Les MGF : " Je veux qu'ils arrêtent de faire ça aux filles ! ", a déclaré E. D.
E.D., une jeune fille de 21 ans, a subi une excision lorsqu'elle était plus jeune. Aujourd'hui, elle se débat entre différentes opérations pour retrouver un certain bien-être.
- Disponible en:
- Français
- English
"J'ai été coupé quand j'étais enfant. Je ne m'en souviens pas vraiment. Mais ce dont je me souviens, c'est que ça faisait mal et que c'était difficile d'aller aux toilettes. J'en ai parlé à mes parents et ils ont dit qu'ils ne savaient pas quoi faire à part me faire couper à nouveau. Donc, pour la deuxième fois, je me suis fait couper. Mais je me sens toujours mal après la cicatrisation. Rien n'a changé, c'était toujours comme avant et même pire. Mes parents étaient désemparés et ne savaient pas quoi faire. Ils ont proposé de me renvoyer chez la vieille dame pour une troisième excision. J'ai refusé. Ils ont insisté mais je ne les ai pas laissés faire. Puis un jour, nous sommes revenus du champ et ils m'ont emmenée de force chez la vieille femme qui faisait les excisions. Nous lui avons expliqué que je n'étais pas bien. Elle m'a regardé et nous a demandé de revenir le vendredi suivant après la prière. Quand j'ai eu un peu de temps ce jour-là, j'ai appelé une de mes tantes qui est infirmière à Gaoua (ville du sud-ouest du Burkina Faso) pour lui expliquer la situation. Elle m'a exhortée à aller à l'hôpital pour raconter cela aux agents de santé. Tôt le lendemain matin, je me suis donc rendue à l'hôpital de mon village. Là, ils m'ont examiné et m'ont donné un papier pour que je puisse aller au centre de santé de Garango. À Garango, j'ai passé deux jours avant d'être transféré à Tenkodogo. A Tenkodogo, ils ont essayé de faire une réparation, mais ils n'ont pas pu. C'est à ce moment-là que mon oncle, qui m'a aidé dans toutes ces démarches, a contacté ma tante qui est à Ouagadougou. C'est elle qui m'a amenée au Centre pour le bien-être des femmes et la prévention des mutilations génitales féminines "Gisèle KAMBOU". Une semaine plus tard, j'étais dans la salle d'opération pour une réparation chirurgicale. J'ai été opérée deux fois. Maintenant, je me sens beaucoup mieux. Suite à ma mutilation génitale, j'ai vraiment souffert. Je ne souhaite cette souffrance à personne. Je veux qu'on arrête de faire ça aux filles !"
Le Burkina Faso, afin de lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles, notamment celles liées à leur intégrité physique, a adopté la loi n°043/96/ADP du 13 novembre 1996 portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines (MGF). Mais cela n'empêche pas certaines personnes de poursuivre cette pratique même si elle se fait en secret. De nombreuses femmes victimes sont obligées de recourir aux centres de santé, aux associations ou aux organisations non gouvernementales afin de trouver des solutions pour soulager leur douleur.
E.D est l'une des milliers de filles, qui subissent des MGF dans leur enfance pour diverses raisons ignorant les instruments législatifs au Burkina Faso.
C'est pour venir en aide à ces femmes qu'ont été mis en place le Centre de bien-être des femmes et de prévention des mutilations génitales féminines Gisèle KAMBOU et l'ONG Voix des Femmes. Créée en l'an 2000, l'ONG s'est d'abord concentrée sur la lutte contre les MGF.
" Au début, l'excision se faisait comme une forme de rite de passage. Nos grandes sœurs étaient excisées à l'âge de 15-16 ans, puis amenées à des maris qui leur étaient attribués. Mais aujourd'hui, le contexte a changé. Des lois ont été votées et l'excision est interdite au Burkina Faso. Donc pour contourner cette loi, les gens excisent les petites filles, surtout celles qui ne savent pas parler. C'est un problème structurel, mais aussi un problème lié à des pratiques coutumières et sociales qui font que ces personnes pensent que l'excision valorise la femme. C'est ce qui a été inculqué aux jeunes garçons, si bien qu'aujourd'hui encore, certains ne se voient pas mariés à une femme non excisée", a déclaré Raphaël Zongonaba, coordinateur de l'ONG "Voix des Femmes".
Des actions de sensibilisation et de plaidoyer ont été menées pour faire évoluer les mentalités. "L'idée est d'amener les détenteurs de traditions et les chefs religieux à accepter la réalité que les MGF sont néfastes pour la santé des femmes et que c'est une atteinte à leur intégrité physique. Ainsi, ils pourront s'adresser aux populations qui les écoutent. Des actions sont également menées pour éduquer le plus grand nombre de filles possible car, comme le dit si bien Raphael Zongonaba, " Une fille éduquée sera moins vulnérable et ne se laissera pas exciser facilement ". Outre la sensibilisation, le plaidoyer et la scolarisation des filles, des réparations sont également menées pour aider les femmes victimes à se sentir mieux pour retrouver une vie normale.
En 2014, une stratégie de communication a été élaborée par l'ONG Voix des Femmes pour amener le gouvernement à intégrer un module sur les MGF dans le système éducatif. L'objectif est d'amener les jeunes à s'approprier la cause et à agir pour mettre fin à ces pratiques.
Il faut noter que le Burkina-Faso se distingue depuis plusieurs années dans la lutte contre les mutilations génitales féminines. Avec l'appui de l'OMS, le pays a élaboré le Plan stratégique du secteur de la santé pour la promotion de l'élimination des mutilations génitales féminines (2019-2023), les directives nationales sur les MGF et le module de formation sur les MGF du programme de formation initiale des sages-femmes et des accoucheurs, en juin 2020.