouttes à l’aide d’une seringue. Ses pieds ne sont plus enflés et il peut s'asseoir, mais il reste affaibli et sa peau pèle, laissant des plaies à vif qu’il essaie de gratter. Belita est maigre, elle aussi, mais elle ne se plaint pas. « Je resterai avec lui à l’hôpital aussi longtemps qu'il le faudra », déclare-t-elle.
Oublier le traumatisme de la guerre : Mammy et Jedo
Mammy, 15 ans, et Jedo, 12 ans, étaient à l’école en République démocratique du Congo lorsqu’ils ont appris que leur village avait été attaqué et que leurs parents avaient été tués. Ils ont immédiatement pris la fuite et ils portaient encore leur uniforme scolaire lorsque Katyete Kuimba, une autre femme du village, les a pris sous son aile. Elle aussi fuyait avec sa famille, mais elle avait été séparée de son mari et de certains de ses enfants. « J’ai appris plus tard que mon mari avait lui aussi été tué... Mes autres enfants étaient avec lui. Maintenant, je ne sais pas où ils sont », explique‑t-elle.
Il leur a fallu un mois pour parvenir à la frontière zambienne à pied, en dormant souvent au bord de la rivière. Ils ont fini par arriver au centre de transit de Kenani, il y a un peu plus de trois mois.
En plus d’avoir trouvé refuge au camp, Katyete et ses enfants ont pu se remettre un peu du traumatisme dans un espace destiné aux enfants, géré par Plan International et Save the Children avec l’appui de l’UNICEF. Ces espaces proposent une éducation informelle, du sport, de la danse et d’autres activités, ainsi qu’un suivi psychosocial. Les deux espaces sont situés dans des zones clôturées où ont été installés des tentes, des balançoires, un terrain de football rudimentaire et des nattes colorées à l'ombre des arbres.
Mammy et Jedo sont tous les deux suivis au centre. Quant à son avenir, Mammy est secrètement déterminée. « J’aime beaucoup [être ici] », déclare-t-elle, ouvrant grand ses yeux tristes. « Je veux simplement continuer à apprendre pour devenir docteur. » Jedo acquiesce : « Je veux apprendre, moi aussi. J’ai besoin de découvrir de nouvelles choses. »
L’UNICEF soutient des actions visant à faire face à l’afflux des réfugiés en Zambie, notamment dans le domaine de la protection infantile, de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène, de l’éducation, de la nutrition et de la santé, sous l’égide du HCR et du Gouvernement zambien, et avec le soutien financier essentiel du Fonds central des Nations Unies pour les interventions d’urgence.
L’UNICEF travaille également avec le gouvernement et des ONG afin de construire des espaces semi-permanents d’accueil pour les enfants et des coins réservés aux jeunes dans la nouvelle zone de peuplement de Mantapala, où de nombreux réfugiés congolais s’installeront une fois que les services sociaux de base y auront été mis en place.