La sage-femme de Mukalla, au Yémen

La sage-femme de Mukalla, au Yémen

Par Rajat Madhok
Entesar Saeed Bamoumen est sage-femme dans le district de Roukeb de la cité portuaire de Mukalla – et une référence au sein de la communauté. Ici, des enfants d’une école primaire font la queue pour qu’elle leur administre des vaccins.
UNICEF Yemen/2016/Al Batati
25 mai 2018

De son domicile à son lieu de travail en passant par des tournées pour des accouchements en pleine nuit, Entesar Saeed Bamoumen, sage-femme, apporte les soins qui sont indispensables aux enfants et aux femmes du petit district de Mukalla, au Yémen. Suivons-là pour comprendre comment son nom est devenu à lui seul une référence.
  

MUKALLA, Yémen, 29 mars 2016 – Dans le district de Roukeb de la cité portuaire de Mukalla, le nom d’Entesar Saeed Bamoumen est devenu une référence. Vous la verrez sillonner les rues avec sa trousse médicale connue de tous… 

Entesar Saeed Bamoumen est sage-femme et son travail, c’est de voler au secours des enfants et des femmes. Dans ce minuscule district du sud-est du Yémen, cette femme à la trousse a sauvé d’innombrables vies.  
  

Un quart de siècle passé à aider les autres

Pendant vingt-cinq ans, Entesar Saeed Bamoumen a offert des services allant des vaccinations aux soins postnatals et à l’apport d’informations pour les femmes sur les soins de santé destinés aux enfants et sur la prévention des maladies. 

De retour chez elle, vous trouverez cette mère de famille en train de s’occuper de ses trois enfants et des six autres nés de l’épouse défunte de son mari. Pendant la journée, elle se trouve au centre de soins de Roukeb, de huit heures à treize heures. Quand elle est occupée, par exemple pendant des campagnes de vaccination ou lors de l’annonce de la recrudescence d’une maladie, comme la dengue, elle travaille jusqu’à six heures du soir. Le centre a été construit dans les années 60 mais elle y est depuis neuf ans. Y sont offertes des prestations comme la planification familiale, les soins prénatals et postnatals, les analyses médicales, la vaccination et la radiographie.

En plus de ses heures normales au dispensaire, elle fait des visites avec cette trousse, s’arrêtant chez quelqu’un pour voir comment va une femme enceinte, se dépêchant pour aller s’occuper d’une femme en train d’accoucher au milieu de la nuit et qui n’a pu pas joindre un médecin. « Je réponds à toute demande d’aide de la part de n’importe qui et à n’importe quelle heure », dit-elle en souriant.   
  

Une championne de la vaccination 

Pendant et en dehors des campagnes de vaccination, Entesar Saeed Bamoumen est une championne de la vaccination. Par exemple, elle participe à la campagne actuelle de vaccination contre la polio, la rougeole et la rubéole, qui est cofinancée par l’UNICEF. « Pendant ces campagnes, je vaccine jusqu’à 375 enfants par jour », dit-elle. Qu’est-ce que cela représente par rapport à la moyenne ? « Pendant mes journées normales, je vaccine à peine quarante enfants qui viennent au centre du lundi au mercredi », dit-elle.

Pour s’assurer que les enfants sont bien vaccinés, elle parle de l’importance de la vaccination aux femmes du secteur. Elle est connue pour essayer de les y sensibiliser lorsqu’elles se trouvent réunies dans une même salle ou même pendant un accouchement. « Peu après la naissance d’un nouveau bébé », explique-t-elle, « je rends visite à la mère pour vérifier son état de santé et celui du bébé. D’habitude, je trouve beaucoup de femmes ensemble dans la même pièce. Alors je les encourage à prendre conscience de l’importance de la vaccination, des soins prénatals et des symptômes de certaines  maladies comme la dengue. »

Elle pense que de telles campagnes, au côté d’ateliers de travail et d’affiches, ont produit des résultats très positifs, les femmes et les hommes venant aujourd’hui en nombre important au centre pour se faire vacciner et recevoir des informations sur la prévention des maladies. « Au cours des premiers jours de la campagne [actuelle], nous avons vacciné presque 70 % des enfants ciblés », fait-elle savoir.
  

Prise en charge à domicile

En avril 2015, le conflit s’est aggravé à Mukalla et toutes les routes menant à la principale maternité de la ville ont été fermées. Les femmes enceintes de Roukeb et des secteurs voisins se sont tournées vers la sage-femme pour qu’elle puisse les aider. 

Elle a fait ce qu’elle sait le mieux faire. « Parfois, je recevais certaines patientes à mon domicile et j’effectuais ensuite un suivi chez elles », dit-elle.

  • Pour en savoir plus sur les besoins des enfants du Yémen en matière d’aide humanitaire.
      
Aux prises avec les pénuries 

Toutes les chances ne sont pas toujours du côté de personnes comme Entesar Saeed Bamoumen mais elle fait de son mieux pour assurer ses services. Au cours des derniers mois, une épidémie de dengue a frappé Mukalla et ses environs à la suite d’un cyclone qui, en novembre, a dévasté la ville. « Les organisations caritatives et les responsables locaux nous ont donné quelques médicaments contre la dengue », dit-elle, «  mais nous avons tout utilisé rapidement à cause du nombre de plus en plus important de cas. » Cette pénurie fait qu’il est difficile d’aider le nombre croissant de patients qui ont immédiatement besoin de ces médicaments. 

Bien sûr,  en période de conflit et de paix, lutter contre la maladie exige un arsenal de médicaments ainsi qu’un flux de fonds et des moyens de transports réguliers que des acteurs sociaux, comme Entesar Saeed Bamoumen, trouvent difficile d’obtenir. Mais, pour les habitants de Mukalla, cette sage-femme a été la réponse à de nombreuses prières, aidant ainsi la communauté d’une façon bien à elle, en partant de chez elle chaque matin en coup de vent avec sa trousse pleine de miracles.