Visage rayonnant de joie et d’espoir, il disait de pianissimo en fortissimo « Vous êtes des héros, des héros de l’ombre, continuez à apporter des messages de paix autour de vous »
Voici la phrase qui a marqué mon esprit et que j’ai entendu lorsque je marchais dans mon quartier. C’est un sexagénaire qui l’a adressée à un groupe d’adolescent et d’adolescentes qui venaient d’achever leurs visites à domiciles pour sensibiliser les communautés à la paix et à la cohésion sociale, dans le quartier de Faso Kanou, à Bamako.
« Vous êtes des héros, des héros de l’ombre, continuez à apporter des messages de paix autour de vous »
Cette phrase m’a rappelé les 3 000 adolescents et jeunes, filles et garçons, des régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso et du district de Bamako, ces héros et héroïnes méconnus.
Inspiré par ce sexagénaire de Faso Kanou, j’adresse une lettre aux 3 000 héros et héroïnes de l’ombre du Mali.
Chères héroïnes, chers héros,
Bien souvent, à votre âge, sous d’autres cieux, les adolescents et les jeunes ont une vie différente : ils évoluent dans un cadre paisible et rassurant.
Ils vont à l’école et profitent des loisirs.
Malheureusement, au Mali, vous n’avez pas forcément la chance que vos amis peuvent avoir sous d’autres horizons.
En effet, depuis de nombreuses années, le pays fait face à une crise et vous êtes les premières victimes, car vous représentez plus de la moitié de la population.
Beaucoup de vos amis ont subi des violences, ont été déplacés de leur maison, ont été déscolarisés.
Dès lors, toutes les raisons sont réunies pour que vous soyez découragés, mais cela n’est pas votre cas.
Quel courage, quelle résilience !
Au lieu d’observer la situation se dégrader, vous avez pris le taureau par les cornes en décidant de vous former et de servir vos communautés pour un changement positif.
Vous avez accepté non seulement de prendre part au programme de cohésion sociale et de consolidation de la paix, mais aussi de participer totalement au projet « ANBE GNOKON BOLO – On est ensemble » financé par le PBF (Fonds de consolidation pour la paix) et mis en œuvre par l’UNICEF et Search For Common Ground.
Chères héroïnes, chers héros,
Comme vos amis du quartier de Faso Kanou, vous avez mené des interventions communautaires de prévention des conflits dans quatre régions du Mali. Ces projets de résilience ont eu un impact positif sur la communauté, comme en témoignent les plus de 1 200 visites à domicile que vous avez faites pour sensibiliser à la cohésion sociale et qui ont touché environ 20 000 personnes.
Au-delà de l’impact de vos actions dans la vie des communautés, je suis heureux de l’impact que ce projet a eu sur vos vies.
Vos amies, Kadiatou, 14 ans et Mariam, 18 ans, m’ont raconté qu’elles n’avaient pas conscience qu’elles étaient auteures de violence verbale envers leurs amis vu qu’elles ont toujours grandi dans un environnement de crise où les paroles méchantes, les querelles étaient régulières.
Aujourd’hui, à travers ce projet, elles en ont pris conscience, et sont devenues des actrices de paix dans leur communauté. Elles sensibilisent et règlent les conflits avec leurs paires, à l’école et dans leur quartier.
À l’ouest du Mali, dans la région de Sadiola, j’ai rencontré deux jeunes garçons, participants au projet de cohésion social qui disaient que la violence devrait résoudre la violence.
Aujourd’hui, je suis heureux de voir leur mentalité changée.
Maintenant, ils disent avec conviction que la violence ne doit pas être une réponse à la violence et sont acteurs de cohésion sociale et de paix.
Quelle fierté !
Aux 3 000 héroïnes et héros,
Merci d’être des actrices et des acteurs de changement positif dans votre communauté.
Assurément, votre résilience porte et portera du fruit.
Pour chaque adolescent, chaque jeune, un Mali stable
Pour chaque enfant, un monde sans violence.
Votre ami,
Daniel Ouedraogo
