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Moyen-Orient et Afrique du Nord Yémen

© UNICEF Yémen/2010/Gudmarsson

Elham, 7 ans (à droite) est maintenant dans un camp du gouvernorat Hajjah. Elle est sévèrement traumatisée après avoir été piégée sous les débris de sa maison pendant un pilonnage de l'artillerie. Le conflit en cours a traumatisé beaucoup d'enfants.

Textes et photos : Sveinn Gudmarsson, Responsable de la communication, UNICEF Yémen

Cette simple phrase « il y a cinq barreaux aux fenêtres de la prison » ne semble pas particulièrement difficile à dire en anglais. Mais c’est une autre histoire d’essayer de la prononcer en arabe. Les enfants, qui participent aux activités de soutien psychosocial appuyées par l’UNICEF, sous une vaste tente du camp pour personnes déplacées d’Al-Mazraq, dans le gouvernorat d’Hajjah, dans le nord du Yémen, sont alignés pour crier à tue-tête cette phrase difficile à prononcer, et toute la tente résonne d’éclats de rires alors que commence l’exercice.

À Hajjah, il existe trois camps qui accueillent des hommes, des femmes et des enfants venus du gouvernorat voisin de Saada, touché par un conflit qui dure depuis six ans. Ces populations se sont déplacées récemment lorsque des combats ont éclaté en août 2009 entre les troupes gouvernementales et les tribus fidèles au groupe chiite d’Al-Houthi. Depuis le début du conflit, selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il y aurait eu, dans les gouvernorats de Saada, Amran, Hajjah, AlJawf et Sanaa, de l’ordre de 350 000 personnes déplacées, un bon nombre d’entre elles l’ayant été plus d’une fois.

Bien qu’on soit parvenu à un accord de cessez-le-feu en février 2010, les déplacés rentrés chez eux sont peu nombreux en raison de l’insécurité et parce qu’il n’y a pas eu de reconstruction. Aussi des centaines de milliers de personnes, dont 70 pour cent d’enfants et de femmes, vivent-elles encore dans des camps et des établissements dispersés. Ils sont environ 10 000 à vivre dans le Camp 1 d’Al-Mazraq.

Avec des bleus à l’âme

Les  horreurs de la guerre laissent aux victimes des cicatrices physiques – et des blessures psychologiques, qui sont souvent plus profondes encore, en particulier chez les enfants. Parmi les enfants participant aux activités de soutien psychosocial, au Camp 1 d’Al-Mazraq, il y en a un sur dix qui est traumatisé au point de nécessiter un traitement psychiatrique.

Et ils ne sont pas les seuls. Une évaluation globale interinstitutions, portant sur le bien-être des enfants dans les gouvernorats du nord du pays, affectés par le conflit, a été diffusée en août 2010. Elle indique que 21 pour cent des enfants interrogés ont vu quelqu’un touché ou blessé et que 7 pour cent ont pu voir une personne tuée1. D’après ce rapport, un enfant sur trois se sentait en danger, était triste ou frustré, en colère ou effrayé, ou bien n’avait guère d’espoir.

Elham, une petite fille de 7 ans, venue de Saada, figure parmi ces enfants traumatisés. Elle a été prisonnière des décombres de sa maison, effondrée lors d’un pilonnage d’artillerie et, depuis qu’on l’a sauvée, elle reste perdue dans son monde à elle. Elham ne semble pas comprendre où elle se trouve ; elle n’adresse la parole à personne et ne répond pas non plus lorsqu’on lui parle. On doit à tout moment la prendre par la main de crainte qu’elle ne s’échappe pas et se perde. Elle rit et sourit lors de la séance sous la tente. Néanmoins, son père a le coeur brisé.

« Elle n’était qu’une petite fille comme les autres, mais après ce traumatisme, c’est un être totalement différent. Elle n’est pas toujours joyeuse comme cela ; il est parfois très difficile de s’occuper d’elle », confie-t-il.

Elham est heureusement un cas extrême sous la tente du Camp 1 d’Al-Mazraq : la plupart des enfants participant à ces activités le font pour s’amuser.

Plus de 90 000 enfants ont bénéficié d’une aide

Depuis le début de la situation d’urgence à Saada, en août 2009, des équipes de protection de l’enfant, formées par l’UNICEF et choisies dans les rangs des déplacés eux-mêmes, sont venues en aide à plus de 90 000 enfants déplacés, dans des espaces conçus pour les enfants, à l’intérieur des camps et des établissements. Ces équipes ont offert des activités de loisirs nécessaires, y compris des jeux et la lecture d’histoires traditionnelles. Elles ont en outre recensé les enfants vulnérables et les ont adressés aux services compétents. Par ailleurs, elles ont organisé des séances destinées à la population affectée afin de la sensibiliser à des questions telles que le travail des enfants, les dangers des mines, l’importance de l’éducation pour les enfants, les sévices dont les enfants sont victimes, la protection des enfants en situation d’urgence et l’hygiène dans l’optique d’une bonne santé.

Hashina, une psychothérapeute qui contrôle les activités de soutien psychosocial dans le camp, dit que l’information et la sensibilisation communautaires ont eu des avantages inespérés. « Grâce à ces activités, nous pouvons également aborder différents problèmes de protection dans la mesure où il y a tellement de membres de la communauté qui participent », dit-elle. « Nous avons pu traiter un bon nombre de cas de violence et de maltraitance domestiques et apporter un soutien psychologique. »

Des signes d’amélioration

Les blessures causées par la guerre sont longues à cicatriser, si elles peuvent vraiment cicatriser. Pourtant, certains enfants montrent des signes d’amélioration. « Lorsque nous avons commencé à dispenser  ces services », dit Hashina, « la plupart des enfants étaient malheureux et repliés sur eux-mêmes. J’ai même dû aller jusqu’à leur tente et demander à leur famille de me les envoyer. À présent, ils viennent d’eux-mêmes et s’amusent joyeusement entre eux. »

Mariam et Zarah, deux petites filles de sept ans, pleines d’entrain, qui fréquentent l’espace conçu pour les enfants du Camp 1 d’Al-Mazraq, sont la preuve de cette amélioration. « Nous aimons dessiner, surtout des fleurs », disent-elles toutes les deux joyeusement, presqu’à l’unisson.

Le rire qu’apportent les  jeux, les chansons et les dessins de fleurs ne constituent peut-être pas un traitement complet, mais ces activités appuyées par l’UNICEF dans des espaces d’enseignement conçus pour les enfants leur apportent un certain sentiment de normalité, véritable baume permettant d’effacer les cicatrices de la guerre. Et cet aspect du rétablissement après une situation d’urgence n’a pas de prix.

1  Sous-groupe thématique sur la protection de l’enfant, Interagency Comprehensive Child Protection Assessment in Conflict-Affected Governorates in Northern Yemen (évaluation globale interinstitutions, portant sur le bien-être des enfants dans les gouvernorats du nord du Yémen affectés par le conflit), Sanaa, Yémen, août 2010.